Un homme de notre siècle
Jacques Lesourne aborde dans cet important ouvrage quatre thèmes principaux : une autobiographie de sa vie personnelle, celle de sa vie professionnelle dans ses étapes successives, une analyse de la vie politique (depuis la Grande Guerre) et enfin la présentation de thèses économiques.
La multiplicité des sujets traités, l’abondance extraordinaire des références citées et l’ouverture vers des horizons culturels variés : tout cela justifie facilement les sept cents pages du livre qui se lit avec un intérêt constant.
Certes, la chronologie souffre de ce mélange, et il est parfois difficile de synchroniser la vie privée de l’auteur avec le déroulement de sa carrière ou celui de la vie politique. Mais l’abondance ne nuit pas, et la variété des activités de Jacques Lesourne ne peut s’appréhender simplement.
On comprend alors la remarque de Jacques Lesourne : “ Réflexion et action furent les deux pôles indissociables de ma vie ”, qui rejoint ainsi ce qu’écrivait Maurice Allais dans la préface du premier ouvrage de Jacques Lesourne (Technique économique et gestion industrielle, 1965), [l’auteur a] “ un remarquable souci du concret et de l’application, très rare en général chez les jeunes trop souvent enclins à l’abstraction. ”
Pourtant, on croit déceler par moments une nette préférence pour la recherche, la réflexion, la création et “l’aventure ” (surtout intellectuelle) plutôt que pour la pure gestion. N’y a‑t-il pas aussi une pointe d’amertume dans cette constatation : “ La SEMA ne fait plus l’histoire. Elle devient une société comme les autres ”, faite au moment du départ de la SEMA ?
Tout autre que Jacques Lesourne aurait sans doute fait d’un tel livre un autopanégyrique, sans qu’on le lui reproche… Or, il n’en est rien et la modestie de l’auteur est étonnante, marquant même parfois une insatisfaction profonde ; on est surpris de remarques telles que : “ … la tenace dépression qui me ronge… ” ; “… mon existence à demi réussie… ”. Quel dommage que J. Lesourne voie plus volontiers la bouteille à moitié vide que la bouteille à moitié pleine, et ne partage pas l’enthousiasme que sa carrière est susceptible d’inspirer au lecteur !
Nous regrettons aussi les détails, souvent fâcheux, qu’il donne sur sa vie personnelle et familiale. Certes, ces détails font partie d’une existence, et l’on ne peut qu’admirer le souci de les faire connaître – aussi – au lecteur. Mais estce bien nécessaire ?
Curieux titre, enfin, pour ce livre : Jacques Lesourne, Un homme de notre siècle, daté d’avril 2000… S’agirait-il donc du XXIe siècle ? Nous le souhaitons, et que Jacques Lesourne continue longtemps encore à devancer “ notre ” siècle.