Couverture du journal L'tinérant : Le stress

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Raphaël Zacha­rie de IZARRArépondre
29 août 2012 à 9 h 39 min

Tout ser­vice ne mérite pas salaire
De plus en plus, l’homme devient une source de pro­fit pour l’homme.

Per­son­nel­le­ment je sup­porte de moins en moins d’être consi­dé­ré uni­que­ment sous l’angle éco­no­mique. Ain­si je viens encore de rece­voir un appel télé­pho­nique (mon cor­res­pon­dant adop­tant ce ton com­mer­cial léni­fiant, imper­son­nel si carac­té­ris­tique…) de la part d’une énième grosse socié­té s’in­for­mant sur mon mode de vie et mes habi­tudes de consom­ma­tion… Ce genre d’ap­pels télé­pho­niques brefs et effi­caces à la cour­toi­sie en car­ton-pâte et trai­tés à la chaîne, irres­pec­tueux de mon indi­vi­dua­li­té, est une agres­sion vénale de l’homme par l’homme, une atteinte pro­fonde à la per­sonne humaine conçue exclu­si­ve­ment comme source poten­tielle de profit.

Les puis­sants indus­triels qui entre­prennent de telles enquêtes par voies télé­pho­niques ont même fini, à force de stra­té­gies en mar­ke­ting éprou­vées, par s’im­po­ser dans l’o­pi­nion publique comme une agréable, inof­fen­sive, bien­veillante efflo­res­cence mer­can­tile fai­sant par­tie du « pay­sage des télé­com­mu­ni­ca­tions ». Aujourd’­hui tout le monde trouve cela nor­mal. Pas moi.

Avec les nou­velles lois de pro­tec­tion des sym­boles com­mer­ciaux, le ren­for­ce­ment des droits divers pro­té­geant les inté­rêts stric­te­ment éco­no­miques des citoyens, des pro­fes­sion­nels ou des indus­triels (COPYRIGHT sur INTERNET pour la moindre insi­gni­fiance, uti­li­sa­tion régle­men­tée des logos, port et déten­tion pro­hi­bés de pro­duits imi­tés ou fal­si­fiés qui ne sont pas dan­ge­reux, inter­dic­tion de citer publi­que­ment les marques), avec éga­le­ment les récentes lois sur le droit à l’i­mage impli­quant la pos­si­bi­li­té d’in­ten­ter des pro­cès aux « fau­tifs » et de leur récla­mer des dom­mages et inté­rêts sub­stan­tiels, la socié­té devient obsé­dée par les rap­ports éco­no­miques qui relient – ou plu­tôt divisent, montent les uns contre les autres, voire en cer­tains cas déchirent – ses membres.

La notion de gra­tui­té, de ser­vice dés­in­té­res­sé par amour du pro­chain, par fra­ter­ni­té envers l’hu­ma­ni­té perd de sa valeur dans notre socié­té désta­bi­li­sée par le chô­mage, la vie chère, han­tée par le besoin impé­rieux de sta­bi­li­té pro­fes­sion­nelle (ou pure­ment et sim­ple­ment par les gains maté­riels), au pro­fit d’une concep­tion des rap­ports humains basée sur le pro­fit, le gain, le com­merce. La publi­ci­té enva­hit tout. Douce ou agres­sive, sub­tile ou tri­viale, elle est omni­pré­sente. Tout se vend, s’a­chète, se fait fruc­ti­fier, prend une valeur éco­no­mique. Sauf la gra­tui­té du geste, évidemment.

La moindre image d’ac­tua­li­té, la plus petite idée issue de la rue, la der­nière les­sive, la pro­chaine ren­trée lit­té­raire : tout est appré­hen­dé sous l’as­pect mer­can­tile. Tous acceptent le jeu du béné­fice finan­cier, de la spé­cu­la­tion, de la ren­ta­bi­li­té. Pas moi.

Aujourd’­hui la notion de « pro­vi­dence », l’i­dée de s’a­ban­don­ner « à la grâce de Dieu », ou le choix de prendre le large au gré des vents de la vie passent pour des folies, de l’in­cons­cience, voire de l’héroïsme…

De nos jours tout ce qui a rap­port à l’argent est scru­pu­leu­se­ment cal­cu­lé (par exemple, la moindre heure de tra­vail, chaque impôt, le plus petit dû, les béné­fices pro­fes­sion­nels : tout est soi­gneu­se­ment consi­gné au cen­time près, enre­gis­tré par des machines offi­cielles pour la vie entière du citoyen), et cette approche éco­no­mique de l’exis­tence a ban­ni de nos men­ta­li­tés l’es­prit bohème, ce panache, cette hau­teur de vue qu’a­dop­taient fré­quem­ment nos aïeux mar­qués pen­dant des siècles par l’es­prit pay­san. Eux n’é­taient pas aus­si tor­tu­rés que nous par le confort maté­riel, les signes de réus­site sociale, l’a­vi­di­té pour la consom­ma­tion, beau­coup plus conscients de leur mor­ta­li­té que nous, aveu­glés que nous sommes par les mirages maté­riels qui nous entourent et excitent nos appé­tits temporels.

Comble du comble : même le béné­vo­lat est aujourd’­hui remit en ques­tion dans le prin­cipe de son fonc­tion­ne­ment. Il est en effet ques­tion de le rému­né­rer. Si cette idée aber­rante abou­tit, les béné­voles vont peut-être deve­nir des béné­voles rému­né­rés, voire dûment salariés…

En refu­sant d’a­dop­ter ces valeurs domi­nantes consis­tant à consi­dé­rer presque tous les aspects de la vie par rap­port à des rému­né­ra­tions, gains et béné­fices divers (du pour­boire obli­ga­toire des lieux hup­pés que je refuse sys­té­ma­ti­que­ment jus­qu’au sou­rire com­mer­cial de base que je méprise pro­fon­dé­ment en pas­sant par les ven­deurs de rêves fre­la­tés que je boy­cotte réso­lu­ment, sans oublier ma répul­sion extrême pour la publi­ci­té et tous ses proxé­nètes et pros­ti­tués de la pen­sée, de la culture, de la sen­si­bi­li­té), je fais le choix de la digni­té, de la liber­té, de la hauteur.

Raphaël Zacha­rie de IZARRA

Alexrépondre
2 avril 2013 à 11 h 10 min

L’I­ti­né­rant : Annonces Légales

Bon­jour, A noter que l’I­ti­né­rant est aus­si habi­li­té à publier des annonces légales, un acte citoyen des entre­prises fran­çaises et fran­ci­liennes qui peuvent sou­te­nir par ce moyen l’ac­tion du jour­nal. http://www.litinerant.fr

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