Turning around a bank in Korea
Après les Lettres persanes, les Lettres coréennes
Après les Lettres persanes, les Lettres coréennes
Mondialisation : on peut la réussir, il suffit d’un peu de cervelle et de vouloir s’en servir. Ainsi, Robert Cohen, élève dissipé du lycée Carnot à Tunis, est entré à l’X pour défier son professeur de maths, puis un doctorat en économie et un PhD. De là au Crédit Lyonnais à Paris, en Belgique et enfin patron pour les Amériques. Après d’autres péripéties, il se retrouve au Conseil de la plus grande banque coréenne, au bord de la faillite après avoir été renflouée une première fois pendant la crise de 1997. Lors d’une réunion à San Francisco, il est décidé d’employer enfin les grands moyens pour la redresser définitivement, mais il faut un grand redresseur. L’un des membres a une idée : « Pourquoi pas M. Cohen ? », qui est pris de court et ne parle pas un mot de coréen. Mais il a du réflexe et le soir même il prend l’avion pour Séoul où il reste plus de trois ans. La banque, complètement restructurée par lui et remise sur les rails, il revient à New York et écrit ce livre. Il est précieux.
Pessimiste, Robert Cohen l’a écrit en anglais, pensant que la plupart des lecteurs intéressés seraient anglophones. Prenez-le au mot, défiez-le : écrit dans une langue simple et directe, il est facile à lire et ce sera un bon exercice – 219 pages d’anglais, de technique bancaire et de gestion dans des conditions acrobatiques, parce que Cohen a quitté Séoul au bout de trois ans sans connaître le coréen, mais la culture coréenne qui en vaut la peine et dont il nous parle avec amour. Pays d’une extrême pauvreté il y a quarante ans, traumatisé par les brutales occupations chinoise et surtout japonaise pendant des siècles, il est devenu une puissance mondiale redoutable en moins de deux générations et prouve que le travail, la persévérance et l’intelligence payent. À méditer !
L’ouvrage de Cohen montre comment une équipe anglophone (il l’est devenu mais son accent le trahit) plongée dans un milieu qui lui est totalement étranger, comme des Martiens en Corrèze, est acceptée (difficilement au début), et arrive à se faire obéir et aimer puis ovationner et regretter quand ils s’en vont. Belle leçon pour ceux qui vont travailler à l’étranger – voire en province.
Cet ouvrage tombe aussi à point. Il décrit minutieusement la crise profonde qui a frappé la Corée en 1997 et qui ressemble à s’y méprendre, à l’échelle du pays, à celle qui frappe aujourd’hui le monde et ses banques, et l’expérience de Cohen vaut la peine d’être analysée. S’il est encore disponible, je suggère qu’on l’appelle pour résoudre les problèmes financiers et monétaires de la planète avant qu’il ne soit trop tard. Il a montré qu’il savait faire.
Une dernière observation : il serait bon que ce livre soit traduit et publié en France, nous en avons besoin. Avis aux éditeurs (je le traduirai avec plaisir si nécessaire).