Trois scénarios pour éclairer les décideurs
Une réflexion du Conseil mondial de l’énergie sur l’avenir des filières énergétiques en fonction des choix politiques et des stratégies industrielles qui mènent à des scénarios baptisés musicalement Jazz moderne, Symphonie inachevée et Hard Rock.
Si les cinquante dernières années ont été marquées par l’augmentation de la demande énergétique et l’essor des énergies fossiles, l’avenir sera incontestablement différent.
Nous sommes entrés dans une période de transition énergétique en réaction à des tendances lourdes :
“ Le rôle du gaz dans l’équilibre énergétique du futur ”
- développement technologique très rapide ;
- transformation digitale irréversible ;
- défis environnementaux globaux attribuables aux gaz à effet de serre (GES) et aux changements climatiques ;
- forte urbanisation et ralentissement de la croissance de la population mondiale.
La transition énergétique bouscule autant les stratégies de développement que les modèles d’affaires, les prix que les filières de production et les habitudes de consommation.
Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher sur l’importance relative de chacune des filières énergétiques dans l’avenir et notamment sur le rôle du gaz dans l’équilibre énergétique du futur.
REPÈRES
Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis l’accord international sur la lutte contre les changements climatiques conclu à Paris dans le cadre de la COP 21. Avec une rapidité remarquable, l’accord est entré en vigueur en novembre dernier.
L’Accord de Paris a valeur de précédent et témoigne d’une prise de conscience généralisée à l’ensemble de la planète des impacts des changements climatiques sur notre environnement et de l’urgence d’agir.
TROIS SCÉNARIOS À L’HORIZON 2060
À cet égard, les travaux du CME sont instructifs. Le rapport établi par cet organisme explore trois scénarios possibles à l’horizon 2060 ; ces scénarios ne sont pas des prédictions ; ce sont des développements possibles en fonction de politiques énergétiques et de stratégies industrielles différentes.
Le scénario Jazz moderne est caractérisé par l’innovation technologique et la digitalisation et des politiques favorisant le libre marché et de faibles coûts d’énergie.
“ La filière gaz est une composante essentielle du futur énergétique ”
Les hypothèses à la base du scénario Symphonie inachevée sont celles d’un monde de concertation internationale et d’harmonisation des contributions nationales pour réduire les émissions de GES et privilégier des choix politiques compatibles avec des économies à bas carbone.
A contrario, le scénario Hard Rock explore un monde où les mesures protectionnistes remplacent les accords internationaux et où les exigences de contenu local donnent lieu à des choix énergétiques et économiques peu compatibles avec une réponse efficace aux changements climatiques.
CINQ CONSTATS MAJEURS
Ces grands travaux ont permis de dégager cinq constats principaux. Le premier est que l’apport des nouvelles technologies, la transformation digitale, les objets connectés, l’automatisation, le big data sont autant de développements qui contribuent à une plus grande efficacité énergétique et au ralentissement de la demande énergétique primaire.
D’ici 2060, celle-ci n’augmenterait que de 10 % dans Symphonie inachevée, de 25 % dans Jazz moderne et de 34 % dans Hard Rock, alors qu’elle a plus que doublé depuis 1970.
Second constat : la demande globale d’électricité doublera d’ici 2060, conséquence d’une urbanisation croissante, de l’augmentation de la classe moyenne et d’habitudes de consommation encouragées par les nouvelles technologies.
Ainsi, l’électricité atteint 29 % du mix énergétique dans Symphonie inachevée, 28 % dans Jazz moderne et 25 % dans Hard Rock.
LES ÉNERGIES RENOUVELABLES AU PREMIER PLAN
La demande globale d’électricité doublera d’ici 2060. © UBE / FOTOLIA.COM
Troisième constat : la croissance des énergies de source éolienne et solaire se poursuit à un rythme sans précédent. Ces énergies renouvelables, dont les coûts continueront de diminuer, remportent la part du lion du mix énergétique.
De 4 % en 2014, elles passeront d’ici 2060 à 39 % de la production énergétique dans Symphonie inachevée, à 30 % dans Jazz moderne et à 20 % dans Hard Rock.
Les développements technologiques dans le stockage, combinés à la complémentarité de l’hydroélectrique, du nucléaire et du gaz naturel, les réserves pompées, la production décentralisée et une meilleure intégration des réseaux électriques sont autant de réponses à l’intermittence de la production solaire et éolienne.
BAISSE DU CHARBON ET CROISSANCE DU GAZ
Les deux derniers constats concernent la place future des énergies fossiles. La contribution du charbon plafonne d’ici 2020 dans Jazz moderne et Symphonie inachevée et d’ici 2040 dans Hard Rock, principalement en raison des défis d’accès à l’énergie en Chine et en Inde. La part du pétrole plafonne à 103 mb/j dans Jazz moderne, à 94 mb/j dans Symphonie inachevée d’ici 2030 et à 104 mb/j entre dix et vingt ans plus tard dans Hard Rock.
Le gaz naturel dans le mix énergétique du futur augmente dans tous les scénarios. Plus de GNL dans Jazz moderne et plus de gaz naturel non conventionnel en Amérique du Nord, en Argentine, en Chine et en Australie dans Hard Rock. La part du gaz augmente aussi dans Symphonie inachevée mais à un rythme plus lent en raison d’une réglementation plus sévère des GES dans ce scénario.
Dans les trois scénarios, le gaz naturel occupe le deuxième rang du mix énergétique global, tout de suite après les énergies renouvelables. En 2060, il constitue 26,9 % du mix dans Jazz moderne, 22 % dans Symphonie inachevée et 20 % dans Hard Rock.
Si tous les scénarios prévoient une augmentation des consommations de gaz, c’est parce que cette filière est une composante essentielle du futur énergétique.
LA NÉCESSITÉ D’OBTENIR DES RÉSULTATS RAPIDES
Le climat à une date donnée ne dépendra pas du flux des émissions à cette date, mais de l’effet cumulatif des émissions. En conséquence, l’objectif est double : réduire les émissions de GES et le faire rapidement.
Dans cette optique, la production d’électricité et le transport sont deux champs d’activité où des résultats rapides sont atteignables.
La production d’électricité représente environ le tiers des émissions de GES au niveau mondial. Les EnR (éolien et solaire) seront les technologies les moins chères pour produire de l’électricité d’ici quelques années : elles sont déjà un pilier de la transition énergétique.
Dans ce contexte, les centrales à gaz fournissent une production complémentaire aux EnR pour assurer une sécurité énergétique tout en favorisant une réduction rapide des émissions de CO2.
En remplaçant des centrales brûlant du charbon ou des produits pétroliers par des centrales à gaz, on réalise une baisse de plus de 13 % des émissions de CO2.
Du côté des transports, la décarbonation devient possible avec l’apparition de véhicules à basse émission de CO2 : des véhicules électriques pour les villes, et des camions au gaz naturel pour le fret longue distance, en raison des contraintes de recharge des batteries.
Dans les pays développés ou émergents, consommateurs de charbon, la première phase de la transition énergétique devrait porter sur la fermeture des installations les plus polluantes, celles qui fonctionnent au charbon. © WEISE_MAXIM / FOTOLIA.COM
DES SOLUTIONS ADAPTÉES AUX CONTEXTES LOCAUX
Les pays en développement devraient miser sur les EnR : c’est notamment le cas en Afrique ou dans certains pays de l’Amérique latine. En revanche, les besoins énergétiques complémentaires de ces pays ne devraient pas être couverts par des technologies basées sur le charbon, qui annulerait les effets bénéfiques induits par l’implantation des EnR.
Partout où c’est possible, la substitution du gaz au charbon et aux produits pétroliers constitue un complément efficace au développement des EnR dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
“ La première phase de la transition énergétique devrait porter sur la fermeture des installations les plus polluantes ”
Dans les pays développés ou émergents, consommateurs de charbon, la première phase de la transition énergétique devrait porter sur la fermeture des installations les plus polluantes, celles qui fonctionnent au charbon. Or, le développement des EnR ne suffira pas. Le GNL contribuera à assurer la sécurité énergétique.
C’est aussi vrai pour le « gaz vert », ou biométhane, à moyen terme. En Europe, dans la plupart des pays membres de l’UE, le gaz est utilisé depuis des décennies ; les infrastructures sont là ; elles sont assez raisonnablement récentes et le raccordement d’installations au gaz en substitution de fuel ou du charbon est une option, avec des conséquences positives sur les émissions de CO2.
Pour faciliter cette transition, la politique européenne de l’énergie devrait inciter les États et les industriels à mettre en œuvre la stratégie la plus efficace pour lutter contre le changement climatique : une complémentarité organisée entre les EnR électriques, l’efficacité énergétique et les filières qui combinent sécurité énergétique et réduction des GES.
Les scénarios du CME fournissent aux décideurs politiques une référence objective pour effectuer des choix législatifs et réglementaires avisés et aux industriels une rigueur pour appuyer leurs décisions d’affaires.
Ils leur permettent aussi d’anticiper l’impact à moyen et long terme de leurs décisions sur les émissions de GES.
Commentaire
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intéressant, ça explique
intéressant, ça explique également les stratégies politiques à l’extérieures, pourquoi froisser les relations avec la Russie si nous avons besoin du gaz pour le futur ?