Tremplin diversifie ses actions
Les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur demeurent fortes. L’obtention du baccalauréat a progressé. L’accès aux études supérieures s’est élargi. Toutefois, ce qui pourrait sembler être un succès de diversification de la population étudiante mérite d’être plus précisément analysé.
Des inégalités déplacées
En lien avec l’École
Tremplin est indépendante des écoles d’ingénieurs mais travaille avec plusieurs d’entre elles. Née à Polytechnique, l’association entretient des relations avec l’École, qui lui confie chaque année plusieurs stagiaires de la nouvelle promotion en formation humaine initiale. Cette année, quatre jeunes X ont ainsi animé des séances dans dix lycées. L’association est aussi présente dans d’autres écoles – ENS Paris, ENSAE ParisTech et Télécom ParisTech –, dont une vingtaine d’étudiants s’engagent auprès des élèves.
D’une part, les étudiants issus des milieux modestes rencontrent plus de difficultés pour assurer leur réussite, que ce soit en raison des coûts financiers directs et indirects ou de leur positionnement dans les réseaux sociaux qui amènent à l’insertion professionnelle. D’autre part, la démocratisation de l’enseignement supérieur s’est accompagnée d’une multiplication des filières, à l’image du baccalauréat qui présente également divers visages.
Cette diversification a eu pour effet de déplacer les inégalités sociales qui ne jouent plus tant verticalement – entre ceux qui n’ont pas le baccalauréat et ceux qui suivent des études supérieures – qu’horizontalement – entre les différentes filières. Le constat d’une ségrégation liée à cette démocratisation peut ainsi être dressé, renforcé par un fort taux d’échec en première année universitaire.
Une multiplication des dispositifs
Donner l’envie de poursuivre des études supérieures
Depuis une dizaine d’années, différents dispositifs ont été créés afin de pallier les manques du système scolaire en matière de représentativité sociale, notamment de ses filières considérées comme les plus prestigieuses. Le paysage des dispositifs aidant les jeunes issus des milieux défavorisés à accéder aux études supérieures s’est donc densifié, jusqu’à devenir un lieu où toute institution se doit d’avoir ses positions. Dans ce monde, l’association Tremplin occupe une place originale.
Janvier 2012. Séance auprès d’élèves de Terminale. © TREMPLIN |
Née en 2000, elle aide les lycéens des quartiers défavorisés à poursuivre leurs études dans l’enseignement supérieur sélectif comme non sélectif. Pour cela, elle intervient dans 17 lycées en Île-de- France, choisis pour leurs faibles résultats au baccalauréat, et propose plusieurs dispositifs visant à accompagner les jeunes depuis la classe de 1re S jusqu’à l’accès à l’emploi. Sa philosophie repose sur trois principes. D’abord, le volontariat des élèves, qui ne sont aucunement sélectionnés et qui s’engagent en devenant membres de l’association. Puis la collaboration avec les équipes pédagogiques et la direction des établissements scolaires. Enfin, Tremplin n’offre pas de soutien scolaire, mais propose un approfondissement complémentaire en vue de donner l’envie de poursuivre au-delà du baccalauréat. Il ne s’agit donc pas de discrimination positive, ni d’un dispositif institutionnel, même si l’association s’insère dans le jeu d’acteurs du monde de l’enseignement.
Avant le bac
Chaque semaine ou toutes les deux semaines, ce sont environ 250 élèves de 1re et Terminale S qui bénéficient de séances assurées par des X stagiaires, des bénévoles en école ou de jeunes cadres d’entreprise. Ces séances peuvent prendre des formes variables : énigmes mathématiques, expériences physiques ou discussions scientifiques. L’idée est également de proposer un contact direct et régulier entre des lycéens de territoires précarisés et des jeunes passés par des études scientifiques : une occasion de discuter de ce que sont les études supérieures, des différentes filières ou des métiers envisageables.
Au-delà du bac
Il est vite apparu que Tremplin devait aider ceux qu’elle a épaulés au-delà du baccalauréat. Pour cela, l’association a développé une palette de dispositifs complémentaires, au fur et à mesure des besoins ressentis. Ainsi, les jeunes étudiants peuvent compter sur une permanence scientifique qui leur propose un soutien scolaire deux fois par semaine et sur des séances de langue en petit groupe. Ils bénéficient d’un parrainage les associant à des professionnels, de bourses pour faire face aux dépenses liées à la poursuite des études (logement, frais de scolarité, etc.) et d’ateliers leur permettant d’élaborer un projet professionnel et de s’entraîner aux entretiens d’embauche.
Diversification
De cette manière, l’association s’est diversifiée depuis ses débuts à Palaiseau. Elle est parvenue à sortir de l’univers des classes préparatoires pour s’ouvrir sur les classes préparatoires intégrées, l’université ou les études de médecine. Elle reste encore toutefois éloignée des filières littéraires, mais ce pourrait être une nouvelle frontière.
Les filières littéraires, nouvelle frontière
Son action s’appuie sur de nombreux bénévoles, qui assurent une présence régulière sur les différents terrains, et sur sa déléguée générale.
Son financement est assuré par des fonds publics (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Région Île-de-France) comme privés (GDF-Suez, Areva, Fondation de France, Axa). Dans la famille polytechnicienne, Tremplin compte également sur l’appui de l’AX, qui héberge l’association, lui offre un secrétariat et la soutient financièrement.
La pérennité des ressources financières est un enjeu récurrent des structures associatives et Tremplin cherche à les inscrire dans le long terme. C’est ainsi que l’association participe à des cordées de la réussite – l’une en cours avec l’École polytechnique, l’autre en projet avec l’ENSAE ParisTech – qui visent à reconnaître et financer les partenariats développés entre lycées et établissements d’enseignement supérieur en vue d’un meilleur accès de tous aux études longues.
Ateliers culturels, février 2012.
Ministère des Affaires étrangères et européennes, avec Michael Ohnmacht, Secrétaire général adjoint pour la Coopération franco-allemande. © TREMPLIN
Tremplin espère ainsi contribuer à pallier les difficultés en matière d’égalité des chances. En étant consciente du fait que d’autres barrières existent – comme la sélection opérée au collège – et que l’association s’adresse à un public nécessairement restreint, les lycéens de la filière S intéressés par des études scientifiques. Les parcours des élèves aidés par Tremplin témoignent de la contribution que l’association espère apporter à la réussite de chacun dans le projet qui lui est propre. Tremplin a confié un programme d’évaluation à des sociologues du CNRS. En étant convaincue que les résultats en seront positifs, l’association a d’ores et déjà prévu de développer son action sur un nouveau territoire : la région lyonnaise, où elle devrait proposer des séances en lycée à la rentrée d’octobre 2012.
Ingénierie, bourse et parrain« Étudiante en seconde année de prépa intégrée à l’UTBM, Université technologique de Belfort-Montbéliard (école d’ingénieurs), je viens du lycée Marcel-Pagnol d’Athis-Mons, dans l’Essonne. J’ai suivi le programme proposé par Tremplin depuis la classe de 1re jusqu’à la Terminale. Grâce à Tremplin, j’ai découvert ce qu’était une école d’ingénieurs et je me suis orientée dans cette voie. À l’origine, je souhaitais plutôt suivre des études de médecine, mais l’ingénierie m’est en définitive apparue comme une voie plus intéressante. Tremplin m’a aussi aidée à obtenir une bourse d’études de la Fondation de l’X qui me permet de suivre mes études sans trop de soucis financiers, et même de financer un semestre d’études à Taïwan que j’effectue actuellement. Un parrain, ancien polytechnicien résidant à Belfort, m’a également été attribué dès le début de mes études supérieures. Je garde contact régulièrement avec lui et il est là pour me soutenir. » Samantha Nea, 19 ans |