UN PORTRAIT PEUT EN CACHER UN AUTRE
François Mayer nous avait déjà régalés avec La Digue de sable, chronique d’une adolescence en des temps troublés, puis Blues en si bémol, roman à la fois tendre et sans concessions d’un ingénieur et jazzman, deux livres que l’on peut considérer à bon droit comme au moins partiellement autobiographiques, même si l’auteur s’en défend. Voici aujourd’hui Un portrait peut en cacher un autre.
Le point de départ est assez classique : à la mort d’un oncle, les neveux mettent de l’ordre dans ses affaires, trient ses papiers et découvrent un personnage très différent de celui qu’ils ont connu.
L’originalité du livre de François Mayer tient dans l’emboîtage – ou plutôt le déboîtage – des découvertes successives : le personnage qu’ils ont côtoyé pendant des années non pas se précise de chapitre en chapitre, mais change, comme si des masques successifs étaient enlevés, jusqu’à l’avant-dernière page. L’oncle Eddy était un personnage différent pour les diverses personnes qu’il fréquentait. On songe à la pièce de Pirandello À chacun sa vérité. Au passage, on assiste à la peinture crue d’une famille de grands bourgeois avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, entourés d’artistes et d’intellectuels. Comme toujours, Mayer est d’une précision chirurgicale, avec un style agréable et parfait – ce qui est hélas de plus en plus rare, y compris chez les lauréats des grands prix littéraires – et un brio virtuose non dépourvu d’humour.
On lit Un portrait peut en cacher un autre comme un roman policier, surpris de page en page jusqu’à la fin. Et on y prend un plaisir sans mélange. Au total, on découvre qu’un François Mayer peut en cacher un autre.
À quand le prochain ?