Trois défis majeurs pour les banques
Les banques ont perdu le monopole des services de paiement. Pour garder la confiance de leurs clients, elles doivent se repositionner dans la chaîne de valeur, assurer la sécurité dans le respect de la réglementation, mais aussi continuer à innover et à préserver la rentabilité de leur business model.
La phase de paiement est essentielle dans le dénouement de toute transaction commerciale. Pour les nouveaux acteurs du monde numérique, elles sont stratégiques. Les banques sont exposées au risque de désintermédiation dans un marché où fleurissent de nouvelles offres de paiement.
La Directive européenne sur les services de paiement de 2007 a mis fin au monopole des banques et permis l’essor des nouveaux acteurs.
À plusieurs reprises (DME1&2, DSP1&2), les régulateurs sont intervenus pour clarifier les règles de concurrence et de responsabilité. Dans ce paysage, la banque doit relever trois défis majeurs.
REPÈRES
En quinze ans, les technologies ont révolutionné les parcours d’achat. Les acteurs du commerce se sont adaptés. De nouveaux modèles de distribution ont émergé, positionnant de nouveaux intervenants entre le consommateur final et le « producteur » des services.
Les exemples les plus marquants se situent dans les secteurs de l’hébergement et des véhicules avec chauffeur.
SE POSITIONNER DANS LA CHAÎNE DE VALEUR
L’adossement du moyen de paiement au compte de dépôt est menacé. Or, il matérialise et qualifie le degré de la relation bancaire au quotidien, et apporte la connaissance client. Si elle bénéficie de la confiance de ses clients, la banque doit cependant revoir son positionnement.
Ses concurrents ne sont plus seulement des banques mais des industriels, processeurs, établissements de paiement et de monnaie électronique, sociétés technologiques… De grandes marques proposent de nouveaux services et parcours clients, incorporant le paiement.
“ L’adossement du moyen de paiement au compte de dépôt est menacé ”
Dans la chasse aux données clients, le paiement est un facteur clé pour appréhender les données relatives au contexte de l’achat. Mais la multiplicité des offres fragmente les modes opératoires. Le consommateur s’y perd et craint de l’insécurité.
Pour préserver ses atouts, la banque doit donc proposer des parcours de paiement fluides sur tous canaux, ne pas transiger avec la sécurité et élargir son champ d’action : remonter la chaîne de valeur du parcours d’achat, proposer de l’agrégation de comptes, de l’initiation de paiement…
Cela passe par des partenariats bancaires pour l’interopérabilité et l’universalité, par des partenariats avec le commerce pour l’intégration dans le parcours d’achat, et enfin des partenariats technologiques pour l’efficacité.
En effet, la force de la banque réside dans sa capacité à gérer de façon industrielle la relation avec la clientèle (conquête, gestion quotidienne…). Les partenariats technologiques lui permettent de disposer rapidement des ressources qu’elle ne maîtrise pas encore. C’est tout l’enjeu des programmes fintechs mis en place par les banques.
RESPECTER LES EXIGENCES RÉGLEMENTAIRES ET DE CONFORMITÉ
En vue d’unifier le marché européen, les réglementations sur les moyens de paiement ont porté sur plusieurs points : l’ouverture à de nouveaux entrants, la disparition ou la baisse des commissions interbancaires, la conformité (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), la sécurité et l’authentification renforcée des acteurs, la standardisation technique et la création des nouveaux instruments de paiement que sont le virement européen (SCT), le prélèvement européen (SDD) et le paiement instantané (Instant Payment).
“ La multiplication des réglementations dilue les responsabilités des acteurs ”
La multiplication des réglementations (domestiques, européennes, internationales dans le domaine des cartes) dilue les responsabilités des acteurs. En définitive, le client final ne retiendra que celle de sa banque.
Le respect des règles est un vrai défi pour une banque internationale face à un marché européen fragmenté et aux pratiques « locales ».
Et il est paradoxal de constater que nombre de nouveaux acteurs s’appuient, pour s’affranchir des exigences de conformité, sur les formalités accomplies par les banques pour identifier leur client (KYC : Know Your Customer) lors de l’émission d’une carte et l’ouverture d’un compte bancaire.
L’utilisation des données personnelles collectées lors du paiement est également appréhendée différemment par ces acteurs. Pour consolider sa légitimité, la banque ne doit pas transiger sur les contrôles de conformité, doit garantir la protection des données personnelles des clients ainsi que le haut niveau de sécurité de ces données.
PRÉSERVER LA RENTABILITÉ DU BUSINESS MODEL
La réglementation a profondément réduit les revenus des banques, en particulier en interdisant les commissions interbancaires sur les virements et les prélèvements, et en réduisant les commissions sur les cartes.
Des partenariats avec des fintechs pourraient aider les banques à s’adapter au contexte d’accélération de l’innovation dans le monde des paiements. © SOMPONG_TOM / FOTOLIA.COM
Elles doivent cependant continuer d’investir pour intégrer les évolutions réglementaires et sécuritaires, accompagner la transformation des usages des clients et maintenir les systèmes informatiques à l’état de l’art (volumes, temps réels, résilience).
Dans un environnement où la concurrence est rude, où la tarification client doit se justifier par la valeur ajoutée et où l’économie repose sur des volumes importants associés à un risque faible, la banque doit faire preuve de pragmatisme économique.
Cela commence par l’adoption rapide des standards, la recherche de mutualisation au travers de partenariats, un plan marketing clair et l’adoption de méthodes agiles facilitant le test and learn.
CONTINUER À INNOVER
Dans un contexte d’accélération de l’innovation dans le monde des paiements, les banques ont des atouts indéniables : confiance des consommateurs et force de frappe industrielle.
Elles doivent cependant résoudre l’équation d’une expérience client optimisée et d’une stricte application des exigences réglementaires et de conformité.
La solution peut être apportée par des partenariats avec des fintechs, dont les différents modèles sont encore à tester.
TROIS NOUVEAUX INSTRUMENTS DE PAIEMENT EN EUROS :
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Le virement SEPA, ou virement SCT (pour SEPA Credit Transfer) est un instrument de paiement en euros destiné à l’exécution de transferts de fonds entre des comptes situés dans la zone SEPA : les 27 pays de l’Union européenne + Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse.
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Le prélèvement SEPA, ou SDD (SEPA Direct Debit) est un mode de paiement utilisé dans l’Union européenne et l’AELE. C’est le moyen de paiement par lequel le titulaire d’un compte bancaire ou postal autorise un créancier à prélever sur ce compte toute somme due à ce dernier. Les conditions de paiement sont identiques quel que soit le pays du créancier et celui du débiteur.
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Instant Payment, tel que défini par l’Euro Retail Payments Board, est une « solution de paiement électronique disponible 24÷7÷365, résultant d’une compensation interbancaire immédiate ou quasi immédiate de l’opération et du crédit du compte du bénéficiaire avec une demande de confirmation au payeur ».
Ce système est déjà utilisé au Danemark et au Royaume-Uni où les particuliers peuvent effectuer des virements de compte à compte en dix secondes. Ce sera bientôt possible – sans doute fin 2017 selon le site BforBank – en France et dans le reste de l’Europe où ces transactions prennent actuellement environ deux jours.