Un modèle industriel qui fait référence

Dossier : L’industrie nucléaire après FukushimaMagazine N°686 Juin/Juillet 2013
Par Hervé MACHENAUD (68)

La France a bâti en qua­rante ans, après les deux chocs pétro­liers de 1973 et 1979, une indus­trie nucléaire qui est peut-être la réfé­rence mon­diale. EDF a contri­bué, en tant qu’industriel, à mettre en œuvre cette poli­tique, qui donne à la France son indé­pen­dance éner­gé­tique, sa com­pé­ti­ti­vi­té, et en fait un des pays les plus propres d’Europe.

REPÈRES
La France a un taux d’indépendance éner­gé­tique voi­sin de 50 %. Les Fran­çais payent l’électricité moins cher que les autres Euro­péens, en moyenne 27% de moins pour les ménages et 33% de moins pour les entre­prises. Un Fran­çais émet en moyenne 1,8 fois moins de CO2 qu’un Alle­mand et 2,9 fois moins qu’un Amé­ri­cain. En France, la pro­duc­tion d’électricité n’est à l’origine que de 10 % des émis­sions natio­nales de gaz à effet de serre, contre 40 % au niveau mondial.

Une double responsabilité

Un Fran­çais émet en moyenne 1,8 fois moins de CO2 qu’un Allemand

EDF est aujourd’hui le pre­mier exploi­tant nucléaire mon­dial et porte à ce titre une double res­pon­sa­bi­li­té : celle de l’exploitant d’un parc fran­co-bri­tan­nique de 73 tranches dans la force de l’âge, et, au-delà, celle de lea­der de la filière nucléaire. Cette double res­pon­sa­bi­li­té, nous la por­tons à l’égard de nos clients, de nos par­te­naires, et plus lar­ge­ment de nos conci­toyens, pour pré­pa­rer le pay­sage élec­trique de demain, dont EDF a la convic­tion qu’il sera com­po­sé de nucléaire, d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables.

Le chef de file d’un réseau industriel

Le modèle nucléaire fran­çais est fon­dé sur une orga­ni­sa­tion réus­sie et recon­nue, garante de maî­trise indus­trielle et donc de sûreté.

Prio­ri­té à la sûreté
Notre res­pon­sa­bi­li­té, c’est d’abord la sûreté.
C’est la prio­ri­té per­ma­nente d’EDF, qui s’appuie pour cela sur une orga­ni­sa­tion indus­trielle solide et effi­cace. Grâce à elle et à leurs 1650 années-réac­teurs d’expérience, les 58, bien­tôt 59, réac­teurs fran­çais sont non seule­ment très sûrs, mais de plus en plus sûrs.
Notre res­pon­sa­bi­li­té, c’est aus­si d’assurer une bonne ges­tion du patri­moine indus­triel dans la durée, par des inves­tis­se­ments d’envergure, et de pré­pa­rer l’avenir.

Dans les années 1970, les pou­voirs publics fran­çais ont confié à EDF le rôle de concep­teur, construc­teur et exploi­tant des cen­trales nucléaires, sur la base d’une tech­no­lo­gie de réac­teurs à eau pres­su­ri­sée : son ingé­nie­rie (envi­ron 5 000 per­sonnes) rédige les spé­ci­fi­ca­tions, qua­li­fie les four­nis­seurs et leurs équi­pe­ments et pilote la construc­tion des cen­trales que 20 000 per­sonnes exploi­te­ront par la suite.

EDF s’appuie sur des groupes fran­çais d’envergure inter­na­tio­nale, comme Are­va, concep­teur et construc­teur de la chau­dière nucléaire, Alstom, concep­teur et construc­teur du « groupe tur­boal­ter­na­teur », Bouygues, Vin­ci et Eif­fage dans le génie civil et de nom­breuses PME.

Cette orga­ni­sa­tion indus­trielle est à l’origine du dyna­misme de la filière nucléaire fran­çaise : archi­tecte ensem­blier, EDF est en mesure, simul­ta­né­ment, de conce­voir une nou­velle géné­ra­tion de réac­teurs, de construire des réac­teurs par­mi les plus per­for­mants du monde et d’améliorer en conti­nu le parc exis­tant, en entraî­nant avec elle son tis­su industriel.

Le retour d’expérience au cœur de l’organisation

EDF inter­agit avec le tis­su des four­nis­seurs pour inté­grer en conti­nu des amé­lio­ra­tions et des inno­va­tions tech­no­lo­giques tirées du retour d’expérience : celui de la construc­tion et de l’exploitation de son parc nucléaire comme celui des autres exploi­tants dans le monde, ou encore celui des acci­dents majeurs comme Tcher­no­byl ou Fukushima.

Des par­te­naires de toute taille
Ce sont plu­sieurs cen­taines de PME qui ont construit et expor­té des équi­pe­ments de cen­trales nucléaires tout en déve­lop­pant des capa­ci­tés dédiées à répondre aux besoins des cen­trales françaises.
Ce réseau indus­triel est consti­tué d’une ving­taine d’entreprises de taille inter­mé­diaire, de près de 200 PME-PMI spé­cia­li­sées dans le nucléaire, et d’environ 400 PME-PMI impli­quées dans la filière.

L’efficacité de cette orga­ni­sa­tion est d’autant plus forte que le déve­lop­pe­ment du parc fran­çais s’est fait par paliers suc­ces­sifs stan­dar­di­sés. Ain­si, les 34 réac­teurs du palier 900 MW, qui sont les plus anciens, connaissent actuel­le­ment l’intégration des modi­fi­ca­tions cor­res­pon­dant à leur troi­sième visite décennale.

Chaque réac­teur nucléaire évo­lue donc constam­ment vers davan­tage de sûre­té et d’efficacité, pour atteindre un niveau de sûre­té équi­valent ou supé­rieur aux modèles les plus récents. Ce modèle indus­triel a fait la démons­tra­tion de sa per­ti­nence et de son effi­ca­ci­té en 2011 : dès les pre­miers jours qui ont sui­vi l’accident de la cen­trale nucléaire de Fuku­shi­ma, EDF a pris l’initiative d’engager des revues de sûre­té de tous ses réac­teurs, des « éva­lua­tions com­plé­men­taires de sûre­té », sous le contrôle de l’Autorité de sûre­té nucléaire, à la demande du gou­ver­ne­ment et en cohé­rence avec le cadre euro­péen. Cette démarche a été unique au monde par son ampleur et par son carac­tère systématique.

Réindustrialisation et emploi dans les territoires

Le niveau de sûre­té a été jugé « suf­fi­sant » par l’ASN

L’exploitation du nucléaire dans la durée est une oppor­tu­ni­té pour la réin­dus­tria­li­sa­tion au niveau natio­nal et l’emploi dans les ter­ri­toires. Dis­po­sant d’une connais­sance et d’une maî­trise pré­cise de son parc, dont le niveau de sûre­té a été jugé « suf­fi­sant » par l’ASN même si elle a deman­dé d’augmenter dans les meilleurs délais sa robus­tesse face à des situa­tions extrêmes, EDF peut envi­sa­ger de pour­suivre son exploi­ta­tion pen­dant plu­sieurs dizaines d’années, alors que les ins­tal­la­tions ont aujourd’hui vingt-six ans d’âge moyen.

Cela pour béné­fi­cier d’un actif indus­triel que la France a mis qua­rante ans à construire et à amé­lio­rer pro­gres­si­ve­ment, qui pro­cure, avec le meilleur niveau de sûre­té, une élec­tri­ci­té com­pé­ti­tive autour de 50 €/MWh, qui contri­bue très lar­ge­ment, avec l’hydraulique, au très faible conte­nu CO2 du kilo­watt­heure fran­çais : en 2011, il était de 50 g/kWh, l’un des plus faibles en Europe et dans le monde. 50 g/kWh : objec­tif mon­dial pour 2050 dans les scé­na­rios de sta­bi­li­sa­tion du cli­mat à + 2 °C de l’Agence inter­na­tio­nale de l’énergie.

Un modèle sui­vi par de grands pays
Le modèle fran­çais « exploi­tant, concep­teur et construc­teur de ses ins­tal­la­tions » fait aujourd’hui réfé­rence. Les pays où l’industrie nucléaire est la plus dyna­mique, à com­men­cer par la Rus­sie et la Chine, ont adop­té ce modèle d’exploitant, archi­tecte ensem­blier de ses installations.
Les États-Unis, quant à eux, pour com­pen­ser la par­cel­li­sa­tion de l’exploitation entre un grand nombre de petites com­pa­gnies élec­triques, ont créé dans les années 1990 l’Institute of Nuclear Power Gene­ra­tion (INPO). Cet ins­ti­tut est res­pon­sable de l’évaluation, de la for­ma­tion et du par­tage du retour d’expérience pour tous les opé­ra­teurs nucléaires américains.
Enfin, le Japon, tirant les ensei­gne­ments de l’accident de Fuku­shi­ma, mais aus­si de plu­sieurs années de réflexion sur la res­pon­sa­bi­li­té des exploi­tants, a tra­vaillé à la créa­tion d’une orga­ni­sa­tion simi­laire à celle de l’INPO pour fédé­rer le retour d’expérience des dix élec­tri­ciens nationaux.

Valoriser durablement le patrimoine

Ce sou­ci de l’intérêt fran­çais s’accompagne néces­sai­re­ment d’une bonne ges­tion du patri­moine indus­triel dans la durée. Aujourd’hui, EDF l’envisage autour de deux axes.

En pre­mier lieu, un « grand caré­nage » des tranches aux envi­rons de leurs trente ans : ces inves­tis­se­ments de réno­va­tion (rem­pla­ce­ment de géné­ra­teurs de vapeur, alter­na­teurs, trans­for­ma­teurs, etc.) sont essen­tiels à cette échéance, et, une fois réa­li­sés, per­met­tront aux ins­tal­la­tions, sur le plan de la fia­bi­li­té des maté­riels, de fonc­tion­ner pen­dant au moins trente nou­velles années.

En second lieu, une démarche d’amélioration addi­tion­nelle de la sûre­té, qui était déjà pré­vue et qui sera anti­ci­pée pour prendre en compte les leçons tirées de l’accident de Fuku­shi­ma. Cette démarche est cadrée par les réexa­mens pério­diques de sûre­té décen­naux, qui sont réglementaires.

Investissements d’ici 2025

Ces deux pro­jets crée­raient les condi­tions tech­niques per­met­tant l’extension de la durée de fonc­tion­ne­ment lar­ge­ment au-delà de qua­rante ans – sans pré­ju­ger des avis déli­vrés par l’ASN tous les dix ans, réac­teur par réac­teur. De plus, ce pro­gramme concourt aus­si aux deux autres objec­tifs indis­so­ciables que sont l’amélioration per­ma­nente du niveau de sûre­té et le bon fonc­tion­ne­ment du parc au quo­ti­dien (sûre­té, disponibilité).

50 000 embauches
Le pro­gramme envi­sa­gé est d’une ampleur indus­trielle com­pa­rable au pro­gramme de construc­tion initiale.
Avec 50 000 embauches (20 000 emplois nou­veaux, et 30 000 recru­te­ments liés au renou­vel­le­ment des com­pé­tences), il consti­tue une oppor­tu­ni­té pour l’emploi au niveau natio­nal et dans les ter­ri­toires. EDF s’attache à don­ner un maxi­mum de visi­bi­li­té à ses par­te­naires afin de leur per­mettre d’imaginer les solu­tions tech­no­lo­giques et orga­ni­sa­tion­nelles et de pré­pa­rer la capa­ci­té indus­trielle néces­saire pour rele­ver ce défi tech­nique, orga­ni­sa­tion­nel, humain et financier.

Ces pro­jets sont aujourd’hui chif­frés à 55 Md€ d’investissements d’ici 2025, dont envi­ron 10 Md€ pour les amé­lio­ra­tions « post-Fuku­shi­ma ». Ces chiffres sont encore en cours d’optimisation, EDF ayant notam­ment enga­gé une réflexion pour repen­ser son calen­drier d’investissement et voir com­ment orga­ni­ser et lis­ser ses volumes de tra­vaux à l’horizon de 2020.

Une amélioration continue

Si l’on sou­haite conser­ver une élec­tri­ci­té fiable et per­for­mante, sans émis­sion de CO2, le nucléaire, aux côtés des éco­no­mies d’énergie et des éner­gies renou­ve­lables, est irrem­pla­çable : les pro­jets qui fleu­rissent dans le monde le confirment.

Le défi que repré­sente le « grand caré­nage » pour le parc exis­tant ne doit donc pas se faire au détri­ment de l’avenir, c’est-à-dire des pro­jets nucléaires neufs et en déve­lop­pe­ment, essen­tiels pour garan­tir la péren­ni­té de notre maî­trise industrielle.

Ces nou­veaux réac­teurs sont le moyen d’une recon­quête industrielle

EDF s’est don­né les moyens de par­ti­ci­per à cette dyna­mique, via notam­ment les pro­jets EPR de Fla­man­ville et de Tai­shan (Chine), et s’interroge aujourd’hui sur le pro­jet de réac­teur à Hin­ck­ley Point (Grande-Bre­tagne).

Nous étu­dions éga­le­ment, dès à pré­sent, la concep­tion de nou­veaux modèles de réac­teurs, tou­jours plus sûrs et plus com­pé­ti­tifs. Prendre en compte de nou­velles régle­men­ta­tions, de nou­veaux réfé­ren­tiels, et bien enten­du, le retour d’expérience, cor­res­pond à un pro­ces­sus indus­triel qui conduit natu­rel­le­ment à des évo­lu­tions suc­ces­sives des modèles.

Notre indus­trie ne fait pas excep­tion. Du reste, depuis qua­rante ans qu’EDF conçoit et construit des cen­trales nucléaires, sept modèles ont été pro­gres­si­ve­ment mis en ser­vice dans cette logique d’amélioration continue.

Ces nou­veaux réac­teurs, ces pro­jets inter­na­tio­naux sont des maillons indis­pen­sables pour assu­rer la conti­nui­té du savoir-faire fran­çais ; ils sont aus­si le moyen d’une recon­quête indus­trielle par l’ensemble de la filière, un pas­sage néces­saire pour maî­tri­ser les défis tech­no­lo­giques de demain et confir­mer la filière nucléaire fran­çaise comme réfé­rence mondiale.

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