Un budget dans la moyenne de celui des pays de l’OCDE

Dossier : Le financement de l'enseignement supérieur et de la rechercheMagazine N°634 Avril 2008
Par Jacques LESOURNE (48)

La France dépense chaque année 17,7 mil­liards d’euros pour l’enseignement supé­rieur, soit 1,3 % de son PIB, plus que l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais beau­coup moins que les États-Unis (3,0 %). Elle compte 2,2 mil­lions d’étudiants, la dépense moyenne par étu­diant s’élevant à envi­ron 9 400 euros par an. De son côté, la recherche coûte 40 mil­liards d’euros par an dont plus de la moi­tié est finan­cée par les entreprises.

REPÈRES
Pour sépa­rer recherche et ensei­gne­ment dans le supé­rieur, on a déci­dé conven­tion­nel­le­ment que les ensei­gnants-cher­cheurs pas­saient la moi­tié de leur temps en recherche et l’autre moi­tié en ensei­gne­ment, une conven­tion arbi­traire qui recouvre une réa­li­té très hété­ro­gène (et ne par­lons pas des pro­fes­seurs des CHU qui recherchent, enseignent et tra­vaillent dans des ser­vices hospitaliers).

En matière de recherche-déve­lop­pe­ment, les dépenses des entre­prises repré­sentent plus de la moi­tié du total, la par­tie publique se décom­po­sant elle-même entre ce qui relève des éta­blis­se­ments de l’enseignement supé­rieur et des grands orga­nismes. Quant à l’enseignement supé­rieur, il réunit les uni­ver­si­tés et les grandes écoles (qui ont ten­dance à se rap­pro­cher mais res­tent encore très sépa­rées), mais sur­tout inclut le supé­rieur pro­pre­ment dit et ce que je pré­fère appe­ler le « post­bac­ca­lau­réat » (le niveau L) qui, lorsqu’il est effi­cace, a recours à des péda­go­gies du secondaire.

Ce sys­tème est en pleine évo­lu­tion, du côté des entre­prises avec comme consé­quence des chan­ge­ments de la struc­ture pro­duc­tive, du côté du sec­teur public par l’européanisation et la mon­dia­li­sa­tion qui tendent len­te­ment à rap­pro­cher notre orga­ni­sa­tion de celle des grands pays étran­gers. D’ailleurs, deux lois ont été votées par le Par­le­ment : en 2005, une loi sur la recherche et en 2007, une loi sur les uni­ver­si­tés. Elles modi­fie­ront sen­si­ble­ment le pay­sage à terme.

Venons-en main­te­nant aux chiffres. Les seuls faci­le­ment dis­po­nibles sont ceux éta­blis en appli­ca­tion de règles inter­na­tio­nales, la comp­ta­bi­li­té publique fran­çaise repo­sant sur des bases qui faci­litent le contrôle, mais sont presque inuti­li­sables pour la ges­tion. Les don­nées citées pro­viennent de l’État de l’Enseignement supé­rieur et de la Recherche, édi­té par le Minis­tère et du der­nier livre de Futu­ris publié en 20071.

Le financement de l’enseignement supérieur

La DIE (Dépense inter­mé­diaire d’éducation) s’élève en euros 2006 à 121 mil­liards envi­ron, la part pour le supé­rieur repré­sen­tant 17,7 mil­liards. La com­pa­rai­son inter­na­tio­nale n’est dis­po­nible que pour 2004. Elle montre que la France dépense 1,3 % de son PIB pour l’enseignement supé­rieur, soit sen­si­ble­ment la moyenne de l’OCDE (1,4 %), plus que l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais beau­coup moins que les pays nor­diques, la Corée du Sud et sur­tout les États-Unis (3,0 %).

Une grande part de financement public


Plus de la moi­tié des dépenses concernent le per­son­nel enseignant.

Au sein de l’OCDE, la répar­ti­tion de l’effort entre finan­ce­ment public et finan­ce­ment pri­vé s’étage entre la Grèce où le finan­ce­ment pri­vé est qua­si nul et la Corée du Sud où le finan­ce­ment pri­vé dépasse lar­ge­ment le finan­ce­ment public. Les États-Unis et le Japon sont les deux grands pays où le finan­ce­ment pri­vé est plus impor­tant que le public. Avec un finan­ce­ment public de 84,0 % et un finan­ce­ment pri­vé de 16,0 %, le finan­ce­ment public fran­çais est de 9 points supé­rieur à la moyenne de l’OCDE (75,7 %). Il est très proche de la struc­ture alle­mande, mais avec une part publique un peu plus forte qu’en Ita­lie, Espagne et Royaume-Uni. Dans la par­tie pri­vée, les ménages d’une part, les entre­prises et les Chambres consu­laires d’autre part comptent cha­cun pour envi­ron la moitié.

Une explosion des effectifs

En euros constants, la dépense par étu­diant a crû de 33% depuis 1980

Une fois fixé l’ordre de gran­deur des dépenses, il est natu­rel de le rap­por­ter aux effec­tifs du supé­rieur. Ceux-ci ont explo­sé, notam­ment entre 1990 et 1995 avec près de 600 000 étu­diants sup­plé­men­taires. Néan­moins, en euros constants, la dépense par étu­diant qui s’est éle­vée à 9 370 euros en 2006 a crû de 33 % de 1980 à 2006. Ce mon­tant place la France dans la moyenne de l’OCDE au 14e rang.

À ces don­nées glo­bales, j’ajouterai quelques élé­ments plus spé­ci­fiques qui sont néces­saires pour com­prendre la struc­ture des financements :
• sur l’ensemble des dépenses, 53 % concernent les dépenses de per­son­nel ensei­gnant et 18 % les dépenses de per­son­nel non ensei­gnant, le fonc­tion­ne­ment repré­sen­tant 19 % et le « capi­tal » (un terme bien ambi­gu) 19 % ;
• le nombre d’inscrits dans l’enseignement supé­rieur, chiffre de valeur très rela­tive pour les uni­ver­si­tés (hors IUT), est égal pour 2006–2007 à 2,254 mil­lions. Chiffre qui ne croît plus depuis plu­sieurs années et a récem­ment dimi­nué. Sur ce total, les uni­ver­si­tés (hors IUT) sco­la­risent 1,285 mil­lion et les autres for­ma­tions un peu moins de 1 mil­lion, dont 76 000 pour les classes pré­pa­ra­toires et les grandes écoles ;
• à la ren­trée 2006, plus de 500 000 étu­diants, soit 30 % de la popu­la­tion de l’année, ont béné­fi­cié d’une aide finan­cière directe sous forme de bourses, mais la France se situe bien au-des­sous de la moyenne OCDE quant au mon­tant total des bourses ;
• enfin, la dépense moyenne par étu­diant oscille en 2006 entre 7 840 euros à l’université, hors IUT, et 13 940 dans l’ensemble des classes pré­pa­ra­toires-grandes écoles.

Le maillon faible

Ces élé­ments – et dans le para­graphe qui suit, je m’exprimerai à titre per­son­nel – ne me paraissent pas en contra­dic­tion avec le diag­nos­tic sui­vant assez géné­ra­le­ment partagé :
• le maillon faible de l’enseignement supé­rieur fran­çais est consti­tué par le pre­mier cycle (hors IUT) où les tech­niques péda­go­giques sont très éloi­gnées de celles du secon­daire pour conve­nir à une par­tie des inscrits ;
• l’éparpillement sur le ter­ri­toire d’universités en géné­ral petites et trai­tées de manière trop homo­gène les conduit à assu­mer des tâches sou­vent à la limite de leurs moyens finan­ciers (aus­si le regrou­pe­ment actuel dans le cadre de PRES consti­tue une évo­lu­tion favorable) ;
• si, comme cer­tains le demandent, les frais d’inscription à l’université doivent être rele­vés, une refonte pro­fonde du sys­tème des bourses est indispensable ;
• les réformes récentes offrent des pers­pec­tives favo­rables, mais leur impact ne pour­ra être jugé que dans les pro­chaines années.

Le financement de la recherche

REPÈRES
En points de PIB, le pour­cen­tage de la DIRD, qui était des­cen­du à 2,15 % en 2000 (et même à 2,13%en 2005), est remon­té à 2,20 en 2007, l’augmentation pro­ve­nant prin­ci­pa­le­ment de la par­tie publique (de 0,81 à 0,84).

Les dons des ménages consti­tuent un apport faible, mais sont pré­cieux par leur signi­fi­ca­tion sociale

Abor­dons main­te­nant le finan­ce­ment de la recherche-déve­lop­pe­ment. La DIRD (Dépense inté­rieure de recherche-déve­lop­pe­ment) est l’équivalent de la DIE. On lui adjoint natu­rel­le­ment, comme en comp­ta­bi­li­té natio­nale, la DNRD (Dépense natio­nale de recherche-déve­lop­pe­ment). Tan­dis que la pre­mière couvre l’ensemble des tra­vaux exé­cu­tés sur le sol fran­çais, la seconde porte sur les acti­vi­tés finan­cées par des ins­ti­tu­tions fran­çaises. La dif­fé­rence repré­sente évi­dem­ment le solde des flux finan­ciers avec l’étranger dans ce domaine.

Pour com­men­cer, je me limi­te­rai aux chiffres de la DIRD. Elle se monte en 2007 (esti­ma­tion de Futu­ris) à 40,82 mil­liards d’euros 2007, 15,56 de DIRD publique et 25,26 de DIRD des entre­prises, soit res­pec­ti­ve­ment 38,12 et 61,88 %.

Le rôle croissant des régions


La dépense inté­rieure de recherche-déve­lop­pe­ment dépasse les 40 mil­liards d’euros.

Si l’on regarde d’un peu plus près la par­tie publique (DIRDA et DNRDA) les élé­ments majeurs à connaître sont les suivants.

Pour le finan­ce­ment (DNRDA), le mon­tant de 19,09 mil­liards en 2007 pro­vient prin­ci­pa­le­ment de l’État (89,74 %), puis des pro­grammes inter­gou­ver­ne­men­taux (4,70 %), de l’Union euro­péenne (3,69 %) et enfin des régions et col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales (1,87 %) dont le pour­cen­tage a dou­blé depuis 2000 et qui jouent un rôle croissant.

Pour l’exécution (DIRDA), le mon­tant de 15,56 mil­liards en 2007 pro­vient de res­sources bud­gé­taires récur­rentes (11,54), de finan­ce­ments publics sur pro­jet (1,65), de com­mandes publiques de RD (1,47), de contrats des entre­prises (0,74) et de finan­ce­ment d’institutions sans but lucra­tif (0,17). On constate à quel point les dons des ménages consti­tuent un apport faible, même s’ils sont pré­cieux par leur signi­fi­ca­tion sociale et leur faci­li­té d’emploi.

En com­pa­rai­son inter­na­tio­nale, la DIRD fran­çaise est en chiffre 2005 dans la moyenne de l’OCDE, mais au-des­sous de l’Allemagne (2,46 %), des États-Unis (2,62 %), du Japon (3,33 %) et, en Europe, de la Fin­lande et de la Suède (chiffres 2005).


Don­ner aux labo­ra­toires une plus grande liber­té de gestion.

Pour la même année, la part de la DIRD exé­cu­tée par les entre­prises est en France de 63 % contre 37 % pour les admi­nis­tra­tions, soit le même pour­cen­tage qu’au Royaume-Uni, mais moins qu’en Alle­magne (69 %), aux États-Unis (70 %) et au Japon (76 %).

Le tableau indique com­ment se décom­pose la DIRDA entre les dif­fé­rents acteurs publics. Il faut rap­pe­ler que le chiffre de l’enseignement supé­rieur résulte de la conven­tion appor­tant à la recherche 50 % du temps des enseignants-chercheurs.

Il n’est guère pos­sible d’aller au-delà, dans le cadre de cet article, mais depuis quelques années, les tra­vaux du Minis­tère, de l’OST et de Futu­ris éclairent des ques­tions comme les sui­vantes : pour la DIRD, com­ment se répar­tit la recherche par dis­ci­pline, par branche indus­trielle ou par domaine technologique ?
Pour la DIRDA, com­ment se dis­tri­buent les res­sources par finan­ce­ment récur­rent et finan­ce­ment par pro­jet ain­si que par objec­tif (pro­duc­tion de connais­sances, appui à l’innovation indus­trielle, défense, grands projets…) ?

Tableau 1 : Quelques don­nées sur le finan­ce­ment de l’enseignement supé­rieur (2006) Tableau 2 : La part des dif­fé­rents acteurs dans la recherche publique (2005) (en % de la DIRDA)
DIE par étudiant 9370 € Ensei­gne­ment supérieur 33%
Struc­ture du financement Orga­nismes de recherche 53%
État 76 % dont EPST2 (CNRS, INRA) 27%
Col­lec­ti­vi­tés territoriales 6,5% dont EPIC3 (CEA, CNES) 26%
Autes adm. publiques 1,7% Défense 9%
Entre­prises 6,5% Autres 5%
Ménages 9,3%
Total 100% Total 100%

Au niveau natio­nal, le pilo­tage de l’ensemble laisse à dési­rer ain­si que la défi­ni­tion des choix stra­té­giques. Émettre des avis sur ces sujets est la mis­sion confiée au HCST (le Haut Conseil de la science et de la tech­no­lo­gie) créé par la loi de 2005. Cette action venue d’en haut doit aller de pair avec la mise en place des mesures envi­sa­gées pour don­ner aux labo­ra­toires une plus grande liber­té de ges­tion et faci­li­ter la col­la­bo­ra­tion entre le sec­teur public et les entreprises.

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1. J. Lesourne et Denis Ran­det, La Recherche et l’Innovation en France, Futu­ris 2007, Odile Jacob, 2007.
2. Éta­blis­se­ment public à carac­tère scien­ti­fique et technologique.
3. Éta­blis­se­ment public à carac­tère indus­triel et commercial.

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