Hervé Plessix (86), Un homme de l’offensive
Il vous met tout de suite à l’aise. La parole claire, il s’exprime admirablement et communique de façon fluide, mais avec des mots choisis. C’est un éducateur-né.
Il a choisi cependant une carrière hors enseignement, dans la recherche industrielle. Il dirige à présent le Centre de recherche de Danone, situé juste à côté du campus de l’École.
Hervé Plessix a un évident talent d’expression à l’oral. « J’ai toujours aimé raconter. J’aime expliquer, faire comprendre. » Les colles, en prépa, l’obligèrent à cultiver ce talent. Profitant de sa facilité d’expression, je lui donnerai souvent la parole ici.
Je le laisse ainsi se définir : « Je me conçois comme un organisateur, ayant l’efficacité comme ressort ; comme un fédérateur aussi, autour d’un projet commun, servant à motiver et à rassembler toute une équipe. Je suis intolérant de toute mesquinerie. J’aime avancer : homme de l’offensive, pas de la défensive. »
Traduire une idée dans la réalité
Plessix est un nom breton, son père vient de Bretagne, sa mère d’Orléans. Il est issu d’une famille de militaires, ayant eu des métiers techniques. Il a un frère, qui fit du droit, et une sœur, dans la finance.
“ Je me conçois comme un organisateur, ayant l’efficacité comme ressort ”
Enfant, il rêvait devenir architecte : par affection pour le dessin, mais aussi par besoin d’édifier, de traduire une idée dans la réalité.
Après le secondaire dans un lycée de Sceaux, où un professeur de physique l’y incita, il suivit les classes préparatoires à Sainte-Geneviève, à Versailles. Il y eut de grands enseignants, M. Beynier, chanteur d’opéra amateur, et M. Heerdt, qui, l’un et l’autre, lui transmirent leur passion de la chimie.
Son souvenir de prépa ne se restreint pas à la formation scientifique : « Je retiens une leçon majeure de mes années de Ginette : ne jamais avoir de ressentiment. » Il fit aussi un peu de théâtre à Ginette.
Responsablité et liberté
Ayant intégré l’X, Plessix fit son service militaire en Allemagne : « Dans mon régiment me fut confiée la formation d’une trentaine de jeunes recrues. C’est un souvenir extrêmement motivant, on vous fait confiance, on vous donne de vraies responsabilités. »
Ce qu’il retient de son passage à l’École polytechnique ? « Le sentiment de liberté : la richesse des propositions scientifiques, leur haut niveau, couplé à la diversité de l’offre, avec tous les liens entre les disciplines. »
Un grain de folie dans la chimie
Il continua sur le campus de Palaiseau, s’y donnant une formation par la recherche, via un doctorat en chimie. Mais où continuer dans cette voie ? « J’avais vraiment envie de faire de la chimie, dans le domaine de la santé. Je fus dissuadé de l’industrie pharmaceutique, du fait de l’industrialisation de sa recherche.
L’ère d’un chercheur inventant un nouveau médicament était révolue. « Chez L’Oréal par contre, en cosmétologie, autre industrie de service, subsistait un petit grain de folie. Or, je tenais à entrer dans l’industrie. » Il entra donc chez L’Oréal, dans son centre de recherche à Aulnay-sous-Bois.
Le directeur de la R & D chez L’Oréal était alors l’ingénieur- chimiste Jean-François Grollier : « Comme lors de mon commandement en Allemagne, j’ai renoué avec ce sentiment chez L’Oréal : à 30 ans, Jean-François Grollier me mit à la tête du département de chimie, qui comptait une cinquantaine de personnes. »
« Faut que tu bouges »
« Quitter L’Oréal me fut très difficile. J’étais l’équivalent d’un directeur de cabinet pour Jean-François Grollier. Je traitais des dossiers stratégiques. Ma position était à la fois confortable et passionnante. Je me disais, cependant, “faut que tu bouges, faut que tu changes”.
On n’imagine pas à quel point un tel changement, après quinze ans chez le même employeur, est une remise en cause profonde. C’est un travail sur soi important. »
Il lui fallait cependant quitter L’Oréal, il ne parvenait pas à y donner toute sa mesure : ainsi, au départ, énergiquement poussé vers les sommets, il eut par après le sentiment d’une relative stagnation. Il ne regrette aucunement d’être parti, en dépit de l’extrême difficulté qu’il eut à prendre cette décision.
« Un chasseur de têtes m’a aidé à passer de L’Oréal chez Danone, lorsque je suis devenu résolu à quitter L’Oréal. »
Une stratégie claire
Chez Danone, lui fut d’abord confié la R & D d’une partie du secteur des eaux minérales, alors en difficulté.
“ L’innovation est sa marotte, il renoue de la sorte avec son rêve d’enfance ”
Il fit partie de l’équipe qui prépara son redressement en trois-quatre ans, « par un travail d’équipe, avec un triple objectif : premièrement, refocaliser les équipes de R & D en clarifiant les missions ; deuxièmement, valoriser la qualité, mettre en avant les différences, essentielles, entre une eau minérale et l’eau du robinet ; troisièmement, tabler sur des boissons fruitées (exemple de Volvic), qui sont des compromis boisson-santé, entre l’agrément d’une boisson et le bienfait d’une eau minérale.
De la sorte, nous avons pu métamorphoser la division du groupe en difficulté en une division performante.
Comment ? Par une stratégie simple et claire. »
À présent qu’il dirige le Centre Daniel- Carasso, où s’effectue le gros de la recherche du groupe (500 chercheurs), il conçoit son rôle comme celui d’un animateur, venant instiller le grain de folie indispensable à des chercheurs, afin qu’ils innovent.
L’innovation est sa marotte, il renoue de la sorte avec son rêve d’enfance.
Au demeurant, il a conservé ce précieux esprit d’enfance, que Georges Bernanos plaçait très haut. L’y aident les activités associatives, au rôle énorme dans son existence, qui viennent faire contrepoids à sa vie professionnelle.
Plessix s’occupe du groupe scout de Bourg-la- Reine, où il habite avec les siens. C’est un homme impressionnant de droiture, de sang-froid et d’autorité naturelle.
RETOUCHE
article mis à jour le 7 avril 2020
Après 10 ans chez Danone comme directeur de la recherche du Centre Daniel Carasso mitoyen du campus de l’École, il retrouva le secteur de la chimie et des cosmétiques – sa carrière avait commencé chez L’Oréal. Il dirige à présent la Stéarinerie Dubois.
Cette société créée en 1820 a initialement fabriqué de la stéarine et des bougies. Elle a ses bureaux à Boulogne-Billancourt. La production vient de l’usine de Ciron, dans l’Indre, où travaillent une centaine de salariés. Le groupe exporte 60 % de sa production, principalement des esters et des sucroesters pour la cosmétique, l’alimentaire, la santé et l’industrie. Ces produits relèvent d’une chimie verte, respectueuse de l’environnement. Ils visent à remplacer des ingrédients de cosmétiques, pouvant être nocifs et moins aisément biodégradables.
C’est pour lui une grande motivation et une grande fierté de démontrer chaque jour qu’une société familiale indépendante française a sa place dans un secteur industriel très concurrentiel et peut créer des emplois et de l’activité économique, par l’innovation et la qualité.
Il trouve aussi extrêmement motivant de diriger une entreprise et des équipes à taille humaine et où les circuits de décisions sont courts. Ici le résultat des décisions prises est immédiat et direct !