Tout Rachmaninov
« Pour apprécier la bonne musique, l’esprit doit être en alerte et réceptif sur le plan émotionnel. Et cela, votre esprit ne peut l’être si vous êtes assis chez vous, les pieds posés sur une chaise. Non, écouter de la musique est plus fatigant que cela. La musique est comme la poésie. Elle est une passion et elle est un problème. Vous ne pouvez l’apprécier et la comprendre en étant simplement assis et en la laissant s’infiltrer dans vos oreilles. »
Sergueï Rachmaninov
Vous connaissez de Rachmaninov les Concertos 2 et 3 pour piano et orchestre, sans doute les Concertos 1 et 4 et aussi la Rhapsodie sur un thème de Paganini et, bien entendu, le Prélude en ut dièse mineur et la Vocalise, arrangée à toutes les sauces. Si vous êtes un amateur éclectique et avisé, votre discographie de Rachmaninov s’étend peut-être à la Sonate n° 2 pour piano et la Sonate pour piano et violoncelle. Et c’est tout.
En réalité, en vous limitant à ces pièces, vous ignorez la plus grande partie de l’œuvre de Rachmaninov. Decca a eu l’excellente idée de rassembler les enregistrements réalisés au fil des ans par de grands interprètes, parmi lesquels : Martha Argerich, Vladimir Ashkenazy, Beaux Arts Trio, Jorge Bolet, Riccardo Chailly, Charles Dutoit, Nelson Freire, Byron Janis, Neeme Järvi, Zoltán Kocsis, Kirill Kondrachine, Mikhaïl Pletnev, André Previn, Sviatoslav Richter, Elisabeth Söderström, qui constituent l’intégrale de l’œuvre de Rachmaninov.
Rachmaninov (1873−1943) aura été le contemporain de Debussy (1862−1918), de Ravel (1875−1937), de Schönberg (1874−1951), de Stravinsky (1882−1971). Mais il a choisi de s’en tenir au langage musical de la fin du xixe siècle, celui de Tchaïkovski dont il aura été, en quelque sorte, le suiveur, et d’ignorer les innovations de ses contemporains. D’où la popularité de sa musique, facilement accessible, séduisante, dont on ne se doute pas, à la première écoute, combien elle est exigeante. En réalité, il aura porté à un niveau suprême de raffinement la musique romantique.
Rachmaninov était d’abord un pianiste et le parcours autour de son œuvre commence par sa musique pour piano. Les 24 Préludes, les Études-Tableaux, les Variations sur un thème de Chopin, les deux Sonates pour piano et l’un de ses chefs‑d’œuvre, les Variations sur un thème de Corelli. Suivent les transcriptions (de Bach, Schubert, Mendelssohn…) toutes subtiles et d’une grande complexité (ah, cette transcription délicieuse de Liebesleid de Kreisler…) et une foultitude de pièces, parmi lesquelles une Fugue, trois Nocturnes…
Rachmaninov a écrit nombre de pièces de musique de chambre, dont deux Trios élégiaques, deux Suites pour deux pianos, deux Quatuors à cordes (bizarrement jamais joués), des pièces pour piano à 4 et 6 mains, et aussi de prolifiques chansons, des chœurs a capella…
On en vient ensuite aux œuvres orchestrales : trois Symphonies, des poèmes symphoniques dont l’Île des Morts (d’après le tableau de Böcklin), une grandiose symphonie chorale Les Cloches, des cantates, des Chansons Russes pour chœur et orchestre, et son ultime chef‑d’œuvre les Danses Symphoniques.
Le coffret comprend également des compositions religieuses, dont la Liturgie de saint Jean Chrysostome, et trois opéras sur des textes de Pouchkine, Dante, Maeterlinck.
Vous trouverez aussi des interprétations mémorables des Concertos, dont un ébouriffant Concerto n° 3 par Martha Argerich et un extraordinaire n° 2 par Sviatoslav Richter.
Enfin, à l’intégrale s’ajoutent des rouleaux gravés par Rachmaninov lui-même, témoignage émouvant de son style pianistique riche en rubatos et bien dépassé aujourd’hui.
Au total, avec cette intégrale d’une extraordinaire richesse, vous allez découvrir une musique complexe et très élaborée et l’un des très grands compositeurs russes des XIXe-XXe siècles, le disciple de Tchaïkovski et, pour nous, l’égal de Prokofiev.
32 CD DECCA