Cheminée d'usine fumant

Un bilan environnemental favorable

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Anne-Claire ASSELIN-BALENÇON (84)

Une étude fine de l’empreinte envi­ron­ne­men­tale des dif­fé­rentes sources d’éner­gie tout au long de leur cycle de vie,incluant les impacts sur la san­té humaine, les éco­sys­tèmes ou la consom­ma­tion des res­sources. Mal­gré quelques situa­tions contras­tées, avec une grande varia­bi­li­té sui­vant les sites, le bilan des éner­gies renou­ve­lables est très favorable. 

Comment compa­rer les empreintes envi­ron­ne­men­tales de ces tech­no­lo­gies ? Au-delà des effets sur le chan­ge­ment cli­ma­tique, quels sont les impacts sur la san­té humaine, les éco­sys­tèmes ou la consom­ma­tion des ressources ? 

“ Comparer les impacts environnementaux et les besoins en ressources ”

L’analyse du cycle de vie (ACV) apporte des réponses, car elle per­met d’appréhender non seule­ment les impacts qui se pro­duisent pen­dant la phase de pro­duc­tion, par exemple les émis­sions de gaz à effet de serre liées à la com­bus­tion, mais aus­si les impacts résul­tant de la construc­tion, main­te­nance et fin de vie des équi­pe­ments, ain­si que ceux résul­tant de l’extraction et du raf­fi­nage des combustibles. 

REPÈRES

Les technologies de production d’énergie renouvelable ont progressé dans les dernières années, présentant une rentabilité financière et environnementale améliorée. Aux côtés des technologies établies de solaire thermique, de photovoltaïque au silicium, d’éolien terrestre, ou d’hydroélectricité, on a vu ainsi apparaître l’éolien marin, le photovoltaïque à base de tellurure de cadmium ou bien CIGS (à base de séléniure de cuivre, d’indium ou de gallium).
Les technologies de charbon propre, de type « supercritique » et CCGI (« cycle combiné à gazéification intégrée ») sont maintenant opérationnelles. Enfin, des propositions de capture et stockage du carbone (CSC) émergent pour les technologies fossiles.

UNE APPROCHE RIGOUREUSE ET COMPLÈTE

Une éva­lua­tion récente, réa­li­sée sous l’égide des Nations unies (E. G. Hert­wich, 2016), com­pare quan­ti­ta­ti­ve­ment les impacts envi­ron­ne­men­taux et les besoins en res­sources par uni­té d’énergie pro­duite ; elle contient éga­le­ment une dis­cus­sion qua­li­ta­tive sur les impacts pour les­quels les approches quan­ti­ta­tives ne sont pas encore matures. 


Les impacts du char­bon sur la san­té sont dus en par­ti­cu­lier aux effets toxiques de lixi­via­tion dans les mines. © STEHEAP / FOTOLIA.COM

Les tech­no­lo­gies étu­diées sont : 

  • le char­bon avec ou sans cap­ture de CO2 (3 types de tech­no­lo­gie : tra­di­tion­nelle, super­cri­tique et CCGI) ; 
  • le gaz natu­rel, avec ou sans cap­ture de CO2 ;
  • le solaire thermique ; 
  • le solaire pho­to­vol­taïque, au sol ou en toi­ture (3 types de tech­no­lo­gie : sili­cium, tel­lu­rure de cad­mium et CIGS) ; 
  • l’hydroélectricité (avec deux études de cas) ; 
  • l’éolien terrestre ; 
  • l’éolien marin ; 
  • et enfin, un exemple de géo­ther­mie (Nou­velle- Zélande). 

L’hydroélectricité et la géo­ther­mie sont appro­chées uni­que­ment à par­tir d’études de cas, car ces tech­no­lo­gies pré­sentent une grande varia­bi­li­té. À noter que l’énergie nucléaire et les éner­gies à par­tir de bio­masse ne sont pas traitées. 

CHANGEMENT CLIMATIQUE ET BILAN CARBONE

Trois tech­no­lo­gies per­mettent d’atteindre une empreinte car­bone de moins de 50 g CO2/kWh : l’éolien, le solaire pho­to­vol­taïque et le solaire ther­mique. Les prin­ci­pales sources d’émissions pour ces tech­no­lo­gies sont la fabri­ca­tion et l’installation des équipements. 

Ces chiffres sont très infé­rieurs au stan­dard de 800–1 000 g/kWh pour la pro­duc­tion d’électricité au char­bon et 600 g/kWh des cen­trales à gaz à cycle com­bi­né et infé­rieurs éga­le­ment aux émis­sions de ces tech­no­lo­gies cou­plées à des sys­tèmes de CSC (envi­ron 200 g/kWh).

LES AVANTAGES DES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR LA SANTÉ HUMAINE

Les tech­no­lo­gies à faible teneur en car­bone sont lar­ge­ment favo­rables par rap­port aux cen­trales ther­miques les plus modernes, avec un fac­teur d’amélioration de 2 à plus de 4. Les impacts des tech­no­lo­gies gaz natu­rel sont lar­ge­ment dus aux émis­sions de par­ti­cules fines lors de la com­bus­tion ; ceux du char­bon sont dus en par­ti­cu­lier aux effets toxiques de lixi­via­tion dans les mines (métaux lourds à forte longévité). 

Il existe cepen­dant une forte incer­ti­tude sur la quan­ti­fi­ca­tion de ces effets, car la toxi­ci­té chro­nique à faible dose de métaux et leur impact sur les géné­ra­tions futures sont mal connus. 

Des métaux rares entrent dans la fabrication des éoliennes.
Des métaux rares entrent dans la fabri­ca­tion des éoliennes.
© YERBOLAT/FOTOLIA.COM

HYDROÉLECTRICITÉ : UNE SITUATION CONTRASTÉE

Les centrales hydroélectriques ont généralement de faibles émissions de CO2 fossile, provenant essentiellement de la construction du barrage et des infrastructures. Cependant, cet avantage est réduit, voire annulé dans certains cas, par la production récurrente de méthane biogénique à partir de la décomposition de la matière organique dans les retenues d’eau, avec une grande variabilité suivant les sites.

DES BESOINS TRÈS DIFFÉRENTS

En matière d’occupation des terres nécessaires pour la production d’électricité, l’éolien, le gaz, le solaire en toiture et la géothermie présentent un bilan très avantageux. Pour le charbon, il faut inclure les mines à ciel ouvert (les terres utilisées correspondent largement aux mines elles-mêmes) ainsi que les mines souterraines utilisant du bois de soutènement, qui contribue significativement à l’utilisation des terres. Quant à l’hydroélectricité, les besoins varient beaucoup selon les barrages.

LES MULTIPLES ASPECTS DE LA POLLUTION

Les cen­trales à com­bus­tion fos­sile ont un impact impor­tant sur les éco­sys­tèmes liés à dif­fé­rentes chaînes d’impact : eutro­phi­sa­tion (pol­lu­tion par l’azote et le phos­phore), aci­di­fi­ca­tion, émis­sions de mer­cure, métaux lourds et autres pol­luants, chan­ge­ment cli­ma­tique et aci­di­fi­ca­tion des océans. 

Il faut en par­ti­cu­lier s’interroger sur les tech­no­lo­gies de CSC, car elles per­mettent certes une réduc­tion des effets sur le chan­ge­ment cli­ma­tique, mais elles entraînent par ailleurs une aug­men­ta­tion des autres types d’impact.

En com­pa­rai­son, les tech­no­lo­gies des éner­gies renou­ve­lables ont des impacts pol­luants net­te­ment inférieurs. 

L’UTILISATION DES TERRES

Les impacts sur les éco­sys­tèmes sont éga­le­ment liés à l’utilisation des terres, et l’éolien, le pho­to­vol­taïque en toi­ture et les tech­no­lo­gies fos­siles sont à ce titre les plus performants. 

Cer­taines éner­gies renou­ve­lables (solaire au sol, hydro­élec­tri­ci­té, géo­ther­mie) pré­sentent des pré­oc­cu­pa­tions légi­times, qu’il faut pou­voir éva­luer au cas par cas en fonc­tion des pro­prié­tés éco­lo­giques des terres occu­pées : un désert pré­sente par exemple beau­coup moins de richesse en bio­di­ver­si­té qu’une forêt tro­pi­cale, ce qui peut jus­ti­fier l’implantation d’une infra­struc­ture dans un cas mais plus dif­fi­ci­le­ment dans l’autre.

DES IMPACTS SPÉCIFIQUES

L’énergie éolienne et l’hydroélectricité ont des pré­oc­cu­pa­tions éco­lo­giques spé­ci­fiques, dif­fi­ciles à quan­ti­fier. L’éolien nuit par exemple aux oiseaux et aux chauves-sou­ris. Les bar­rages hydro­élec­triques sont des bar­rières de migra­tion pour les espèces aqua­tiques, et ils modi­fient les flux et habi­tats des cours d’eau.

Cepen­dant, toutes les cen­trales éoliennes ou hydro­élec­triques ne se valent pas, cer­taines béné­fi­ciant même à la bio­di­ver­si­té locale (éolien marin en particulier). 

Un barrage
Les besoins en terres varient beau­coup selon la nature des barrages.
© JASCKAL/FOTOLIA.COM

UN SCÉNARIO VIABLE AU NIVEAU MONDIAL

En supposant que le monde s’oriente vers un scénario 2050 fortement pondéré en énergie renouvelable (scénario BLUE de l’AIE), les besoins de matériaux sur la période ont été comparés à leur production annuelle mondiale actuelle (E. G. Hertwich, 2015).
Le besoin le plus important, celui du cuivre, représente deux ans de production, ce qui est jugé acceptable par les auteurs.

BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES ET EN COMBUSTIBLES FOSSILES

Sur la durée de vie des équi­pe­ments, les tech­no­lo­gies renou­ve­lables pré­sentent des besoins en res­sources miné­rales plus éle­vés, mais des besoins en com­bus­tibles fos­siles très réduits. 

Cer­taines tech­no­lo­gies affichent des besoins en res­sources spé­ci­fiques, comme les terres rares pour les éoliennes, les métaux spé­ciaux pour le pho­to­vol­taïque, l’argent pour le solaire ther­mique et la dis­po­ni­bi­li­té d’un espace de sto­ckage adé­quat pour CSC. Ces tech­no­lo­gies requièrent éga­le­ment plus d’énergie pour la construc­tion des équi­pe­ments et infrastructures. 

Inver­se­ment, les tech­no­lo­gies ther­miques sont moins gour­mandes en maté­riaux pri­maires et en éner­gie pour leur construc­tion, mais elles pré­sentent bien évi­dem­ment des besoins de res­sources com­bus­tibles très impor­tants pour leur fonctionnement. 

UN INTÉRÊT CONFIRMÉ

Les éner­gies renou­ve­lables pré­sentent un avan­tage indé­niable en termes d’impact sur le chan­ge­ment cli­ma­tique, la san­té humaine et la pol­lu­tion des éco­sys­tèmes. Les pré­oc­cu­pa­tions de ces tech­no­lo­gies sont essen­tiel­le­ment liées à l’utilisation des res­sources naturelles. 

En géné­ral, la quan­ti­té de maté­riaux par uni­té d’énergie pro­duite (équi­pe­ments) est plus impor­tante ; éva­lués dans un scé­na­rio glo­bal à 2050, les besoins en res­sources miné­rales sont cepen­dant viables. 

L’utilisation des terres est faible dans cer­tains cas à favo­ri­ser (éolien, pho­to­vol­taïque en toi­ture). En conclu­sion, la pré­sence des éner­gies renou­ve­lables dans un mix élec­trique mon­dial pré­sente un inté­rêt confirmé.
 

RÉFÉRENCES – POUR EN SAVOIR PLUS

E. G. Hert­wich, J. Aloi­si de Lar­de­rel (2016). Green Ener­gy Choices : The bene­fits, risks and trade-offs of low-car­bon tech­no­lo­gies for elec­tri­ci­ty pro­duc­tion, Nai­ro­bi, Kenya, UNEP. 

E. G. Hert­wich (2015). Inte­gra­ted life-cycle assess­ment of elec­tri­ci­ty-sup­ply sce­na­rios confirms glo­bal envi­ron­men­tal bene­fit of low-car­bon tech­no­lo­gies, PNAS, 6277–6282.

M. Goed­koop (2009). ReCiPe 2008 - A life cycle impact assess­ment method which com­prises har­mo­ni­sed cate­go­ry indi­ca­tors at the mid­point and the end­point level, Amster­dam, The Nether­lands, Minis­try of Hou­sing, Spe­cial Plan­ning and Environment. 

Sang­won Suh (2017). Green Tech­no­lo­gy Choices : The Envi­ron­men­tal and Resource Impli­ca­tions of Low-Car­bon Tech­no­lo­gies, Inter­na­tio­nal Resource Panel, Nai­ro­bi, Kenya, UNEP. 

Combiner agriculture et électricité photovoltaïque

DAVY MARCHAND-MAILLET
Davy MARCHAND-MAILLET (98)
Direc­teur des opé­ra­tions groupe Sun’R

PHILIPPE HUGERON
Phi­lippe HUGERON (93)
Direc­teur asso­cié de Solarneo 

Le défi essen­tiel des pro­chaines décen­nies est la pro­duc­tion durable de nour­ri­ture et d’énergie pour dix mil­liards d’humains, deux usages qui riva­lisent par­fois pour l’affectation des sur­faces cultivables. 

Plu­sieurs solu­tions « agri­vol­taïques » ont été déve­lop­pées ces dix der­nières années pour répondre à ce double défi, mais éga­le­ment à l’enjeu connexe de la ges­tion de l’eau. Elles reposent sur des sys­tèmes fer­més (de type serre agri­cole pho­to­vol­taïque) ou ouverts (pan­neaux au-des­sus des vignes, rizicultures…). 

C’est ain­si que des serres agri­coles par­tiel­le­ment recou­vertes de pan­neaux pho­to­vol­taïques per­mettent de pro­té­ger les plantes en limi­tant les agres­sions externes d’une culture plein champ et en contrô­lant le cli­mat intérieur. 

Des cultures hydro­po­niques, dites « hors sol », avec une ali­men­ta­tion en goutte à goutte des plantes, sous serres pho­to­vol­taïques, per­mettent d’économiser jusqu’à 90 % de l’eau néces­saire en plein champ pour un même rendement. 

Des sys­tèmes ouverts, avec des pan­neaux mobiles au-des­sus des plantes, per­mettent de modu­ler l’apport de lumière. Des ombrières pho­to­vol­taïques sur des bas­sins pis­ci­coles per­mettent de mieux régu­ler la cha­leur et de dimi­nuer le taux de mor­ta­li­té des poissons. 

Des panneaux photovoltaïques au-dessus des vignes.
Des pan­neaux pho­to­vol­taïques au-des­sus des vignes
© DWIGHT SMITH/FOTOLIA.COM

Grâce à un prix com­pé­ti­tif de l’électricité, des appels d’offres pho­to­vol­taïques ont per­mis la réa­li­sa­tion de nom­breuses ins­tal­la­tions et d’obtenir des résul­tats pro­met­teurs sur le plan agri­cole, notam­ment pour des fraises, des asperges, des fram­boises, des auber­gines, mais éga­le­ment des cultures durables comme la vigne ou des arbres fruitiers. 

Au-delà d’une meilleure maî­trise agri­cole et envi­ron­ne­men­tale des cultures ou des éle­vages, ces outils créent de l’emploi local avec de bien meilleures condi­tions de tra­vail qu’en plein champ. Enfin, grâce au finan­ce­ment de cet outil par les recettes élec­triques, l’agriculteur béné­fi­cie d’un levier d’action sup­plé­men­taire pour gérer son acti­vi­té économique. 

Comme tout nou­vel outil, le monde agri­cole doit encore cepen­dant « appri­voi­ser » ces nou­velles solu­tions inno­vantes pour trou­ver les meilleures com­bi­nai­sons entre les outils pro­po­sés et le type de culture. La recherche agro­no­mique joue­ra donc un rôle majeur dans le déploie­ment pro­gres­sif de ces solu­tions en s’appuyant sur les bases de l’agroforesterie et le retour d’expérience.

Poster un commentaire