Un aperçu de la pensée chinoise à partir de Confucius et de Laozi
Connaître la Chine, c’est aussi connaître l’histoire de la pensée chinoise, histoire vieille de plus de deux mille cinq cents ans.
Dans un paysage extrêmement riche et diversifié, trois écoles de pensée ont joué un rôle majeur dans l’histoire de la pensée chinoise :
• le confucianisme issu de l’enseignement de Confucius (551−479 av. J.-C.),
• le taoïsme issu de Laozi (570−490 av. J.-C.)
• et le bouddhisme fondé par Bouddha (563−483 av. J.-C.) en Inde, diffusé ultérieurement vers la Chine au Ie siècle de notre ère.
Le présent article fournit une introduction au confucianisme et au taoïsme qui prennent leurs racines dans les cultures et traditions des dynasties antiques chinoises.
Cet article s’attache, en s’appuyant sur des extraits les plus représentatifs des deux œuvres principales (Entretiens pour le confucianisme et Livre de la Voie et de sa Vertu ou Tao To King selon la traduction phonétique pour le taoïsme), à fournir une vue simplifiée mais néanmoins significative de ces deux écoles de pensée.Confucius et le confucianisme.
Confucius et le confucianisme
Confucius a vécu vers la fin de la dynastie Zhou antique dite Printemps et Automnes et au début d’une longue période de guerres en Chine entre les différentes principautés féodales appelées Royaumes combattants par les historiens chinois. Cette période trouble (Ve-IIIe siècle avant Jésus-Christ), qui s’acheva par l’unification de la Chine en 221 avant J.-C. avec la fondation de la dynastie Qin, a été un âge d’or de la pensée chinoise. Le confucianisme, né dans ce contexte, se donna pour mission de fournir des conseils aux princes et d’éduquer les hommes afin de préserver et restaurer le système ancestral de la Chine féodale, système idéal, conforme à la Voie du Ciel, aux yeux de Confucius.
Confucius n’a rien écrit de son vivant. Il transmet son enseignement dans les écoles qu’il a fondées de manière orale. Conformément à son enseignement, « faire d’abord ce qu’il veut enseigner, ensuite il enseigne », il est lui-même l’exemple à suivre pour ses disciples. Les oeuvres connues de nos jours ont été écrites par ses disciples : Entretiens (terme chinois Lunyu), Grande Étude (terme chinois Daxue), Juste milieu (terme chinois Zhongyong). Entretiens est un livre qui rapporte les discours et les vécus de Confucius. C’est le témoignage le plus vivant qui nous soit parvenu sur sa personnalité et son enseignement.
Ainsi, le confucianisme s’articule autour des axes de préoccupation suivants :
- l’homme de bien (terme chinois Junzi),
- la vertu (terme chinois Ren),
- l’art de gouverner.
Le confucianisme considère l’homme de bien comme un idéal. Un homme de bien est doté de toutes les qualités. C’est un homme qui agit suivant la Vertu. Il s’oppose à l’homme de peu (terme chinois Xiaoren). L’art de gouverner réside dans la qualité du prince en tant qu’homme de bien et qui agit suivant les rites ancestraux conformément à la Voie du Ciel.
L’homme de bien
Un homme quelconque peut devenir un homme de bien ou au moins s’en approcher par l’étude et l’apprentissage et par la pratique sans relâche. Entretiens fournit un ensemble de pratiques (cf. extraits ci-après) concrètes permettant d’agir en homme de bien.
Étude et apprentissage
- Apprendre quelque chose pour pouvoir le vivre à tout moment, n’est-ce pas là source de grand plaisir ? Recevoir un ami qui vient de loin, n’est-ce pas la plus grande joie ? Être méconnu des hommes sans en prendre ombrage, n’est-ce pas le fait de l’homme de bien ?
- Apprendre sans éprouver la satiété, enseigner sans se lasser.
- Mon inquiétude : ne pas éduquer le sens moral, ne pas progresser dans l’étude, ne pas appliquer la justice et accomplir la générosité, ne pas corriger les fautes commises.
- Si je voyage avec deux compagnons, tous deux peuvent me servir de maîtres. J’examine ce que le premier a de bon et je l’imite ; les défauts du second, je tâche de les corriger en moi-même.
- Étudier sans réfléchir est vain, réfléchir sans étudier est dangereux.
Connaissance et savoir
- Savoir véritable : sait ce que l’on sait et sait ce que l’on ne sait pas.
- Examiner ce qu’il fait, examiner comment il s’y prend pour faire ce qu’il fait, examiner la raison pour laquelle il fait ce qu’il fait : comment peut-on ne pas le connaître ?
Parole et action
- L’homme de bien parle avec circonspection, agit avec promptitude.
- Faire d’abord ce qu’il veut enseigner, ensuite il enseigne.
Soi et les autres
- Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse à vous-même.
- L’homme de bien attend tout de lui-même. L’homme de peu attend tout des autres.
- Ne crains pas d’être méconnu des autres (de ses propres qualités), crains de ne pas connaître les autres (leurs qualités).
- L’homme de bien exprime son opinion pour convaincre afin de rechercher l’adhésion et non le conformisme. L’homme de peu recherche le conformisme sans obtenir l’adhésion.
- Il y a trois sortes d’amis qui sont utiles et trois sortes d’amis qui sont nuisibles. Amis utiles : amis intègres, amis sincères, amis cultivés. Amis nuisibles : amis qui flattent pour tirer des bénéfices, amis qui trompent par leur apparence, amis qui ont de belles paroles mais sans valeurs.
- L’homme de bien ne commet pas les quatre fautes suivantes : conclusion hâtive (sans vérifier les faits), affirmation catégorique, opiniâtreté, avoir raison (non fondée) seul contre tous.
Amabilité, politesse, douceur, déférence, détermination, courage, compétence
- L’homme de bien est affable, doux, poli, modeste et déférent.
- L’homme de bien s’attache à la justice et à la fraternité. L’homme de peu s’attache au profit.
- L’homme de bien est affable mais ferme, imposant mais sans brutalité, respectueux et serein.
- L’homme de bien est déterminé et courageux. Le fardeau est lourd, le voyage est long. Son fardeau, c’est la pratique de la vertu, n’est-ce pas lourd ? Son voyage ne finira qu’après la mort, n’est-ce pas long ?
- L’homme éclairé ne doute pas, l’homme vertueux n’est pas anxieux, l’homme courageux n’a pas peur.
- Ne t’afflige pas d’être méconnu des hommes, mais plutôt d’être incompétent.
Attitude envers des fautes commises
- . Ne pas se corriger après une faute, c’est là qu’est la faute.
Prévoyance
- Celui qui ne prévoit pas loin aura des difficultés de près.
Richesse et pauvreté
- Être pauvre sans l’avidité, être riche sans l’orgueil, c’est bien. Être pauvre sans perdre la joie de vivre, être riche sans perdre la générosité, c’est mieux.
- Il est plus difficile de se défendre de l’amertume dans la pauvreté que de l’orgueil dans l’opulence.
Harmonie sociale
- Ministre : servir loyalement son prince ; fils : avoir de la piété envers les parents ; femme : être fidèle à son mari ; cadet : respecter l’aîné ; ami : être sincère envers ses amis.
La vertu
La vertu suivant le confucianisme n’est rien d’autre que l’ensemble des qualités et des comportements nécessaires à l’homme de bien. Agir en conformité suivant la vertu, c’est suivre la Voie du Ciel, en conformité avec les principes universels.
- Acquérir de vastes connaissances, forger une volonté ferme, interroger avec insistance, mettre en pratique les connaissances acquises pour résoudre des problèmes concrets : voilà la vertu d’humanité.
- L’homme de bien fait attention à neuf choses : bien voir ce qu’il regarde, bien entendre ce qu’il écoute, être affable, être déférent, être sincère, être diligent, interroger les autres dans le doute, se mettre en colère en examinant les conséquences, prendre les biens en examinant l’équité.
- Il ne faut pas s’écarter des grands principes même si l’on commet encore de petites fautes.
L’art de gouverner
Pour Confucius, bien gouverner, c’est gouverner en suivant la Voie du Ciel, c’est-à-dire en conformité avec la vertu, en suivant les rites des anciens. Il est plus important de gouverner en suivant la Voie que d’appliquer des lois et des châtiments.
- L’art de gouverner, c’est d’être dans la Voie. Si vous êtes dans la Voie, qui oserait dévier ?
- Gouverner à force de lois, maintenir l’ordre à coups de châtiments, le peuple se contentera d’obtempérer, sans éprouver la moindre honte. Gouverner par la vertu, harmoniser par les rites, le peuple non seulement connaîtra la honte, mais se régulera de lui-même.
- Pour obtenir l’adhésion du peuple : employer les hommes vertueux et écarter les hommes vicieux.
- Si l’on gouverne l’État avec la vertu, on est considéré comme une étoile polaire, solidement en place et entourée des autres astres.
Gouverner, c’est aussi gagner la confiance du peuple, considérée comme plus importante encore que les vivres et les armes, comme en témoigne le dialogue suivant :
« Zigong – Qu’est-ce que gouverner ?
Le Maître - C’est veiller à ce que le peuple ait assez de vivres, assez d’armes et s’assurer de sa confiance.
Zigong - Et s’il fallait se passer d’une de ces trois choses, laquelle serait-ce ?
Le Maître - Les armes.
Zigong - Et des deux autres, laquelle serait-ce ?
Le Maître - Les vivres. De tout temps, les hommes sont sujets à la mort. Mais sans la confiance du peuple, l’État n’existerait pas. »
Laozi et le taoïsme
Le taoïsme s’est développé à partir d’une oeuvre fondatrice, le Livre de la Voie et de sa Vertu ou traduction phonétique du titre chinois, Tao (la Voie) To (la Vertu) King. Ce livre, contenant 81 chapitres avec un total de 5000 caractères environ, est attribué à Laozi (traduit également en Lao-tseu). En effet, même de nos jours, il n’existe pas de certitude quant à l’authenticité de Laozi ni la date précise où Tao To King fut écrit. Néanmoins, les textes de Tao To King ont déjà fait l’objet de commentaires dans des ouvrages datés de 280 avant Jésus-Christ témoignant ainsi son existence avant la fondation de la dynastie Qin, vers la fin de la période des Royaumes combattants.
Beaucoup de légendes existent aussi bien autour de Laozi que du livre Tao To King. Ainsi, on raconte que le livre Tao To King fut écrit par Laozi, lorsqu’il décida de quitter le pays Zhou où il vivait et travaillait en tant qu’archiviste royal. En arrivant à la dernière passe avant de pénétrer dans la steppe, l’officier gardien lui demanda de composer un livre pour lui. Ainsi est né Tao To King. Après avoir écrit le livre, Laozi s’en alla vers l’Ouest et nul ne sait où il mourut.
La pensée de Laozi
Les penseurs chinois avaient la tradition d’observer les phénomènes naturels et d’en tirer les règles de conduite de la société humaine à partir de leur observation. C’est ce que fit Laozi dans Tao To King. Ce livre aborde d’abord le Tao, une sorte de principe naturel. À partir de ce principe naturel, Laozi déduit des règles de conduite pour le prince en tant qu’art de gouvernement ou tout simplement pour quiconque voulant devenir plus sage. To est ainsi la manifestation et l’application du Tao à l’homme et à toutes choses.
Tao selon Laozi
Pour Laozi, le Tao est la réalité ultime, dans son tout, son principe et son origine. Tao existe avant toute chose. Cependant, Tao est imperceptible, indescriptible. Tao To King commence ainsi :
Un tao dont on peut parler n’est pas le Tao permanent.
Un nom qui peut servir à nommer n’est pas le Nom permanent.
Ce qui est sans nom est origine du Ciel et de la Terre.
Ce qui a un nom est Mère des dix mille êtres. (§ 1)
Et le chapitre 14 précise la propriété imperceptible du Tao :
Vous regarder le Tao et vous ne le voyez pas : on le dit incolore.
Vous l’écoutez et vous ne l’entendez pas : on le dit aphone.
Vous voulez le toucher et vous ne l’atteignez pas : on le dit incorporel. (§ 14)
Tao, imperceptible et insaisissable, est à l’origine de l’univers :
Le Tao engendre l’Un
Un engendre Deux
Deux engendre Trois
Trois les dix mille êtres
Les dix mille être portent le Yin sur le dos et le Yang dans les bras
Mêlant leurs souffles, ils réalisent l’harmonie. (§ 42)
Manifestation du Tao dans le monde sensible
Bien que Tao soit imperceptible, sa manifestation dans le monde sensible l’est. Et à partir de là, Laozi fit un certain nombre d’observations, souvent originales et à l’encontre des idées généralement admises.
Le développement de la nature
Bien que le Tao soit à l’origine de la nature, celle-ci se développe sans l’intervention explicite du Tao. La nature se développe par elle-même, pour elle-même. De là naît l’idée la plus importante du taoïsme : le non-agir (wuwei).
Le Tao produit les êtres, la Vertu les nourrit. Ils leur donnent un corps et les perfectionnent par une secrète impulsion. C’est pourquoi tous les êtres révèrent le Tao et honorent la Vertu.
Personne n’a conféré au Tao sa dignité, ni à la Vertu sa noblesse : ils les possèdent éternellement en eux-mêmes.
C’est pourquoi le Tao produit les êtres, les nourrit, les fait croître, les perfectionne, les mûrit, les alimente, les protège.
Il les produit et ne se les approprie point ; il les fait ce qu’ils sont et ne s’en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres. C’est là ce qu’on appelle une vertu profonde. (§ 51)
L’alternance des événements
Les phénomènes naturels sont souvent cycliques et les différents états alternent : le jour et la nuit ; les quatre saisons : printemps, été, automne, hiver ; le cycle de vie d’une plante : le grain, la plante, la fleur et de nouveau le grain ; la naissance et la mort… Ainsi, toute chose est formée d’un couple de potentiels : le Yin et le Yang. Elle évolue de l’un vers l’autre sans frontière claire.
Les dix mille êtres se développent ; je contemple les allées et venues. (§ 16)
Le paradoxe
Nos sens de perception et nos jugements sont parfois trompeurs. Aussi, dans certaines circonstances, ce qui est juste et utile n’est pas nécessairement ce que nous croyons. Par exemple, entre le vide et la matière, c’est parfois le vide qui est plus utile que la matière.
Les trente rayons d’une roue ont en commun un seul moyeu : or c’est là où il n’y a rien que réside l’utilité du char. On façonne l’argile en forme de vase : or c’est là où il n’y a rien que réside l’utilité du vase.
On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison : or c’est là où il n’y a rien que réside l’utilité de la maison.
Ainsi, nous croyons bénéficier des choses sensibles, mais c’est là où nous n’apercevons rien que réside l’utilité véritable. (§ 11)
La relativité des valeurs
Laozi pense que les propriétés du monde sensible sont relatives : à chaque propriété existe son opposé et les deux propriétés existent simultanément par cette opposition. Ainsi sont également les valeurs humaines.
Quand chacun tient le beau pour beau vient le laid.
Quand chacun tient le bien pour bien vient le mal.
Il y a et il n’y a pas s’engendrent.
Aisé et malaisé se complètent.
Long et court renvoient l’un à l’autre.
Haut et bas se penchent l’un vers l’autre.
Musique et bruit consonent ensemble.
Devant et derrière se suivent. (§ 2)
La métaphore de l’eau
L’eau constitue une source d’inspiration intarissable pour Laozi. Par exemple, pour illustrer la position humble de l’eau pourtant bénéfique à tout :
L’eau bénéfique à tout n’est rival de rien. Elle séjourne aux bas-fonds dédaignés de chacun. (§ 8)
Pour illustrer la position inférieure du fleuve et de la mer pourtant rois des eaux :
Pourquoi les fleuves et les mers peuvent-ils être les rois de toutes les eaux ?
Parce qu’ils savent se tenir au-dessous d’elles.
C’est pour cela qu’ils peuvent être les rois de toutes les eaux. (§ 66)
Pour illustrer le doux triomphant du dur :
Rien au monde n’est plus souple et plus faible que l’eau,
Mais pour entamer dur et fort, rien ne la surpasse.
Rien ne saurait prendre sa place.
Que faiblesse prime force.
Et souplesse dureté.
Nul sous le ciel qui ne le sache. (§ 78)
Tao appliqué à l’art de gouverner et à la conduite de l’homme
Le non-agir
À l’instar du Tao qui engendre les dix mille êtres tout en étant imperceptible, un souverain idéal est celui qui « gouverne sans que le peuple perçoive son existence » (§ 17). Comment fait-il pour y parvenir ? La méthode principale à suivre est celle de non-agir. Non-agir non pas pour ne rien faire, mais faire de sorte « qu’il n’est rien qui ne se fasse » (§ 48). Selon Laozi, « gouverner un grand pays, on doit imiter celui qui cuit un petit poisson » (§ 60). En effet à force de remuer, on ne peut pas le préserver entier.
Avec la droiture, on gouverne le royaume ; avec la ruse, on fait la guerre ; avec le non-agir, on devient le maître de l’empire. Comment sais-je qu’il en est ainsi de l’empire ? Par ceci :
Plus le roi multiplie les prohibitions et les défenses, et plus le peuple s’appauvrit.
Plus le peuple a d’instruments de lucre, et plus le royaume se trouble.
Plus le peuple a d’adresse et d’habileté, et plus l’on voit fabriquer des objets bizarres. Plus les lois se manifestent, et plus les voleurs s’accroissent.
C’est pourquoi le Saint dit : Je pratique le non-agir, et le peuple se convertit de lui-même.
J’aime la quiétude, et le peuple se rectifie de lui-même.
Je m’abstiens de toute occupation et le peuple s’enrichit de lui-même.
Je me dégage de tous désirs, et le peuple revient de lui-même à la simplicité. (§57)
Respecter le principe et le rythme de la nature
Agir suivant le Tao, c’est respecter le principe naturel, suivre le rythme naturel, conduire des actions en conformité avec la réalité. Souvent, à force de vouloir aller vite, on obtient le résultat contraire.
Pour gouverner, il faut imiter la Terre.
La Terre imite le Ciel.
Le Ciel imite le Tao.
Le Tao est le principe de la nature. (§25)
Qui se hisse sur la pointe des pieds ne tient pas debout.
Qui met les enjambées doubles n’arrive pas à marcher.
Qui se pousse aux yeux de tous est sans lumière.
Qui se donne toujours raison est sans gloire.
Qui se vante de ses talents est sans mérite.
Qui se targue de ses succès n’est pas fait pour durer. (§ 24)
Le souverain, le peuple et son royaume
Tout comme le fleuve et la mer, rois des eaux, qui doivent occuper une position basse, un souverain doit imiter la nature. Ses intérêts personnels doivent venir derrière ceux du peuple. Il est au service de son royaume mais ne le possède pas.
Pourquoi les fleuves et les mers peuvent-ils être les rois de toutes les eaux ?
Parce qu’ils savent se tenir au-dessous d’elles.
C’est pour cela qu’ils peuvent être les rois de toutes les eaux.
Aussi lorsque le Saint désire être au-dessus du peuple, il faut que, par ses paroles, il se mette au-dessous de lui.
Lorsqu’il désire être placé en avant du peuple, il faut que, de sa personne, il se mette après lui.
De là vient que le Saint est placé au-dessus de tous et il n’est point à la charge du peuple ; il est placé en avant de tous et le peuple n’en souffre pas.
Aussi tout l’empire aime à le servir et ne s’en lasse point.
Comme il ne dispute pas le premier rang, il n’y a personne dans l’empire qui puisse le lui disputer. (§ 66)
Le Tao et l’usage des armes
Laozi est fondamentalement un pacifiste. Il est contre l’usage des armes pour régner ou conquérir un empire. Au cas où on est obligé d’utiliser les armes, il faut le faire en restreignant leur usage à la stricte nécessité. On ne se réjouit pas d’une victoire obtenue par la nécessité.
Celui qui aide le maître des hommes par le Tao ne doit pas subjuguer l’empire par les armes.
Quoi qu’on fasse aux hommes, ils rendent la pareille.
Partout où séjournent les troupes, on voit naître les épines et les ronces.
À la suite des grandes guerres, il y a nécessairement des années de disette.
L’homme vertueux frappe un coup décisif et s’arrête. Il n’ose subjuguer l’empire par la force des armes.
Il frappe un coup décisif et ne se vante point, ne se glorifie point, ne s’enorgueillit point. (§ 30)
Alternance appliquée à la conduite de l’homme
Tout comme les phénomènes de la nature, les affaires de l’homme alternent également entre la chance et la malchance, la force et la faiblesse, la paix et la guerre, la vie et la mort, etc. Pour Laozi, « Le bonheur peut naître du malheur, et le malheur peut naître du bonheur. Qui peut en prévoir la fin ? » (§ 58)
Influence du confucianisme et du taoïsme en Chine
Bien que Confucius lui-même n’ait joué qu’un rôle mineur sur la scène politique chinoise (il a été pendant une période le ministre de la Justice de la Principauté de Lou), le confucianisme, souvent adopté en tant que doctrine officielle, a façonné, en deux mille cinq cents ans, profondément l’esprit des Chinois, notamment l’esprit des intellectuels. Son apprentissage est souvent obligatoire pour devenir mandarins, hauts fonctionnaires de l’Empire du Milieu.
En tant qu’art de gouverner, l’efficacité du confucianisme, notamment dans des périodes troubles des Royaumes combattants, est à comparer avec celle d’autres écoles qui ont joué un rôle au moins aussi important sinon plus dans la destinée des dynasties chinoises. C’est le cas notamment de l’école légiste dont l’origine remonte à Xunzi (300−235 av. J.-C.), qualifié d’héritier réaliste de Confucius. Les penseurs de cette école, réalistes et novateurs, recherchent l’efficacité du gouvernement par la promulgation de lois pénales valables pour tous et des systèmes organisationnels rationnels. La fondation de la dynastie Qin aidée par les légistes est une preuve éloquente de son efficacité. La pensée légiste, bien que radicalement différente de celle de Laozi à bien des égards, s’inspire néanmoins du taoïsme. On trouve ainsi les commentaires les plus anciens de Laozi dans l’ouvrage de Han Feizi (280−233 av. J.-C.), parmi des centaines de commentaires qui ont été écrits sur Laozi, dont un sous la plume d’un empereur de la dynastie Tang et un autre par un empereur de la dynastie Song.
Cependant le confucianisme, fournissant un modèle idéal de l’homme de bien, est certainement sous bien des aspects une pensée éthique avec ses caractères universels, donc une pensée durable.
On note par ailleurs la profonde influence du taoïsme sur la littérature chinoise, l’art chinois ainsi que le développement de la science et de la médecine en Chine.
Note : les extraits de Confucius et de Laozi cités dans le présent article sont issus soit des ouvrages référencés ci-dessous, parfois avec adaptation, soit d’une traduction personnelle à partir du texte chinois.
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santé et auto-guérison
Je voudrais en savoir d’avantage sur la santé et la Chine. Particulièrement sur le Qi Gong où l’on parle beaucoup
de l’énergie (le chi) que l’on bouge et déplace. L’Occident et sa médecine curative a peu développé l’idée que le patient peut se guérir lui-même.