Capitaliser sur la richesse des informations fournies par les images cérébrales pour lutter contre les maladies neurodégénératives

Un partenariat inédit pour traiter les maladies neurodégénératives

Dossier : Health techMagazine N°773 Mars 2022
Par Shibeshih BELACHEW
Par Nikos PARAGIOS

Bio­gen et The­ra­Pa­na­cea ont annon­cé une col­la­bo­ra­tion le 17 jan­vier der­nier pour par­ve­nir à mieux com­prendre les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. Dans le cadre de ce pro­jet mul­ti­dis­ci­pli­naire, les deux acteurs vont concen­trer leurs efforts sur des patho­lo­gies com­plexes qui touchent le cer­veau et le sys­tème ner­veux : la sclé­rose en plaque, la mala­die d’Alzheimer, la mala­die de Par­kin­son. Shi­be­shih Bela­chew, à la tête du pôle scien­ti­fique de Bio­gen Digi­tal Health et Nikos Para­gios, CEO de The­ra­Pa­na­cea, nous en disent plus.

Quel est le contexte de cette collaboration ?

Shi­be­shih Bela­chew : Bio­gen est une entre­prise de bio­tech­no­lo­gies pion­nière en neu­ros­ciences. Sa mis­sion et son ambi­tion sont de trans­for­mer la vie des patients atteints de mala­dies neu­ro­lo­giques. L’objectif de Bio­gen Digi­tal Health, enti­té dédiée à l’innovation en san­té digi­tale, est de faire en sorte que la méde­cine per­son­na­li­sée et digi­tale devienne une réa­li­té pour ces patients. 

Au cœur de cette enti­té, la science des don­nées et les tech­no­lo­gies du numé­rique sont indis­pen­sables pour faire pro­gres­ser la recherche et les essais cli­niques, déve­lop­per des solu­tions qui amé­lio­re­ront la qua­li­té, l’efficacité des soins, ain­si que l’autonomie des patients. Dans cette démarche, nous avons fait le choix de nous concen­trer sur la sclé­rose en plaques, la mala­die d’Alzheimer et la mala­die de Par­kin­son. Il s’agit de mala­dies dévas­ta­trices, poten­tiel­le­ment fatales, qui touchent notre organe le plus com­plexe, le cerveau. 

Cette col­la­bo­ra­tion s’articule autour de sept pro­grammes. Notre enjeu est de par­ve­nir à mieux com­prendre ces patho­lo­gies et leurs causes pour mieux cibler les trai­te­ments, pré­dire et détec­ter de manière pré­coce les effets indé­si­rables des traitements. 

Et pour rele­ver ce défi, nous misons sur l’analyse avan­cée des don­nées grâce aux méthodes de l’intelligence arti­fi­cielle, l’apprentissage auto­ma­tique et la modélisation. 

Qu’en est-il pour TheraPanacea ? 

Nikos Para­gios : The­ra­Pa­na­cea est une spin-off issue de plus de quinze ans de recherches au sein de Cen­trale Supélec/Université Paris Saclay et Inria, en par­te­na­riat avec l’Institut Gus­tave-Rous­sy, et qui a déve­lop­pé une exper­tise autour de l’oncologie.

Dans le cadre de cette syner­gie, nous sou­hai­tons déve­lop­per des solu­tions qui exploitent l’intelligence arti­fi­cielle et les don­nées des essais cli­niques pour gui­der les méde­cins vers les meilleurs choix thé­ra­peu­tiques et accé­lé­rer mas­si­ve­ment leur déploie­ment clinique.

L’intérêt pour The­ra­Pa­na­cea est double : d’une part, l’émergence en tant qu’acteur incon­tour­nable dans le domaine de mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives autour des choix thé­ra­peu­tiques et d’autre part, la créa­tion d’une pla­te­forme évo­lu­tive et modu­laire pour la décou­verte des bio­mar­queurs et le déve­lop­pe­ment de dis­po­si­tifs médi­caux cer­ti­fiés en neu­ro­lo­gie, en onco­lo­gie et au-delà.

Pouvez-vous nous préciser sur quels axes le projet va s’articuler ?

S.B : Sur les sept pro­jets pré­vus, cinq vont concer­ner la sclé­rose en plaques. L’un d’entre eux s’inscrit dans la conti­nui­té des tra­vaux débu­tés dans la phase pilote de notre col­la­bo­ra­tion avec The­ra­Pa­na­cea. Depuis deux ans, nos tra­vaux se concentrent sur l’utilisation des méthodes de l’intelligence arti­fi­cielle pour mettre au point une réa­li­té aug­men­tée capable de quan­ti­fier, d’identifier et de carac­té­ri­ser les lésions de sclé­rose en plaques. L’approche que nous déve­lop­pons avec The­ra­Pa­na­cea devrait nous per­mettre de mieux iden­ti­fier les infor­ma­tions rela­tives à la réa­li­té de l’état patho­lo­gique d’intégrité des tis­sus, au sein du sys­tème ner­veux cen­tral. C’est un élé­ment essen­tiel pour mieux appré­hen­der l’évolution de la mala­die, éva­luer le risque de for­ma­tion de lésions, et poten­tiel­le­ment le risque d’évolution néga­tive de l’état de san­té du patient de façon plus précise. 

Dans cet objec­tif, notre pro­jet vise à capi­ta­li­ser sur la richesse des infor­ma­tions four­nies par les images céré­brales acquises en 3D via les tech­niques de réso­nance magné­tique. En les trai­tant grâce aux méthodes de l’intelligence arti­fi­cielle, il sera pos­sible de mieux com­prendre et de déter­mi­ner l’évolution de l’état des plaques de sclé­rose et de défi­nir, avec un éclai­rage plus pré­cis, les sous-types de mala­dies basées sur des évi­dences scientifiques.

Au-delà de la néces­si­té de trou­ver des trai­te­ments effi­caces, un autre défi consiste à arrê­ter la pro­gres­sion de la mala­die. A cette fin, il faut pou­voir com­prendre les méca­nismes de cette pro­gres­sion. Nous pen­sons qu’une meilleure com­pré­hen­sion des dif­fé­rentes formes de la mala­die nous per­met­tra d’approfondir nos connais­sances à ce niveau. 

Pour la mala­die d’Alzheimer, nous tra­vaillons sur l’amélioration du soin avec un focus sur la pré­dic­tion des effets indé­si­rables asso­ciés à cer­tains trai­te­ments. Pour la mala­die de Par­kin­son, nous nous inté­res­sons à l’imagerie du cer­veau du patient pour mieux carac­té­ri­ser l’hétérogénéité et la diver­si­té des formes de mala­dies, en allant au-delà de ce que l’œil humain peut appré­cier et quantifier. 

Au cœur de ces programmes et de votre collaboration, on retrouve donc la donnée et l’intelligence artificielle… 

N.P : Pour mener ces pro­jets, l’enjeu clé est la don­née. Le pro­jet va per­mettre de faire le lien entre le volume impor­tant de don­nées dis­po­nibles et les tech­no­lo­gies qui per­mettent de les exploi­ter et valo­ri­ser efficacement. 

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, l’intelligence arti­fi­cielle va nous per­mettre d’identifier des caractéristiques/corrélations à par­tir des don­nées cli­niques – invi­sibles à l’œil humain – qui génèrent/décrivent une rela­tion de cau­sa­li­té entre les don­nées du patient et la réponse en trai­te­ment. Cette col­la­bo­ra­tion va réel­le­ment tirer le meilleur du monde des mathé­ma­tiques appli­quées, que nous maî­tri­sons, et du monde des neu­ros­ciences cli­niques et de la bio­lo­gie du sys­tème ner­veux qui sont au cœur de l’expertise de Bio­gen. L’aboutissement de ce pro­jet ambi­tieux néces­site des com­pé­tences et des talents notam­ment en intel­li­gence arti­fi­cielle, en data science, en sta­tis­tiques, en bio­lo­gie, en neu­ros­ciences, en mathé­ma­tiques ou en infor­ma­tique… Nous cher­chons ain­si à ren­for­cer nos équipes dédiées à l’apprentissage sta­tis­tique, au déve­lop­pe­ment logi­ciel et à l’intelligence artificielle. 

S.B : Chez Bio­gen Digi­tal Health, nous recru­tons prin­ci­pa­le­ment des méde­cins ou des neu­ros­cien­ti­fiques qui ont une cer­taine com­pé­tence dans la com­pré­hen­sion de la bio­lo­gie et des patho­lo­gies que nous adres­sons, ain­si qu’une connais­sance des méthodes ana­ly­tiques basées sur l’apprentissage sta­tis­tique et des métho­do­lo­gies de l’intelligence artificielle.

Quelles sont vos principaux enjeux ?

N.P : Cette col­la­bo­ra­tion cherche à appor­ter des réponses à des pro­blèmes scien­ti­fiques com­plexes qui à l’heure actuelle n’ont pas de solu­tion et néces­sitent une approche de syner­gie entre les approches bio­lo­giques et celles de l’intelligence arti­fi­cielle. Il se concentre aus­si, comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, sur des mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives pour les­quelles nous ne dis­po­sons pas de trai­te­ment et qui touchent un très grand nombre de patients. Et en termes d’impact socié­tal, leur déploie­ment à grande échelle et leur mise à dis­po­si­tion dans l’ensemble du monde hos­pi­ta­lier au-delà des hôpi­taux de pre­mier plan est un défi sans précédent. 

S.B : Les trai­te­ments actuels pour la sclé­rose en plaques adressent exclu­si­ve­ment les aspects évi­dents de la mala­die, notam­ment les pous­sées aigües qui entraînent une alté­ra­tion bru­tale de l’état du malade. Aujourd’hui, nous nous ren­dons compte qu’il y a un réel manque au niveau du trai­te­ment des aspects beau­coup plus insi­dieux et lents de la mala­die. Et c’est, d’ailleurs, le cas pour la plu­part des mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives dont la pro­gres­sion lente s’étend sur des décen­nies. Pour stop­per l’évolution pro­gres­sive de ces affec­tions, il ne s’agit plus d’en trai­ter les mani­fes­ta­tions les plus osten­ta­toires, mais d’aller au-delà du per­cep­tible. Et c’est ce chan­ge­ment de para­digme dans la recherche en neu­ros­ciences que notre col­la­bo­ra­tion ambi­tionne d’accélérer.

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