Un art de l’époque industrielle

Dossier : X-Auto : Passion et haute technologieMagazine N°660 Décembre 2010Par : Daniel Doyen (58)


Le pré­sident Tro­nel et sa voi­ture de week-end.

J’é­tais le plus âgé du groupe au moment de sa créa­tion il y a un peu plus d’un an. Héri­tier de la pas­sion de la méca­nique d’un père ébé­niste, j’ai tra­vaillé dans un tout autre sec­teur de l’in­dus­trie, mais n’ai jamais ces­sé de lire les jour­naux de » bagnoles » et d’es­sayer toute voi­ture (et quel­que­fois moto ou camion – le GMC par exemple, une réus­site excep­tion­nelle mais double péda­lage et double accé­lé­ra­tion néces­saires pour pas­ser des vitesses non syn­chro­ni­sées) qui pas­sait à ma portée.

Cinquante ans d’évolution

J’ai, pen­dant un peu plus de cin­quante ans, vécu d’as­sez près l’é­vo­lu­tion conti­nue ou non de ce qui était pour moi une des formes de l’art des temps indus­triels, je parle du véhi­cule (et plus spé­cia­le­ment de la voi­ture) de grande série, avec ses contraintes de fonc­tion­na­li­té, de coût, d’en­com­bre­ment. Trop facile de faire quelque chose de bien quand c’est sans contraintes et à n’im­porte quel prix.

Au cours de cette longue période les voi­tures ont bien chan­gé en deve­nant plus faciles à conduire et en n’o­bli­geant plus à par­tir avec une boîte à outils.

Pour­tant que les plus jeunes ne croient pas que celles du presque début n’é­taient que d’in­fâmes tra­cas­sins : elles por­taient déjà la marque du génie, de la pas­sion de leurs créa­teurs, consti­tués en équipes res­ser­rées avec beau­coup de » manuels » assez géniaux.

Un léger parfum d’essence

La pre­mière que j’ai vrai­ment » fré­quen­tée » comme enfant pas­sa­ger, une » 301 » cubique, agré­men­tée du léger par­fum d’es­sence des voi­tures de l’é­poque dès qu’elles avaient quelques années – et on les gar­dait long­temps – mar­quait la fin de la période héroïque des car­rioles d’autrefois.

Le plai­sir de conduire une Trac­tion ou une » 402 « , sur des routes assez vides, était déjà un vrai bon­heur ; le » tube Citroën » des années cin­quante, une camion­nette vibrant de ses tôles ondu­lées, avec ses roues aux quatre coins, se condui­sait comme un » Kart » sur les routes sinueuses et ferait tou­jours bonne figure.

La Fré­gate, au nom superbe, que Renault devrait bien reprendre un jour, était effi­cace et très belle.

Une émotion esthétique

Sur­tout les voi­tures n’é­taient pas toutes issues de la CAO Catia et se res­sem­blaient beau­coup moins les unes les autres ; un nou­veau modèle appor­tait chaque fois une émo­tion esthé­tique, grande ou petite. La DS, arri­vée fin des années cin­quante comme un tapis volant, appor­tait par exemple une ligne (et une tenue de route) qui chan­geait les réfé­rences ; l’Al­fa Giu­lia de l’é­poque avec son boxer double arbre : une petite mer­veille également.

Renault Fré­gate (1959).

Citroên DS3 (2010).

Peu­geot 3008 HYbrid4 (2011).

Une progression formidable

Ces voi­tures, pour­tant sim­plis­simes par rap­port aux véhi­cules éco­nomes en essence, peu pol­luants, fiables et bar­dés de fonc­tion­na­li­tés d’au­jourd’­hui, étaient chères rap­por­tées au niveau de salaire d’un ouvrier ; beau­coup se dépla­çaient à moto parce que ça coû­tait moins cher.

C’est dans leur rap­port coût pres­ta­tions que les véhi­cules ont for­mi­da­ble­ment pro­gres­sé, ain­si que dans les domaines de l’é­clai­rage et sur­tout du freinage.

Le début d’une mutation

L’ef­fet de la pro­duc­tion en série
Un col­lègue spé­cia­liste des fusées Ariane, pour qui l’en­tre­prise dans laquelle je tra­vaillais pro­dui­sait le pro­per­gol et des dis­po­si­tifs pyro­tech­niques, m’a dit mesu­rer l’in­fluence très forte de la grande série en consta­tant la dif­fé­rence d’ordre de gran­deur entre le coût d’une fusée et celui d’une voi­ture, à com­plexi­té comparable.

Vers la fin de ma vie pro­fes­sion­nelle, le domaine de la pyro­tech­nie, qui y était tech­ni­que­ment prêt depuis long­temps alors que le mar­ché n’en vou­lait pas encore, a rejoint le monde de l’au­to­mo­bile avec le déve­lop­pe­ment en série des pré­ten­sion­neurs de cein­tures puis des » air­bags « , qui font main­te­nant par­tie de l’é­qui­pe­ment de base même des voi­tures low- cost.

Nous voyons bien que tout est, là comme ailleurs, en train de muter : véhi­cules hybrides déjà qua­si bana­li­sés, véhi­cules élec­triques n’at­ten­dant plus que l’in­fra­struc­ture néces­saire et quelques pro­grès des fabri­cants de bat­te­ries, ain­si que peut-être une ou deux cen­trales de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té supplémentaires ?

Que devien­dra l’au­to­mo­bile dans les temps futurs ? Il est peu pro­bable que notre groupe pour­ra peser lourd sur son des­tin, mais sa contri­bu­tion sera celle que nous sau­rons impulser.

Daniel Doyen (58)

Poster un commentaire