Un geste vers les créateurs innovants et leurs investisseurs
Les investisseurs de premier rang se soucient rarement des implications fiscales de leur apport
Autant il est relativement facile de trouver quelques financements pour démarrer une activité traditionnelle, autant cela devient extrêmement compliqué pour celui qui sort des sentiers battus. L’innovation implique la plupart du temps que le marché n’a pas été défriché, que le produit est encore en phase expérimentale et que le créateur n’a pas l’expérience d’un gestionnaire.
Le créateur va donc se tourner vers son environnement immédiat et il va solliciter sa famille, ses proches et quelques amis, ce que l’on appelle le love money. Ces investisseurs de premier rang se soucient rarement des implications fiscales de leur apport, pas plus que le créateur.
REPÈRES
En octobre 2012, le gouvernement a décidé brutalement d’imposer à l’impôt sur le revenu les plus-values de cession des start-ups. De nombreuses voix se sont élevées pour souligner l’impact négatif qu’une telle mesure allait entraîner dans les créations et les financements de jeunes entreprises innovantes.
Après un premier et timide pas en arrière en décembre, c’est en janvier 2013 que les « assises de l’entreprenariat » ont été lancées par le ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique. Elles ont débouché sur diverses mesures incitatives, permettant en particulier d’investir dans des PME non cotées. Annoncées en avril dernier, elles devraient s’appliquer à la loi de finances 2014.
Faire décoller l’entreprise
Ou bien le projet ne débouche sur rien de solide, ou bien il semble pouvoir réussir. Dans le premier cas, le créateur et ses amis auront perdu du temps, de l’énergie et leur argent, mais les sommes en jeu sont faibles et cela n’aura généralement pas de conséquences catastrophiques.
L’expansion de l’entreprise nécessite l’apport de nouveaux capitaux
Dans le second cas, le créateur va avoir besoin d’un accompagnement et c’est là que les business angels vont pouvoir intervenir pour l’aider à concrétiser un business plan solide, pour lui apporter les compléments d’information indispensable, l’assistance technique, juridique ou commerciale, les contacts utiles et les financements nécessaires.
Dans le meilleur des cas, le créateur d’entreprise a su se faire conseiller pour constituer une société, il a sollicité un incubateur, il a constitué une équipe, il s’est entouré des compétences indispensables et il recherche des financements. Les business angels vont l’aider à faire décoller l’entreprise en apportant les capitaux nécessaires.
Passer au stade supérieur
Jusque-là, les questions fiscales ne posent pas de problèmes particuliers. Il n’y aura pas de différences notables avec ceux que rencontre une entreprise normale en activité. La société va pouvoir bénéficier des aides classiques telles que le Crédit d’impôt innovation ou le statut de Jeune entreprise innovante. Elle sera soumise à des contrôles fiscaux ou sociaux comme toutes les entreprises. C’est lorsque l’entreprise voudra ou devra passer à un stade supérieur que les difficultés vont surgir.
La société va devoir prendre en compte les questions fiscales et les aborder sous deux angles parfois divergents : celui du fondateur et celui de ses actionnaires (les business angels en particulier). En effet, l’expansion de l’entreprise va, selon toutes probabilités, nécessiter l’apport de nouveaux capitaux. Le volume de ces capitaux va probablement impliquer l’entrée de nouveaux actionnaires. Ceux-ci vont souvent exiger la sortie des business angels, et même éventuellement du fondateur. Qui dit sortie, dit cession de parts sociales et les points de vue des uns et des autres ne sont pas forcément les mêmes.
Les mesures
La première mesure est la création d’un PEA-PME qui consistera à augmenter de 132 000 à 150 000 euros le plafond du PEA et à permettre d’ajouter un supplément de 75 000 euros consacré à des investissements dans des PME non cotées. Ensuite a été confirmé le maintien du principe de la soumission des plus-values de cession au barème de l’impôt sur le revenu.
Cependant, deux régimes simplifiés de référence ont été précisés.
Un régime de droit commun selon lequel les plus-values pourront bénéficier d’un abattement en fonction de la durée de détention (0% pour une détention de moins de deux ans, 50% pour une détention supérieure à deux ans mais inférieure à huit ans et 65 % pour une détention supérieure à huit ans).
Un régime incitatif avec des abattements majorés : une exonération totale lors du départ à la retraite du dirigeant ou en cas de cession intrafamiliale ; aucun abattement en cas de détention de moins d’un an ; un abattement de 50% pour une détention de un à quatre ans, de 65% pour une détention de quatre à huit ans et de 85 % pour une détention supérieure à huit ans.
Pas d’aménagement pour les minoritaires
Jusqu’à l’été 2012, les règles fiscales étaient relativement simples. Les business angels cédaient leurs actions avec une plus-value (ou une moins-value). Les plus-values étaient imposables selon le régime classique d’imposition avec éventuellement utilisation du prélèvement libératoire, les moins-values pouvaient venir en compensation des plus-values selon des modalités bien connues. Leur seule contrainte, pour conserver les avantages des défiscalisations dont ils avaient profité, était de réinvestir les sommes reçues dans les douze mois. Pour les fondateurs, c’était la même chose, à ceci près qu’ils n’avaient pas d’obligation de réemploi.
D’autres suggestions
Les « assises de l’entreprenariat » ont débouché sur de nombreuses autres propositions qui auraient été relativement faciles à mettre en oeuvre. Elles n’ont pas été reprises dans les décisions. Et pourtant, ce sont ces petites décisions qui faciliteraient considérablement la vie des porteurs de projets et des business angels.
Pourquoi imposer aux Sociétés d’investissement de business angels (SIBA) d’avoir deux salariés au bout de deux ans d’existence alors qu’elles n’ont aucun besoin d’avoir du personnel, étant gérées par des bénévoles ?
Pourquoi limiter à 50 le nombre d’actionnaires de ces sociétés alors que l’appel public à l’épargne ne se déclenche qu’à partir de 150 ?
Pourquoi les sociétés civiles, qui bénéficient presque toutes de la transparence fiscale, ne peuvent-elles pas en bénéficier dès qu’il s’agit d’investissement collectif ?
Bien d’autres suggestions ont émané de la centaine d’experts, y compris une proposition de mettre sur pied une structure de collaboration permanente entre les administrations et la société civile.
En octobre 2012, le gouvernement a décidé que les plus-values entreraient dans la base imposable à l’impôt sur le revenu, qu’il s’agisse du fondateur ou des investisseurs. Quelques abattements étaient prévus en fonction de la durée de conservation des titres.
Devant les protestations des « pigeons », un premier retour en arrière a donné quelques avantages aux fondateurs, mais les investisseurs minoritaires que sont les business angels n’ont eu droit à aucun aménagement.
Un intense lobbying, tant des porteurs de projets que des investisseurs, a amené le ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique à lancer, en janvier 2013, les « assises de l’entreprenariat ». Organisées autour de neuf groupes de travail auxquels ont participé plus d’une centaine de personnes, ces assises ont abouti à une présentation des résultats et des décisions par le président de la République lui-même à l’Élysée le lundi 29 avril.
Ces nouvelles mesures devraient s’appliquer au plus tard dans la loi de finances de 2014. Mais il faut encore que tout cela soit mis en forme puis voté par le Parlement et fasse ensuite l’objet des décrets d’applications que le ministère des Finances rendra forcément restrictifs.
Bref, une politique qui se cherche encore mais surtout une prise de conscience que ce sont les entreprises qui créent de la richesse et qu’il faut renouveler en permanence le tissu entrepreneurial.