André Citroën en uniforme de l'X

Un grand polytechnicien : André Citroën

Dossier : Libres proposMagazine N°591 Janvier 2004Par : Jacques Wolgensinger

Une vie à quitte ou double.
André Citroën (X 1898) vou­lait éton­ner le monde. Il y a réus­si. Pour­tant, si popu­laire qu’il fut, il demeure un incon­nu célèbre. Au grand jeu de la vie, com­ment a‑t-il gagné ; pour­quoi a‑t-il perdu ?

Article extrait de la confé­rence don­née le 18 octobre 2003 devant le Groupe X‑Alpes-Mari­times par Jacques Wolgensinger.

Article extrait de la confé­rence don­née le 18 octobre 2003 devant le Groupe X‑Alpes-Mari­times par Jacques Wolgensinger.
Celui-ci créa la direc­tion de l’Information et des Rela­tions publiques de la Socié­té des Auto­mo­biles Citroën, et en assu­ra la res­pon­sa­bi­li­té pen­dant trente ans. Membre de son Conseil des direc­teurs, il est l’un de ceux qui connaissent le mieux l’histoire de cette célèbre firme et celle de son fon­da­teur. Écri­vain, il est l’auteur de très nom­breux ouvrages sur ce vaste sujet, à com­men­cer par une bio­gra­phie haute en cou­leur André Citroën , Flam­ma­rion, 1991. Cer­tains de ces livres ont été tirés à plus de 100000 exem­plaires et tra­duits dans 6 langues dont le chinois !

Les années d’apprentissage

André Citroën est né à Paris le 5 février 1878, cin­quième enfant d’un père hol­lan­dais, Lévie Citroën, et d’une mère polo­naise, Mas­za (pro­non­cez Masha) Klein­mann, qui s’é­taient éta­blis en France après la guerre de 1870.

Il a six ans lorsque son père, cour­tier en pierres pré­cieuses, se sui­cide, drame incom­pré­hen­sible pour un enfant de cet âge. Pour­tant le jeune André va réagir posi­ti­ve­ment, comme pour mon­trer à ce père dis­pa­ru que lui n’a­ban­don­ne­rait per­sonne et serait tou­jours par­mi les meilleurs ! Il se choi­sit deux pères de sub­sti­tu­tion : Gus­tave Eif­fel, dont la tour en construc­tion le fas­cine, il y voit le sym­bole du pro­grès tech­nique, et Jules Verne, dont il dévore les livres. Le posi­ti­visme était dans l’air du temps. Auguste Comte avait lan­cé la for­mule » l’ordre pour règle et le pro­grès pour but « .

Au lycée Condor­cet où il est entré en 1885, André est bon élève. Il lit les saint-simo­niens et décide d’être ingé­nieur. En 1898 il est admis à l’É­cole polytechnique.

Bon cama­rade, aimant à faire rire, il ne tarde pas à deve­nir popu­laire. À la » séance des cotes « , la » com­miss » des anciens lui décerne la » cote époil » qua­li­fiant les » types épatants « .

En 1900 – il a 22 ans – au cours de vacances de Pâques en Pologne, il mani­feste pour la pre­mière fois son génie par­ti­cu­lier : une ouver­ture d’es­prit, un pou­voir d’as­si­mi­la­tion ultra- rapide qui lui per­mettent de conce­voir d’emblée toutes les poten­tia­li­tés d’une inno­va­tion. Il découvre chez un arti­san une machine à fabri­quer des engre­nages à den­ture en forme de che­vrons. Il achète le bre­vet. Après sa sor­tie d’É­cole et, son ser­vice mili­taire accom­pli – dans l’ar­tille­rie, comme il se doit – il ouvre un petit ate­lier pour y fabri­quer des engrenages.

Premières réussites

La première chaîne de montage Citroën
La pre­mière chaîne de mon­tage Citroën

Le che­vron, que Citroën choi­si­ra bien­tôt pour emblème, a du suc­cès. Le petit ate­lier devient un grand ate­lier, puis une usine qui fabrique des engre­nages géants et implante des filiales en Rus­sie et en Autriche – Hongrie.

Citroën four­nit les construc­teurs d’au­to­mo­biles. Par­mi ceux-ci, les frères Mors. Leur éta­blis­se­ment a connu la pros­pé­ri­té au tout début du siècle. Mais rien ne va plus, les meilleurs ingé­nieurs s’en vont, les clients aus­si. Appe­lé en consul­ta­tion pour ce qu’on appel­le­rait aujourd’­hui un audit, Citroën conclut qu’il serait pré­ma­tu­ré de liqui­der l’af­faire ain­si qu’y son­geaient les frères Mors. Ceux-ci lui demandent alors d’en prendre la direc­tion géné­rale. Bonne déci­sion : en dix ans, sous son impul­sion, les ventes pas­se­ront de 120 à 1 200 voi­tures par an. Citroën a réuni autour de lui une équipe com­pé­tente, au pre­mier rang de laquelle Georges-Marie Haardt devient vite son ami en même temps que son bras droit.

Au cours d’un voyage aux États- Unis, Citroën a ren­con­tré Hen­ry Ford, qui dès 1903 a lan­cé l’i­dée folle de pro­duire en quan­ti­té un modèle unique de voi­ture à un prix si bas que même ses ouvriers pour­raient l’a­che­ter. Citroën par­tage ses vues. Il découvre aus­si les théo­ries de l’A­mé­ri­cain F. W. Tay­lor sur l’or­ga­ni­sa­tion scien­ti­fique du tra­vail appli­quée à la pro­duc­tion en grande série.

Les années de guerre

En 1914, c’est la guerre. Les trois frères Citroën sont au front. Ber­nard, le plus proche d’An­dré, est tué dès le second mois du conflit. Dou­lou­reu­se­ment frap­pé dans son affec­tion, André constate d’autre part la pénu­rie de muni­tions dont souffre l’ar­mée. L’é­tat- major avait pré­vu une guerre de mou­ve­ment où la seule cava­le­rie devait empor­ter la vic­toire. Erreur : on a à faire une guerre de posi­tions où les échanges d’ar­tille­rie sont déter­mi­nants. Citroën ren­contre au minis­tère de la Guerre le géné­ral Baquet, ancien élève de Poly­tech­nique et direc­teur de l’ar­tille­rie, qui lui dit avoir besoin d’au moins 10 000 obus de plus par jour. Qui pour­rait les fabri­quer ? – Moi, pro­pose Citroën.

Quatre mois plus tard, il a construit, quai de Javel, une usine orga­ni­sée d’a­près les méthodes ration­nelles de Tay­lor et livre 10 000 obus par jour, puis 20 000 et jus­qu’à 50 000. 24 mil­lions au total à la fin de la guerre. Des shrap­nells ven­dus 7 francs pièce alors que ceux que pro­duisent les arse­naux natio­naux coûtent 14 francs.

Les hommes sont au front. Ce sont des femmes qui fabriquent les obus. Le tay­lo­risme qui décom­pose les tâches en gestes répé­ti­tifs per­met de les for­mer rapi­de­ment à un tra­vail sim­pli­fié. On les appelle les muni­tion­nettes. Pour elles, Citroën crée des équi­pe­ments sani­taires et sociaux sans pré­cé­dent jusque-là. Ves­tiaires, douches, res­tau­rants où les repas sont ser­vis chauds par des cars élec­triques, salles de jeux, de repos, de cou­ture. À la pause de midi sont pro­po­sées des séances d’é­du­ca­tion phy­sique. L’in­fir­me­rie est une véri­table cli­nique qui com­porte des ser­vices de radio­gra­phie, de gyné­co­lo­gie, d’obs­té­trique et de petite chi­rur­gie. Dans des cabi­nets den­taires ultra­mo­dernes, six pra­ti­ciens soignent jus­qu’à cent patients par jour. Gar­de­ries, crèches, pou­pon­nières, salles d’al­lai­te­ment sont exem­plaires. Toute ouvrière enceinte per­çoit une prime men­suelle, puis une prime de nais­sance, un mois de conva­les­cence payé, des primes d’al­lai­te­ment. Une chan­son du moment conseillait d’al­ler » accou­cher chez Citroën « .

La grande série

André Citroën et le Président Albert Lebrun.
André Citroën et le Pré­sident Albert Lebrun.

En 1917, la fin de la guerre est pré­vi­sible. Citroën pense à la conver­sion de Javel. Fort de son expé­rience chez Mors, il songe à l’au­to­mo­bile. Mais il ne veut pas construire des voi­tures comme le fai­saient avant la guerre les firmes euro­péennes, un châs­sis par-ci, un moteur par-là, pra­ti­que­ment à l’u­ni­té. Il pense que l’au­to­mo­bile sera, ain­si qu’il le dit, » popu­laire ou ne sera pas « .

En consé­quence, il amé­nage son usine selon les prin­cipes défi­nis par Tay­lor, qui condui­ront bien­tôt à la chaîne de mon­tage. Il construi­ra un modèle unique, simple, robuste, moderne, dont il demande les plans à l’in­gé­nieur Jules Salo­mon : une 10 CV (on disait encore 10 HP). Ce sera – et Citroën ne se pri­ve­ra pas de le clai­ron­ner par­tout – » la pre­mière voi­ture construite en Europe en grande série « , livrée com­plète, avec cinq pneu­ma­tiques, éclai­rage et démar­rage élec­triques, prête à rou­ler. Il en fabri­que­ra cent par jour et les ven­dra un tiers moins cher que les véhi­cules concurrents.

Louis Renault, qui tient le haut du pavé des construc­teurs fran­çais, éclate de rire à l’é­non­cé de ce pro­gramme. De fait Citroën devra révi­ser son prix à la hausse et, à la fin de l’an­née 1909, il ne fabri­que­ra que trente voi­tures par jour. Mais le prix res­te­ra néan­moins com­pé­ti­tif et en 1924, 250 voi­tures sor­ti­ront chaque jour des usines Citroën agran­dies. Renault n’au­ra plus envie de rire.

Les quinze glorieuses

Citroën com­mence alors un par­cours éblouis­sant comme celui d’une comète, jalon­né par les lan­ce­ments de modèles tou­jours inno­vants, dont les noms sont encore dans beau­coup de mémoires :

La Croisière Jaune
Une auto­che­nille dans les dunes du désert de Gobi au cours de la Croi­sière Jaune.

La 10 HP type A devient B2 puis B10, B12 et B14 à car­ros­se­rie » tout acier » qui fonde l’u­sage aujourd’­hui lar­ge­ment majo­ri­taire des conduites intérieures.

La 5 CV, dès 1921, popu­laire, maniable, éco­no­mique, d’a­bord dite » Petite Citron » parce que peinte en jaune (clin d’œil au construc­teur dont le nom signi­fie citron en néer­lan­dais), puis » Trèfle » quand elle rece­vra trois places en triangle.

Les C4 et C6 équi­pées à par­tir de 1932 du » moteur flot­tant « , dis­po­si­tif assu­rant un fonc­tion­ne­ment silencieux.

Les » Rosa­lie » 8, 10 et 15, dont une ver­sion spor­tive va battre sur l’au­to­drome de Montl­hé­ry d’in­nom­brables records du monde, y com­pris celui des 300 000 kilo­mètres » non stop « .

Enfin, la jus­te­ment célèbre » Trac­tion » sur laquelle non seule­ment les roues avant motrices mais encore presque toutes les autres carac­té­ris­tiques consti­tue­ront des inno­va­tions abso­lues. La pro­duc­tion annuelle dépas­se­ra les 100 000 véhi­cules en 1929. La super­fi­cie des usines, de 195 000 m2 en 1919, est de 800 000 m2  en 1929, sans comp­ter les filiales et les chaînes de mon­tage dans plu­sieurs pays étran­gers. Pour­tant, ce n’est ni la concep­tion des modèles, ni l’or­ga­ni­sa­tion de leur fabri­ca­tion qui carac­té­rise le génie d’An­dré Citroën. Le pre­mier, il a consi­dé­ré l’au­to­mo­bile non comme un objet manu­fac­tu­ré sim­ple­ment ven­du à un client, mais comme un ser­vice que le construc­teur s’en­ga­geait à rendre.

C’é­tait poser le prin­cipe de » l’a­près-vente « . Et Citroën sut en tirer toutes les consé­quences, créant ain­si le com­merce moderne de l’au­to­mo­bile. Afin que ses clients puissent trou­ver par­tout main­te­nance et assis­tance, il cou­vrit le ter­ri­toire fran­çais d’un réseau de 400 conces­sion­naires exclu­sifs et agents spé­cia­li­sés, bien­tôt por­té à 5 000, puis éten­du à l’Eu­rope et au monde. Afin de pros­crire tout arbi­traire dans les fac­tu­ra­tions il créa un dic­tion­naire des répa­ra­tions et un cata­logue de pièces de rechange. Il inven­ta le car­net de ser­vice, la révi­sion com­plète gra­tuite après les pre­miers 500 kilo­mètres, la garan­tie d’un an, les échanges stan­dard d’or­ganes fati­gués immé­dia­te­ment rem­pla­cés à prix modiques. Il lan­ça la loca­tion de voi­tures et la vente à cré­dit, pour laquelle il créa la pre­mière socié­té de cré­dit à la consom­ma­tion, la SOVAC.

Il mit en ser­vice des com­pa­gnies de taxis, des réseaux d’au­to­cars et bali­sa les routes de France de pan­neaux indi­ca­teurs, 100 000 en 1925, frap­pés au signe du double chevron.

L’ère de la communication

Illumination Citroën de la Tour Eiffel
La pre­mière illu­mi­na­tion de la tour Eif­fel en 1925 pour l’ouverture de l’Exposition inter­na­tio­nale des arts décoratifs.

Convain­cu que le savoir-faire n’é­tait rien sans le faire savoir, Citroën avait comme per­sonne la capa­ci­té de pres­sen­tir ce qui allait cap­ter l’at­ten­tion du public. Pour sa pre­mière par­ti­ci­pa­tion au Salon de l’au­to, il n’a­li­gna pas moins de cin­quante voi­tures d’es­sai mises à la dis­po­si­tion du public devant le Grand Palais. Deux ans plus tard, des avions tra­cèrent le nom de Citroën en gigan­tesques lettres de fumée dans le ciel. Dans le ciel tou­jours, en 1925, lors de l’i­nau­gu­ra­tion de l’Ex­po­si­tion inter­na­tio­nale des arts déco­ra­tifs à Paris, il ins­cri­vit son nom en lettres flam­boyantes (200 000 ampoules élec­triques de cou­leurs dif­fé­rentes) sur sa chère tour Eiffel.

Le patron de Javel n’ou­blie per­sonne. Il sou­haite que les pre­miers mots d’un bam­bin soient » Papa, maman, Citroën » et fait fabri­quer pour les enfants des minia­tures de ses modèles et des voi­tu­rettes à pédales. Il orga­nise des visites gui­dées de ses usines, loue chaque mois une page dans tous les quo­ti­diens fran­çais pour y publier des nou­velles de sa firme…

Ce diable d’homme savait sai­sir une occa­sion au bond. En 1927, à l’ar­ri­vée de Lind­bergh à Paris après sa tra­ver­sée aérienne de l’At­lan­tique, il per­sua­da le héros du jour de venir se faire accla­mer à Javel par les mil­liers d’ou­vriers de ses usines. Le len­de­main tous les jour­naux titraient » Lind­bergh chez Citroën « .

Mais rien n’at­tein­dra au niveau des » croi­sières » trans­con­ti­nen­tales en auto­che­nilles qui pas­sion­nèrent le public du monde entier. En 1923, la Pre­mière tra­ver­sée du Saha­ra en auto­mo­biles, Toug­gourt – Tom­bouc­tou sans coup férir là où tant d’autres avaient échoué. Citroën ima­gine alors d’ou­vrir chaque année un nou­vel iti­né­raire afri­cain à l’au­to­mo­bile et crée dans ce but la Citra­cit. Mais les efforts de Louis Renault et du géné­ral Estienne feront échouer le pro­jet. Citroën le rem­place aus­si­tôt par la Croi­sière Noire, tra­ver­sée de tout le conti­nent afri­cain du Nord au Sud, de Colomb-Béchar à Mada­gas­car, en 1925. Immense suc­cès qui révé­la au grand public l’A­frique pro­fonde. En 1931–1932, la Croi­sière Jaune, périlleuse aven­ture de Bey­routh à Pékin à tra­vers l’Hi­ma­laya et le désert de Gobi sur fond de Chine en révo­lu­tion et de prise d’o­tages, déjà.

La course à l’abîme

Tout semble réus­sir à Citroën. En fait, il est condam­né à réus­sir. L’in­no­va­tion coûte cher, de même que la publi­ci­té néces­saire à son exploi­ta­tion. Citroën se trouve ain­si pris dans une spi­rale où il lui faut inves­tir à nou­veau alors que les emprunts pré­cé­dents ne sont pas rem­bour­sés. Les coûts finan­ciers s’ac­croissent. Les créances s’a­massent. En 1927, la banque Lazard est venue en ren­fort, mal­gré la méfiance que lui ins­pire un patron qui disait : » Dès l’ins­tant qu’une idée est bonne, le prix n’a pas d’im­por­tance. » De son côté Citroën sup­porte mal la pru­dence extrême des finan­ciers ; quelques années plus tard, il les chasse de son Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Ils ne l’ou­blie­ront pas.

Citroën pour­suit seul sa fuite en avant. Il a trou­vé, croit-il, la solu­tion : sor­tir un modèle tel­le­ment pré­cur­seur qu’il tien­dra le public en haleine non pas deux ou trois ans mais cinq, voire dix ans ! C’est la Trac­tion avant, une révo­lu­tion totale que lui pro­pose André Lefebvre, ingé­nieur de génie issu de l’aé­ro­nau­tique. Mais Citroën, l’é­pée dans les reins, fixe des délais impos­sibles à son bureau d’é­tudes : » Ce n’est plus désor­mais, dit-il, une ques­tion de jours, mais d’heures. »

En octobre 1934, au Salon, les pre­mières Trac­tions enthou­siasment la presse et le public. En novembre, un four­nis­seur de volants refuse le report de deux traites de 30 000 francs. Ce n’est rien, mais bien d’autres créan­ciers pié­tinent der­rière la porte. En décembre, Citroën dépose son bilan. Le tri­bu­nal de com­merce nomme un comi­té direc­teur pré­si­dé par Pierre Miche­lin, plus gros créan­cier. Ce der­nier recherche des capi­taux pour relan­cer la pro­duc­tion. Les banques mettent comme condi­tion à un prêt le départ de Citroën. Celui-ci remet alors la tota­li­té de ses actions à Miche­lin. Il s’en va. Les banques ouvrent un pre­mier cré­dit de cin­quante mil­lions. Un mora­toire est pro­po­sé aux créan­ciers. Tout repart

La Trac­tion aura un suc­cès de vingt-trois ans.

Citroën est rui­né. Il est malade, il a trop atten­du pour soi­gner un can­cer à l’es­to­mac. Il meurt le 3 juillet 1935, à 57 ans.

Le len­de­main, dans le hall de Javel, une foule innom­brable défile devant le cer­cueil de cet homme qui avait su sai­sir et maî­tri­ser les cou­rants nova­teurs de son siècle (en 1919, par exemple, il avait pro­po­sé la créa­tion d’une mon­naie com­mune euro­péenne) et fon­der une entre­prise d’en­ver­gure mon­diale qui porte encore son nom soixante-huit ans après sa mort. Il avait pla­cé la France au pre­mier rang des puis­sances indus­trielles, ouvert l’ère de l’au­to­mo­bile moderne et trans­for­mé les modes de vie de ses contemporains.

Ceux qui gagnent à long terme sont ceux qui savent rêver. Citroën savait rêver.

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