Trois axes de lutte contre le cancer : prévention, dépistage, optimisation de l’organisation des soins

Dossier : La santé en questionsMagazine N°599 Novembre 2004Par : Jean-Léon Lagrange et Jean-Paul Le Bourgeois, Service d’oncologie radiothérapie, AP-HP hôpital Henri Mondor, Créteil

Le can­cer est un fléau qui touche à tout âge avec 260 000 nou­veaux cas et envi­ron 150 000 décès par an en France. Son coût est consi­dé­rable : humain d’a­bord, mais aus­si thé­ra­peu­tique et éco­no­mique. En effet, entre 35 et 75 ans, il est la pre­mière cause de mortalité.
Le Pré­sident de la Répu­blique en a fait une prio­ri­té natio­nale et un vaste pro­gramme, le » Plan can­cer » est mis en place.

Tous les aspects de la lutte contre le can­cer ne peuvent être abor­dés. La recherche, l’en­sei­gne­ment, les soins, la prise en charge sociale ont cha­cun une part impor­tante, avec des trans­ferts de l’un vers l’autre. Plu­tôt que de les décli­ner, trois grands cha­pitres de la lutte contre le can­cer paraissent être des prio­ri­tés car leur impact est vrai­sem­blable rapi­de­ment. Il s’a­git de la pré­ven­tion, du dépis­tage et de l’or­ga­ni­sa­tion en réseaux autre­ment dit de l’op­ti­mi­sa­tion de la prise en charge des patients une fois le diag­nos­tic fait.

Une évolution contrastée

Le sui­vi de la popu­la­tion depuis les années cin­quante montre la pro­gres­sion des can­cers dans notre pays. Cette évo­lu­tion est dif­fé­rente selon les sexes. Chez l’homme la mor­ta­li­té est pas­sée de 200100 000 à 300100 000 en 1990 pour redes­cendre à 260 envi­ron au milieu des années quatre-vingt-dix. Chez la femme le taux de mor­ta­li­té est pas­sé de 150100 000 à 130 envi­ron dans le même inter­valle. Cette évo­lu­tion glo­bale ne doit pas cacher l’é­vo­lu­tion spé­ci­fique selon les loca­li­sa­tions tumo­rales. Ain­si chez l’homme, le can­cer du pou­mon n’a ces­sé de pro­gres­ser jusque dans les années quatre-vingt-dix pour ensuite stag­ner. Par contre chez la femme il a conti­nué à pro­gres­ser pour deve­nir la troi­sième cause de mor­ta­li­té. Il repré­sente 28 000 cas envi­ron dont la majo­ri­té trouve son ori­gine dans la consom­ma­tion de tabac.

Pour d’autres l’é­vo­lu­tion est dif­fé­rente. Ain­si chez l’homme la mor­ta­li­té par can­cer de l’en­semble bouche-pha­rynx-larynx-œso­phage est par­tie d’un taux de 35 envi­ron pour atteindre un pic à 60 au milieu des années soixante-dix et redes­cendre à 35 à la fin des années quatre-vingt-dix. De même le can­cer de l’es­to­mac n’a ces­ser de décroître depuis les années cin­quante. Chez la femme la mor­ta­li­té par can­cer de l’u­té­rus et de l’es­to­mac a consi­dé­ra­ble­ment dimi­nué. Par contre celle par can­cer du sein s’est accrue, pas­sant de 20100 000 à 30100 000 envi­ron mais ce chiffre tend à se sta­bi­li­ser. Cette évo­lu­tion contras­tée n’est pas propre à la France. Il n’est pas inutile de men­tion­ner l’é­vo­lu­tion du can­cer du pou­mon très dif­fé­rente selon que l’on s’a­dresse à des pays où une lutte contre le taba­gisme est menée et les autres.

Le méla­nome, bien que peu fré­quent en France, au 9e rang chez la femme et au 13e chez l’homme, atteint envi­ron 7 200 per­sonnes par an. Son inci­dence aug­mente d’en­vi­ron 5 % par an.

Ces quelques chiffres peuvent être l’o­ri­gine d’une réflexion à plu­sieurs dimen­sions car d’une part des fac­teurs envi­ron­ne­men­taux ont un rôle dans la genèse de cer­tains can­cers et d’autre part il est pos­sible qu’une inter­ven­tion humaine puisse modi­fier le déve­lop­pe­ment de cer­tains d’entre eux.

Des éléments d’action

Le méla­nome est notoi­re­ment lié à l’ex­po­si­tion solaire. Son impact est d’au­tant plus impor­tant que les popu­la­tions ont un phé­no­type clair comme dans les pays du nord de l’Eu­rope. La manière dont l’ex­po­si­tion a lieu et l’âge de début ont une influence impor­tante. Ain­si les expo­si­tions inter­mit­tentes, bru­tales, trau­ma­ti­santes dès l’en­fance sont par­ti­cu­liè­re­ment à risque. Depuis long­temps les UVB ont été incri­mi­nés mais de nom­breux argu­ments plaident aus­si contre les UVA uti­li­sés dans les cabines de bronzage.

La consom­ma­tion de tabac, ancienne, s’est accen­tuée avec l’u­sage de la ciga­rette. Il a fal­lu de nom­breuses années pour démon­trer sur le plan épi­dé­mio­lo­gique le paral­lé­lisme entre la consom­ma­tion de tabac et l’in­ci­dence du can­cer du pou­mon. En effet plu­sieurs fac­teurs sont en cause : l’âge de début, le nombre de ciga­rette fumées par jour, la durée de l’ex­po­si­tion au risque. Par ailleurs le temps de latence peut atteindre une dizaine d’an­nées. De nom­breux car­ci­no­gènes sont pré­sents dans la fumée du tabac et leur rôle démon­tré in vitro ou sur des modèles animaux.

Dans l’in­dus­trie de nom­breux agents sont uti­li­sés dont le rôle dans le déve­lop­pe­ment des can­cers est recon­nu. Dans cer­taines situa­tions il s’a­git de patho­lo­gie pro­fes­sion­nelle. L’exemple le plus connu est l’a­miante qui a été très lar­ge­ment uti­li­sée avant que l’on ait mon­tré qu’elle pou­vait pro­vo­quer des can­cers du pou­mon. L’u­ti­li­sa­tion d’une cer­taine essence de bois dans la menui­se­rie est res­pon­sable du déve­lop­pe­ment d’une tumeur très par­ti­cu­lière de l’eth­moïde au niveau de la face.

Ces quelques exemples montrent que le can­cer n’est pas une fata­li­té et qu’il est pos­sible de modi­fier son déve­lop­pe­ment. La pré­ven­tion met en œuvre toutes les actions qui agissent avant que les car­ci­no­gènes n’aient agi sur la cel­lule en sup­pri­mant ou en mini­mi­sant les sources d’ex­po­si­tion. Après l’i­den­ti­fi­ca­tion par des études épi­dé­mio­lo­giques ou en labo­ra­toires de fac­teurs de risque, une réflexion poli­tique et de san­té publique doit être menée pour défi­nir les axes et iden­ti­fier les leviers d’ac­tion. L’Eu­rope a pro­po­sé un code simple avec sept actions indi­vi­duelles qui peut amé­lio­rer la san­té et évi­ter le déve­lop­pe­ment de cer­tains can­cers. Citons-les briè­ve­ment : ne pas fumer, évi­ter l’o­bé­si­té, avoir une acti­vi­té phy­sique quo­ti­dienne, limi­ter la consom­ma­tion d’al­cool, évi­ter les expo­si­tions solaires exces­sives, pré­ve­nir l’ex­po­si­tion aux sub­stances can­cé­ri­gènes connues.

La prévention : une place primordiale dans la lutte contre les cancers, éviter les cancers évitables

Plu­tôt que d’a­gir une fois que le can­cer s’est déve­lop­pé, il a été pro­po­sé d’a­gir en amont et de mettre en place une poli­tique de pré­ven­tion pri­maire. L’é­du­ca­tion et l’ex­clu­sion de fac­teurs de risque en sont les deux fers de lance.

Pour les can­cers cuta­nés, et en par­ti­cu­lier le méla­nome, plu­sieurs études inter­na­tio­nales ont décrit les fac­teurs de risque. Aux États-Unis, on éva­lue à envi­ron 30 % le nombre d’a­dultes qui rap­portent avoir eu dans l’an­née des brû­lures liées à l’ex­po­si­tion solaire. Chez les ado­les­cents de 11 à 18 ans : 72 % d’entre eux ont pré­sen­té au moins une brû­lure liée au soleil et 40 % envi­ron des enfants âgés de moins de 11 ans ont pré­sen­té le même type d’ac­ci­dent. À l’op­po­sé, l’é­tude de ces popu­la­tions vis-à-vis de la pro­tec­tion solaire montre que seule­ment un tiers des adultes uti­lisent des crèmes solaires ou portent des vête­ments pro­tec­teurs. Chez les ado­les­cents, il en est de même. Seule­ment, 20 % envi­ron recherchent l’ombre ou portent des vête­ments pro­tec­teurs. Chez les enfants de 1 an, l’u­ti­li­sa­tion de la crème pro­tec­trice est retrou­vée chez 62 % d’entre eux, 26 % recher­chant de l’ombre. Cepen­dant, l’u­ti­li­sa­tion de crèmes solaires à titre de pro­tec­tion doit être dis­cu­tée car il n’y a pas actuel­le­ment de preuve que leur uti­li­sa­tion influence direc­te­ment le risque de can­cers cuta­nés mais, à l’op­po­sé, peut induire des com­por­te­ments » à risque « , car elles sont géné­ra­le­ment sous-utilisées.

La pré­ven­tion doit donc être basée sur l’é­du­ca­tion, d’au­tant plus effi­cace qu’elle est pré­coce. Les recom­man­da­tions du » Code euro­péen de lutte contre le can­cer » sont d’é­vi­ter les expo­si­tions exces­sives au soleil, par­ti­cu­liè­re­ment chez l’en­fant et les ado­les­cents. Le fait que la stra­té­gie de dépis­tage pré­coce soit en échec devant des méla­nomes à crois­sance très rapide est un élé­ment de plus pour jus­ti­fier la néces­si­té de cam­pagne de pré­ven­tion en contra­dic­tion avec le sou­hait de cha­cun de pré­sen­ter » un bron­zage par­fait « . Les effets de cette stra­té­gie ne seront visibles qu’à long terme.

Ces cam­pagnes s’op­posent aux com­por­te­ments com­muns qui, d’une part, ter­gi­versent entre les béné­fices immé­diats, comme celui d’être bron­zé, valo­ri­sé par notre socié­té, et celui d’un dan­ger à long terme incer­tain, dif­fi­cile à pré­ci­ser indi­vi­duel­le­ment. Elles s’ap­puient sur tous les acteurs per­ti­nents dans les domaines médi­caux mais aus­si de l’é­du­ca­tion, uti­lisent les relais des médias, et s’a­dressent en prio­ri­té aux per­sonnes les plus jeunes dont les com­por­te­ments ne sont pas fixés, et peuvent être inflé­chis. Cette pré­ven­tion doit aus­si prendre en compte l’u­ti­li­sa­tion des UVA, consi­dé­rés jus­qu’à pré­sent comme moins dan­ge­reux que les UVB.

Le can­cer du pou­mon a une évo­lu­tion dis­so­ciée selon les pays, les sexes et les âges. Celle-ci se com­prend si l’on prend en compte les com­por­te­ments vis-à-vis du taba­gisme et les poli­tiques de san­té qui ont été conduites depuis plu­sieurs décen­nies. Aux États-Unis l’in­ci­dence chez l’homme de ce can­cer a dimi­nué depuis une dizaine d’an­nées envi­ron, du fait de la poli­tique agres­sive menée vis-à-vis du taba­gisme. En Europe une évo­lu­tion contras­tée est retrou­vée. Pour les hommes une dimi­nu­tion du can­cer du pou­mon est notée dans la plu­part des pays, au moins chez les jeunes, alors que chez les sujets âgés un pla­teau est atteint voire un léger déclin. En Grande-Bre­tagne cette dimi­nu­tion existe depuis plu­sieurs décen­nies dans toutes les tranches d’âge alors qu’en France ou en Espagne la réduc­tion est moins nette.

Chez les femmes il y a une claire aug­men­ta­tion du taux chez les jeunes et les femmes âgées de plus de 65 ans à l’ex­cep­tion de la Grande-Bre­tagne et de l’Ir­lande où le taux de décès par can­cer du pou­mon dimi­nue chez les pre­mières et atteint un pla­teau chez les secondes. Cette évo­lu­tion est à mettre en pers­pec­tive des modi­fi­ca­tions de la consom­ma­tion de tabac. Plu­sieurs axes ont été mis en œuvre pour atteindre ce but, l’é­du­ca­tion ain­si que la modi­fi­ca­tion de la légis­la­tion d’une part mais aus­si des contraintes éco­no­miques dont l’aug­men­ta­tion du prix du tabac d’autre part. Il a été mon­tré en effet que cette aug­men­ta­tion, si elle attei­gnait un cer­tain seuil, entraî­nait une limi­ta­tion de la consommation.

Les fac­teurs de risque quant au com­por­te­ment vis-à-vis du taba­gisme ont été résu­més plus haut, et la meilleure pré­ven­tion du can­cer du pou­mon est l’ar­rêt du taba­gisme mais aus­si, et sur­tout, d’é­vi­ter de deve­nir fumeur. Le rôle de l’é­du­ca­tion et de l’exemple à cet égard est impor­tant à sou­li­gner. Rap­pe­lons que la légis­la­tion actuelle limite la liber­té de fumer en dif­fé­rents lieux, tels que les lieux publics, les éta­blis­se­ments de soins mais aus­si les écoles, qu’il s’a­gisse de lieux cou­verts ou non couverts.

La pré­ven­tion repose donc sur l’é­du­ca­tion et l’exemple, l’ap­pren­tis­sage des effets toxiques et la remise en cause des béné­fices éven­tuels du tabac, la mise en œuvre de règles et le res­pect de celles-ci. Il est impor­tant, alors que les per­son­na­li­tés ne sont pas encore défi­ni­ti­ve­ment fixées et mal­léables, que les adultes res­pon­sables de l’é­du­ca­tion res­pectent les règles, en ne fumant pas dans les lieux inter­dits et en infor­mant des risques.

Dans le milieu pro­fes­sion­nel et indus­triel, un cer­tain nombre de can­cers pro­fes­sion­nels a été décrit, liés à la mise en contact avec des agents cancérogènes.

Il n’est pas inutile de rap­pe­ler l’exemple de l’a­miante dont l’u­ti­li­sa­tion a été inter­dite et qui doit être éli­mi­née de tous les lieux. Dans les labo­ra­toires, cer­tains agents, tels que le ben­zène ou la ben­zi­dine sont inter­dits, et sont rem­pla­cés par des sub­sti­tuts ou d’autres techniques.

Dépistage : diagnostiquer des tumeurs guérissables

Le dépis­tage du can­cer ou pré­ven­tion secon­daire a pour objec­tif la détec­tion d’un can­cer à un stade pré­coce, c’est-à-dire qui per­met d’es­pé­rer une plus grande effi­ca­ci­té des trai­te­ments et donc, a prio­ri, une sur­vie plus longue. Il s’a­git de pro­po­ser à des per­sonnes en appa­rence bien por­tantes un test diag­nos­tique afin d’i­den­ti­fier une mala­die à un stade asymp­to­ma­tique. Si des béné­fices sont à attendre d’une telle poli­tique, par contre, on ne peut évi­ter un cer­tain nombre d’ef­fets indé­si­rables sur la popu­la­tion, à qui est pro­po­sée cette stra­té­gie. Avant de déci­der d’une poli­tique de dépis­tage, il y a donc lieu d’é­va­luer mais aus­si de pré­sen­ter les béné­fices ain­si que les risques poten­tiels, afin que cha­cun puisse indi­vi­duel­le­ment déci­der de sa par­ti­ci­pa­tion active aux cam­pagnes de dépistage.

Sur le plan des prin­cipes géné­raux, un dépis­tage doit être effec­tué dans le cadre d’un pro­gramme orga­ni­sé per­met­tant d’a­voir un degré d’as­su­rance de qua­li­té impor­tant à tous les niveaux, une bonne infor­ma­tion, une éva­lua­tion rigou­reuse et une opti­mi­sa­tion des moyens mis à dis­po­si­tion. Les béné­fices ne peuvent être atteints que si la cou­ver­ture de la popu­la­tion est suf­fi­sante, ce qui ne peut être obte­nu par un dépis­tage indi­vi­duel ou spontané.

Ce dépis­tage s’a­dresse à des popu­la­tions cibles pour les­quelles la mala­die repré­sente un pro­blème impor­tant de san­té publique, ayant un stade latent recon­nais­sable, et un trai­te­ment effi­cace. De même, le test uti­li­sé doit être per­for­mant et accep­table. Il doit, en outre, être ana­ly­sé en inté­grant les fac­teurs éco­no­miques. Ces cri­tères ont été pro­po­sés par l’OMS.

Il y a lieu de prendre en consi­dé­ra­tion les effets délé­tères, en par­ti­cu­lier sur le plan psy­cho­lo­gique, un dépis­tage pou­vant induire un état d’an­xié­té inutile en rai­son de faux diag­nos­tics posi­tifs ou néga­tifs. De plus il n’é­carte pas la pos­si­bi­li­té de la sur­ve­nue d’un can­cer entre deux exa­mens pro­gram­més. Actuel­le­ment, le dépis­tage des can­cers est recom­man­dé dans le pro­gramme euro­péen de lutte contre le can­cer pour trois tumeurs : le can­cer du sein, le can­cer du col de l’u­té­rus et le can­cer colorectal.

Plu­tôt que d’ex­po­ser ces trois situa­tions, il appa­raît oppor­tun de se cen­trer sur le dépis­tage du can­cer du sein qui donne lieu actuel­le­ment à une cam­pagne natio­nale, sous l’é­gide du minis­tère de la Santé.

Son inté­rêt a été démon­tré par plu­sieurs essais contrô­lés, réa­li­sés dans dif­fé­rents pays. Les auteurs ont mon­tré une dimi­nu­tion de 30 % de la mor­ta­li­té par can­cer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans. Il semble, en outre, que cette tra­duc­tion sur la mor­ta­li­té puisse béné­fi­cier aux femmes de 40 à 49 ans. La mam­mo­gra­phie est la méthode diag­nos­tique de réfé­rence ce qui implique des pro­blèmes d’or­ga­ni­sa­tion. En effet, il est fon­da­men­tal qu’elle soit réa­li­sée dans des condi­tions repro­duc­tibles et défi­nies. Des règles ont été édi­tées par les socié­tés savantes :

  • lec­ture orga­ni­sée avec si besoin confir­ma­tion par un ou deux obser­va­teurs indépendants,
  • résul­tats remis aux per­sonnes avec une expli­ca­tion médi­cale afin de les orien­ter si besoin est, vers les struc­tures de soins appropriées,
  • for­ma­tion des radio­logues et niveau d’ac­ti­vi­té suffisant,
  • appa­reils contrô­lés sur le plan de la radioprotection.

La mise en œuvre de ces pro­grammes en France a été pro­gres­sive. En effet, dès 1989, le Fonds natio­nal de pré­ven­tion, d’é­du­ca­tion et d’in­for­ma­tion sani­taire a mis en place six pro­grammes dépar­te­men­taux expé­ri­men­taux puis quatre autres en 1991, et en 1994, le ministre de la San­té a déci­dé de l’é­tendre. Un cahier des charges pré­cis a été éla­bo­ré et deux pro­grammes ont fait par­tie comme pro­jet pilote du pro­gramme » Europe contre le Can­cer « . La stra­té­gie diag­nos­tique et l’arbre déci­sion­nel ont été éta­blis, en cas de posi­ti­vi­té ou de néga­ti­vi­té. En 1996, les pro­grammes ont été éva­lués. Les taux de par­ti­ci­pa­tion variaient selon les dépar­te­ments de 21 à 46 %. Paral­lè­le­ment le taux de dépis­tage s’est pro­gres­si­ve­ment amé­lio­ré et le pour­cen­tage de can­cers inva­sifs de petite taille diag­nos­ti­qués a aug­men­té. En 1999, des recom­man­da­tions ont été éta­blies par l’A­NAES (Agence natio­nale d’ac­cré­di­ta­tion et d’é­va­lua­tion en san­té) : un nou­veau cahier des charges a été publié au Jour­nal Offi­ciel en 2001, défi­nis­sant les niveaux d’or­ga­ni­sa­tion, la popu­la­tion cible ain­si que les moda­li­tés et impose un débit mini­mum annuel de mam­mo­gra­phies par radio­logue, ain­si que le contrôle du maté­riel radio­lo­gique afin de limi­ter l’ir­ra­dia­tion. Ce dépis­tage s’a­dresse aux femmes de 50 à 74 ans. Le taux de par­ti­ci­pa­tion est variable sui­vant les dépar­te­ments, et atteint envi­ron 40 % de la popu­la­tion cible. Envi­ron 10 000 can­cers ont été détec­tés, dont les 23 au cours de la pre­mière mam­mo­gra­phie. Dans 14 % des cas il s’a­gis­sait de tumeurs non inva­sives, et dans 70 % des cas le can­cer était inva­sif mais n’é­tait pas asso­cié à un enva­his­se­ment gan­glion­naire c’est-à-dire majo­ri­tai­re­ment de pro­nos­tics favo­rables. Ce pro­gramme a per­mis la géné­ra­li­sa­tion du dépis­tage sur tout le ter­ri­toire fran­çais depuis le pre­mier tri­mestre 2004.

Sou­li­gnons cet exemple de col­la­bo­ra­tion réus­sie entre l’É­tat, les caisses d’as­su­rance mala­die et les pro­fes­sion­nels de san­té. Les résul­tats devront être ana­ly­sés afin d’op­ti­mi­ser l’or­ga­ni­sa­tion des soins en cancérologie.

Une organisation de soins en réseau pour un accès équitable aux meilleurs soins

Dans le Plan can­cer, l’or­ga­ni­sa­tion des soins autour des patients est l’ob­jet de nom­breuses pro­po­si­tions de mesures afin de rendre le sys­tème trans­pa­rent, d’a­mé­lio­rer la coor­di­na­tion des struc­tures de soins, de don­ner un accès équi­table à cha­cun à l’in­for­ma­tion, aux inno­va­tions thé­ra­peu­tiques et à une prise en charge glo­bale et per­son­na­li­sée. Cette orga­ni­sa­tion doit per­mettre à cha­cun de par­ti­ci­per à des essais thé­ra­peu­tiques cli­niques, seule manière d’é­va­luer et de faire évo­luer rapi­de­ment les moda­li­tés de prise en charge. En effet la qua­li­té du résul­tat thé­ra­peu­tique obte­nu en can­cé­ro­lo­gie dépend, en par­tie, de la qua­li­té des soins mais aus­si de l’or­ga­ni­sa­tion de ces derniers.

De nom­breux textes ont déjà été éla­bo­rés par le minis­tère de l’Em­ploi et de la Soli­da­ri­té afin de pré­ci­ser l’or­ga­ni­sa­tion des soins en can­cé­ro­lo­gie avec, en par­ti­cu­lier, la pro­mo­tion de la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té impli­quant la par­ti­ci­pa­tion des dif­fé­rents acteurs selon leurs com­pé­tences, à la déci­sion thé­ra­peu­tique et à l’op­ti­mi­sa­tion de la séquence proposée.

Cette orga­ni­sa­tion repo­sait, jus­qu’à pré­sent, sur la recon­nais­sance de sites orien­tés vers la prise en charge de patients por­teurs de can­cers ou de sites de réfé­rence ain­si que d’é­ta­blis­se­ments de proxi­mi­té. Les cri­tères d’i­den­ti­fi­ca­tion reposent sur la pré­sence de pra­ti­ciens ayant une com­pé­tence en can­cé­ro­lo­gie, de pla­teaux tech­niques et de moyens adap­tés et sur une acti­vi­té de soins mais aus­si d’en­sei­gne­ment et de recherche.

L’or­ga­ni­sa­tion de ces réseaux a été pré­ci­sée dans une cir­cu­laire de 1999, une réflexion plus abou­tie est en cours au minis­tère de la Santé.

Le Plan can­cer a ampli­fié cette poli­tique afin que la tota­li­té des nou­veaux patients atteints de can­cers puisse béné­fi­cier d’une concer­ta­tion plu­ri­dis­ci­pli­naire, que son par­cours thé­ra­peu­tique pré­vi­sion­nel lui soit pré­sen­té sous la forme d’un pro­gramme per­son­na­li­sé au cours d’une consul­ta­tion d’annonce.

Les éta­blis­se­ments devront mettre en place des Centres de coor­di­na­tion en can­cé­ro­lo­gie (3C) et tous les patients devront béné­fi­cier très pro­chai­ne­ment d’un dos­sier com­mun com­mu­ni­quant au sein de chaque réseau de cancérologie.

Cette orga­ni­sa­tion ne pour­ra être fonc­tion­nelle sans que l’en­semble des inter­ve­nants, et en par­ti­cu­lier les méde­cins géné­ra­listes, ne par­ti­cipent aux soins afin de garan­tir la qua­li­té, des réfé­ren­tiels devront être éla­bo­rés. Cela implique la mise en œuvre d’ou­tils nouveaux.

En conclusion

À côté de la recherche fon­da­men­tale, qui amène une meilleure connais­sance des pro­ces­sus tumo­raux indis­pen­sable à l’é­la­bo­ra­tion de nou­velles stra­té­gies et de l’a­mé­lio­ra­tion des résul­tats des trai­te­ments, il est impor­tant d’a­gir dès main­te­nant afin de ralen­tir le déve­lop­pe­ment des can­cers dans notre socié­té. Des actions de san­té publique, d’or­ga­ni­sa­tion, d’a­mé­lio­ra­tion de la prise en charge glo­bale peuvent per­mettre d’ob­te­nir des résul­tats. Amé­lio­rer et déve­lop­per la pré­ven­tion, dépis­ter les tumeurs à un stade pré­coce, pro­po­ser aux patients des soins de qua­li­té opti­male sont trois dimen­sions qui devraient avoir un impact rapi­de­ment mesurable.

Références

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