Un apprentissage de l’interculturalité
La formation professionnelle ne prépare pas à travailler dans un environnement multiculturel. Un exemple de formation sur une année, débouchant sur un diplôme universitaire, avec l’aide systématique d’un tuteur, montre la richesse d’échanges réciproques entre personnalités différentes.
Les dirigeants d’entreprises multinationales ont certainement pu constater que, si les jeunes diplômés ont en général une formation professionnelle de qualité, ils ne sont en revanche pas bien préparés à travailler dans un univers multiculturel auquel le développement de la mondialisation les confrontera de plus en plus. Un exemple, emprunté à l’Association Intercordia, montre une possibilité d’acquérir une formation complémentaire.
REPÈRES
L’Association Intercordia a été créée en 2000 à l’initiative de Jean Vanier, fondateur des Communautés de l’Arche, et Gilles Le Cardinal, professeur à l’Université de technologie de Compiègne, pour offrir aux jeunes la possibilité d’acquérir une formation complémentaire qui leur permette de vivre et de travailler harmonieusement avec des personnes d’origine et de culture différentes.
Une étape avant la vie professionnelle
Les participants se recrutent en général parmi des jeunes de 20 à 28 ans, de niveau bac + 2 ou plus et d’origine et de formation très diverses, désirant faire une année de césure au cours de leurs études ou en consacrer une avant d’entrer dans la vie professionnelle afin de se » construire » cette dimension d’ouverture aux autres.
Une expérience culturelle débouchant sur un diplôme universitaire
Cette formation, qui s’appuie sur une expérience interculturelle et débouche sur un diplôme universitaire, s’étend sur une année et se décompose en cinq phases : la construction, avec l’aide d’un accompagnateur, d’un projet personnel comportant notamment la recherche d’une association d’accueil et son financement ; une préparation intensive de deux semaines, à l’Université de technologie de Compiègne, comportant des rencontres avec des témoins comme Jean Vanier et des philosophes, une approche géopolitique du monde, une ouverture à toutes les religions à l’occasion d’une table ronde interreligieuse, l’acquisition d’outils méthodologiques permettant d’aller à la rencontre de l’Autre et de gérer d’éventuels conflits, etc. ; une immersion d’au moins six mois dans un contexte culturel différent, en général dans une association au service de personnes en difficulté ; une session de deux jours au retour au cours de laquelle des universitaires aident les étudiants à retravailler sur leur expérience et à structurer leur mémoire ; la rédaction de ce mémoire et sa soutenance qui permettent aux étudiants de capitaliser leur expérience et de la rendre transmissible.
Un élément essentiel : le tutorat
Appel aux bénévoles
Le développement d’Intercordia repose largement sur une équipe de bénévoles qui assument en particulier l’accompagnement des candidats au cours de la phase préparatoire pendant laquelle ils construisent leur projet et ensuite leur tutorat tout au long de leur parcours.
C’est une tâche exigeante, car les tuteurs doivent se sentir responsables aux côtés des jeunes de la bonne fin de leur projet, mais combien elle est passionnante, comme tous se plaisent à le reconnaître, par les contacts privilégiés qu’elle leur apporte avec des jeunes de grande qualité et de tous horizons ainsi que par l’expérience interculturelle qu’ils peuvent faire ainsi à leurs côtés.
robert.jeanteur@wanadoo.fr
Les participants bénéficient tout au long de leur parcours du soutien d’un tuteur qui les aide à élaborer leur projet, notamment à préciser leurs objectifs personnels, à rechercher une association d’accueil s’inscrivant bien dans leur démarche, à construire un budget et à chercher les ressources financières nécessaires. Pendant leur mission, il les accompagne par Internet sur le plan humain, psychologique et matériel ; il les aide en particulier à préciser le sujet et la problématique de leur mémoire et à recueillir sur place les informations dont ils auront besoin. Il continue en outre de les suivre à leur retour dans la phase de rédaction de leur mémoire et de préparation de sa soutenance. Le rôle des tuteurs est déterminant, notamment lorsque les participants traversent une période difficile comme cela se produit toujours à un moment ou un autre. L’expérience montre que les liens très étroits qui se sont noués entre eux et leurs tuteurs se maintiennent par la suite.
Se former ensemble
La rencontre de deux personnes dont tout semble les séparer conduit souvent à un conflit d’influence, chacune ou l’une d’entre elles cherchant à imposer son modèle à l’autre, alors que la différence est une richesse qu’il convient de partager. Le verbe » apprendre » prend ainsi constamment son double sens, chacun apprenant de l’autre et apprenant à l’autre. » Se former ensemble » se décline d’ailleurs de multiples façons, notamment entre les participants et les populations au sein desquelles ils sont amenés à vivre dans le cadre de leur mission, entre les participants et leurs tuteurs ainsi qu’entre les participants entre eux.
Associer les entreprises
Ces partenariats permettent à ceux de leurs collaborateurs qui souhaitent développer cette capacité à travailler dans l’interculturalité dont ils ont de plus en plus besoin, de suivre la démarche en y consacrant un temps limité et compatible avec leurs contraintes professionnelles.
Associer dans une démarche commune, jeunes, professionnels en activité et tuteurs bénévoles
Ils participent dans la mesure de leurs possibilités aux sessions de formation et à des réunions-débats et partagent la richesse de l’expérience des participants en les suivant tout au long de leur parcours aux côtés de leurs tuteurs. » Se former ensemble » prend alors une nouvelle dimension en associant dans une démarche commune jeunes participants, professionnels en activité et tuteurs bénévoles qui sont en général plus chevronnés.
Plusieurs partenariats internationaux
Intercordia a développé en France un partenariat avec l’université Marc Bloch de Strasbourg qui permet d’attribuer un DU (Diplôme universitaire) à l’issue de la soutenance de leur mémoire et d’autres sont en train d’être mis en place. Une centaine de participants ont déjà suivi la formation. L’Association est également implantée au Canada où une association a été créée et a noué des partenariats avec cinq universités. Un projet est par ailleurs en train de se mettre en place au Chili avec des universitaires et en partenariat avec une Fondation pour l’éradication de la pauvreté afin de proposer aux jeunes diplômés participant à ses programmes de développement d’enrichir leur expérience en l’intégrant dans la démarche Intercordia.
» Dans notre monde existent tant de divisions et de conflits, entre personnes et entre groupes de personnes.
Chaque personne ou groupe se cache derrière des murs de peur et parfois d’élitisme. Chacun est convaincu qu’il a raison, qu’il est le meilleur.
Comment faire tomber les murs ? Comment des personnes peuvent-elles tendre la main vers d’autres ?
Chacun de nous fait partie d’une culture, d’une religion ou d’une vision du monde. Ne faut-il pas découvrir également que nous faisons partie d’une humanité commune ? Nous sommes tous des êtres humains.
Voilà le but d’Intercordia : permettre à des jeunes de connaître d’autres cultures, d’autres religions, d’autres personnes, de se lier d’amitié avec elles, de créer des ponts, de faire tomber des murs, de découvrir que la différence n’est pas une menace mais un trésor. Ainsi chacun œuvre pour la paix. »
Jean Vanier, fondateur d’Intercordia.