Nicolas Zweibaum (2007), un nucléariste à Berkeley
Lorsque nous nous sommes rencontrés, Nicolas Zweibaum rentrait d’un séjour de ski avec sa femme, dans le Colorado (Breckenridge et Vail). Ils se sont épousés il y a un an, après s’être connus dans le groupe de recherche où ils travaillaient l’un et l’autre, à Berkeley. Anne-Perrine Avrin, ingénieure des Arts et Métiers, y avait effectué un premier stage avant de préparer un Ph.D. sur l’optimisation du mix énergétique chinois à l’horizon 2050.
C’est un garçon très ouvert, prolixe et chaleureux, un enthousiaste. À la différence de nombre d’expatriés français de la Bay Area, que leur insertion mue en des créoles américano-français, il est resté français à 100 %. Le caractériser ? J’emprunte sa propre formulation, relative à Jean Dalibard, qui lui enseigna la mécanique quantique à l’École : il est « humble et vif ».
De qui tenir
Ses parents se sont eux aussi rencontrés dans un laboratoire, de l’Inserm. Alain Zweibaum, né en 1933, réfugié à Rochechouart dans le Limousin de 1942 à 1944, devint médecin. Durant la guerre d’Algérie, en 1960–1961, après avoir soigné la population d’un village du Sud-Algérois, il fut affecté à l’hôpital Maillot, à Alger, où, ancien externe des hôpitaux de Paris dans le service de Hamburger, il installa le premier rein artificiel. Arrivée à Paris en 1970, de la Réunion, Monique de Balmann-Rousset y termina ses études, une maîtrise de chimie-biologie à Jussieu.
Alain Zweibaum dirigea l’unité Inserm 178, « Immunologie de la différenciation » (1977−1979), puis « Métabolisme et différenciation des cellules en culture » (1980−1984) à l’hôpital Broussais à Paris. Cette unité migra ensuite à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, sous les intitulés « Différenciation et neuroendocrinologie des cellules digestives » (1985−1991), puis « Différenciation cellulaire intestinale » (1992−1999). Les parents de Nicolas ont toujours travaillé ensemble au sein de l’unité 178 de l’Inserm. Depuis sa retraite, Alain Zweibaum écrit ses souvenirs, plus qu’attachants.
L’appel du lointain
Nicolas Zweibaum fit sa scolarité au lycée Henri-IV, tant secondaire qu’en prépa (MP). Il intégra l’École en 3⁄2.
Pour son service militaire, « une coupure monumentale », il rejoignit à Tahiti un patrouilleur de la Marine nationale, avec un effectif d’une trentaine de personnes, qui effectuait entre autres des missions de ravitaillement et d’aide humanitaire, tant dans les Marquises que dans les Australes.
Autre destination lointaine, il fit son stage ouvrier, deux mois durant, à Kyoto, dans un atelier familial de teinture de papier d’origami ; puis Tokyo.
Après avoir décliné le corps des Ponts, encouragé à le rejoindre aux États-Unis par un oncle qui y vivait déjà, il partit faire son doctorat à Berkeley. Avec une vocation pour le nucléaire, il s’y donna une formation d’ingénieur dans ce domaine, où il continue à travailler. Deux de ses professeurs de Berkeley – dont son ancien directeur de thèse, Per Peterson – quittèrent l’enseignement à la fin de l’année 2016 pour créer une start-up, Kairos Power, où sont conçus des réacteurs prévus pour une installation vers la fin des années 2020. Pourquoi une échéance aussi éloignée ? « Le nucléaire est une industrie avec beaucoup d’inertie. »
Renouveler le nucléaire
Si la Californie est tiède à l’égard du nucléaire, le gouvernement fédéral, le Department of Energy plus précisément, mise sur cette filière et finance généreusement les recherches. Les réacteurs sur lesquels Nicolas travaille usent de combustible sous forme d’inclusion de l’uranium dans des boulets de graphite. Une autre de leurs caractéristiques est le recours à des sels fondus, des fluorures, permettant les échanges thermiques à plus haute température que l’eau. Ils sont conçus pour une sûreté maximale en cas d’accident, tremblement de terre en particulier.
Nicolas Zweibaum a un don d’amitié. Il reste très proche de bien de ses camarades, de l’École comme de la prépa, est très actif au sein de la communauté française de la Bay Area. Sa sensibilité politique de gauche le poussa, lors de son passage sur le Plateau, à ressusciter le binet PolitiX, qui organisait réunions et débats avec des professionnels de la politique.
Bref, avec des personnalités de son calibre, la transition énergétique est dans de bonnes mains.
Pour en savoir plus
Zweibaum (Alain), « Rue Mortemart »,
http://www.rochechouart-nostalgie.fr/rue-mortemart.pdf
Zweibaum (N.) and Avrin (A.-P.), “La transition énergétique en France vue par les Français de la région de San Francisco”, June 2013, https://goo.gl/E7sGuK
Zweibaum (N.) et al., “Phenomenology, Methods and Experimental Program for Fluoride-Salt-Cooled, High-Temperature Reactors (FHRs)”, Progress in Nuclear Energy, November 2014.
Zweibaum (N.), “Experimental Validation of Passive Safety System Models : Application to Design and Optimization of Fluoride-Salt-Cooled, High-Temperature Reactors”, Ph.D. Dissertation, Department of Nuclear Engineering, UC Berkeley (2015), https://goo.gl/QcwbLL
Kairos Power, https://kairospower.com