Un pure player français de l’IA de confiance

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°795 Mai 2024
Par Alexandre MARTINELLI
Par Phi HUNG LE (X09)

Inno­va­tion, R&D appli­quée, IA de confiance, exper­tises et com­pé­tences poin­tues… sont au cœur du posi­tion­ne­ment de La Java­ness créée en 2015. Alexandre Mar­ti­nel­li, CEO et cofon­da­teur de La Java­ness, et Phi Hung Le (X09), Chief AI offi­cer, nous pré­sentent ce pure player de l’IA et de la data. Rencontre.

Vous êtes un pure player de l’IA et de la data sur le marché français. Qu’est-ce que ce positionnement implique ?

En effet ! Sur ce mar­ché, notre ambi­tion est d’être pion­nier et à l’avant-garde des der­nières inno­va­tions. Au cœur de notre métier et de notre pro­po­si­tion de valeur, on retrouve toute la chaîne de valeur des sys­tèmes intel­li­gents com­plexes des­ti­nés à « aug­men­ter » ou « auto­ma­ti­ser » des pro­ces­sus clés de grandes entre­prises, de la réflexion stra­té­gique au déploie­ment et au pas­sage à l’échelle. Pour main­te­nir et ren­for­cer ce posi­tion­ne­ment d’experts, nous accor­dons une place pré­pon­dé­rante à la R&D appli­quée et allouons à cette acti­vi­té des inves­tis­se­ments signi­fi­ca­tifs depuis notre créa­tion. Au-delà, nous comp­tons par­mi nos équipes des ingé­nieurs de très haut niveau et col­la­bo­rons régu­liè­re­ment avec un éco­sys­tème de par­te­naires qui par­tagent notre vision et nos stan­dards. À la Java­ness, nous avons une réelle appé­tence pour les pro­jets com­plexes à la croi­sée de l’innovation, la recherche et des enjeux stra­té­giques des entre­prises avec pour objec­tif de les faire pas­ser à l’échelle et d’en faire pro­fi­ter les entre­prises. En veille per­ma­nente, nous nous posi­tion­nons sur les der­niers tra­vaux de recherche et avons la capa­ci­té, dans des délais très courts (en moyenne quelques mois), de pas­ser de ces articles scien­ti­fiques à la mise en pro­duc­tion d’une nou­velle tech­no­lo­gie. Notre savoir-faire et notre force résident véri­ta­ble­ment dans cette capa­ci­té à ame­ner rapi­de­ment la recherche au cœur de l’entreprise, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans des envi­ron­ne­ments com­plexes, indus­triels et for­te­ment réglementés.
Depuis notre créa­tion, il y a déjà neuf ans, nous avons conso­li­dé un his­to­rique signi­fi­ca­tif de plus de 200 pro­jets sans perdre de vue notre ambi­tion pre­mière : accom­pa­gner et accé­lé­rer la trans­for­ma­tion des grandes entre­prises avec la data et l’IA.

Comment cela se traduit-il en termes d’expertises et de métiers ?

Au sein de La Java­ness, nous sommes plus de 70 per­sonnes, dont 80 % d’ingénieurs. On retrouve aus­si tous les autres métiers autour de la tech (des desi­gners, des déve­lop­peurs…) afin d’accompagner nos clients sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Notre capi­tal humain est notre prin­ci­pale force. Aujourd’hui, sur un mar­ché du tra­vail hau­te­ment concur­ren­tiel, La Java­ness arrive à atti­rer les meilleurs de l’ingénierie fran­çaise, des pro­fils qui, pour la plu­part, ont eu une pré­cé­dente expé­rience dans le top des entre­prises tech­no­lo­giques fran­çaises, et inter­na­tio­nales, et, qui quand ils nous quittent rejoignent un GAFAM ou un équivalent !

“ Depuis neuf ans, nous avons fait passer plus de 150 projets IA à l’échelle pour plus de 50 clients, dans les secteurs bancaires, industriels et publics. ”

Alors que les entreprises doivent accélérer leur transformation, autour de quels enjeux et problématiques êtes-vous sollicités ?

Depuis 2015, nous avons assis­té à une accé­lé­ra­tion du déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies d’IA avec, notam­ment la démo­cra­ti­sa­tion du deep lear­ning entre 2017 et 2018 et la vague d’IA géné­ra­tive depuis l’émergence de ChatGPT en 2022. Si de nom­breux pro­jets ont été lan­cés, le niveau de matu­ri­té des dif­fé­rentes par­ties pre­nantes reste limi­té. Ces évo­lu­tions marquent cepen­dant un point de bas­cule impor­tant et démontrent que nous vivons un mou­ve­ment irré­ver­sible qui néces­site que les entre­prises déve­loppent leur matu­ri­té, leur maî­trise des tech­no­lo­gies et leurs com­pé­tences en matière d’IA et d’IA géné­ra­tive en particulier.

Pouvez-vous nous donner des exemples de missions ou de projets que vous avez menés dans ce cadre ?

Nous comp­tons par­mi nos clients les grandes banques, l’industrie et le sec­teur de l’énergie en par­ti­cu­lier, les grandes admi­nis­tra­tions ou encore des labo­ra­toires de recherche de pre­mier rang. Depuis 4 ans, nous sommes mobi­li­sés sur le pro­gramme d’innovation Ori­ga­mi avec RTE. Ce pro­gramme vise à outiller les char­gés d’études qui tra­vaillent sur la pla­ni­fi­ca­tion de l’évolution du réseau élec­trique à moyen terme en pre­nant en compte les dimen­sions socié­tales, cli­ma­tiques… Dans le cadre de ce par­te­na­riat d’innovation, nous déve­lop­pons une nou­velle géné­ra­tion d’outils ados­sés à l’IA pour « aug­men­ter » les char­gés d’études dans leur tra­vail au quo­ti­dien. Nous expé­ri­men­tons éga­le­ment les der­niers modèles LLM open source pour géné­rer auto­ma­ti­que­ment les études de rac­cor­de­ment au réseau.

Ori­ga­mi est le pre­mier grand pro­jet de RTE sur l’IA et repré­sente un inves­tis­se­ment de 8 mil­lions d’euros. En décembre der­nier, nous avons aus­si été lau­réats du Chal­lenge IA pour la tran­si­tion éner­gé­tique orga­ni­sé par la région Île-de-France et RTE. Cette com­pé­ti­tion d’envergure inter­na­tio­nale s’est inté­res­sée à la capa­ci­té des der­nières avan­cées de l’IA dans l’optimisation de la ges­tion des flux, notam­ment au niveau du réseau élec­trique, dans un contexte où la part dans le mix éner­gé­tique des éner­gies renou­ve­lables, sont par défi­ni­tion inter­mit­tentes et donc non pilo­tables. En tant que lau­réat, nous allons col­la­bo­rer avec RTE ces pro­chaines années afin de déployer un agent IA d’aide à la déci­sion pour les dispatcheurs.

Récem­ment, nous avons aus­si été rete­nus par la Biblio­thèque Natio­nale de France pour déve­lop­per une appli­ca­tion IA indus­trielle afin de valo­ri­ser les don­nées patri­mo­niales de Gal­li­ca, un véri­table patri­moine numé­rique fran­çais, en faci­li­tant leur accès et leur explo­ra­tion par le monde de la recherche et par le grand public.​Nous envi­sa­geons notam­ment de mobi­li­ser des LLM mul­ti­mo­daux pour géné­rer les don­nées utiles pour l’accessibilité des ressources.

Nous tra­vaillons aus­si beau­coup avec le CEA sur l’apprentissage auto­ma­tique. Dans ce cadre, nous accom­pa­gnons plu­sieurs équipes pro­jets du CEA afin de faire pas­ser à l’échelle et indus­tria­li­ser leurs tra­vaux de recherche en lien avec l’IA. Nous avons mené éga­le­ment depuis de nom­breuses années pour les minis­tères et les opé­ra­teurs publics de nom­breux pro­jets IA dont le pro­gramme emblé­ma­tique « Intel­li­gence Emploi » qui avait pour objec­tif de déployer au sein de Pôle emploi, deve­nu France Tra­vail opé­ra­teur, l’IA à l’échelle indus­trielle au ser­vice de l’optimisation de leurs pro­ces­sus et de leurs capa­ci­tés dans la durée. Enfin, en début d’année, nous avons été sélec­tion­nés, par­mi d’autres acteurs, par BNP Pari­bas pour les accom­pa­gner dans leurs expé­ri­men­ta­tions de l’IA géné­ra­tive. Aujourd’hui, plus de la moi­tié de nos acti­vi­tés sont en lien avec l’IA géné­ra­tive. Nous aidons aus­si les entre­prises à éva­luer effi­ca­ce­ment et vali­der la per­for­mance des appli­ca­tions IA géné­ra­tive dans leurs contextes métier avant leur déploie­ment, ce qui reste un sujet de recherche.

Vous accordez aussi une grande importance à la notion du numérique responsable. Qu’en est-il ?

Depuis notre créa­tion, nous sommes sen­sibles et conscients de l’impact de l’IA et de sa capa­ci­té à chan­ger le monde. Au-delà, les tran­si­tions et l’ESG, de manière géné­rale, sont des thé­ma­tiques qui nous concernent plus par­ti­cu­liè­re­ment. Les axes de déve­lop­pe­ment de l’IA res­pon­sable tournent essen­tiel­le­ment autour de 3 axes :
• choi­sir les sujets qui servent le bien com­mun, qui ont un impact posi­tif sur la pla­nète et la société ;
• consom­mer les res­sources de manière fru­gale : nous avons notam­ment inves­ti dans la R&D pour favo­ri­ser la sobrié­té de la consom­ma­tion des res­sources de com­pute et des don­nées pour l’entraînement et l’opération des solu­tions IA ;
• trans­mettre nos connais­sances et contri­buer à l’open source et les com­muns numé­riques. Par exemple, nous avons publié notre modèle de sen­tence embed­ding pour la langue fran­çaise en 2021, il est aujourd’hui clas­sé 1er par­mi les modèles open source de son genre dans le MTEB lea­der­board, avec plus de 2 mil­lions de télé­char­ge­ments sur Hug­ging Face. Ce modèle a per­mis à des mil­liers d’ingénieurs fran­çais de déve­lop­per des appli­ca­tions IA géné­ra­tive en uti­li­sant une brique d’embedding trans­pa­rente et native en fran­çais, ce qui était à l’époque et est tou­jours aujourd’hui rare. Nous avons publié éga­le­ment en open source l’outil d’annotation des don­nées mul­ti­mo­dales Annot­to. Nous publions aus­si régu­liè­re­ment nos tra­vaux sur notre blog R&D.
Ces enga­ge­ments en faveur d’un numé­rique res­pon­sable s’inscrivent, d’ailleurs, dans une démarche cer­ti­fiante, qui inclut notam­ment l’audit de nos tra­vaux et de leurs avancements.

Sur ce marché en très forte croissance, comment vous projetez-vous ?

Deux enjeux nous pré­oc­cupent en particulier :
1. Les risques mul­tiples en lien avec l’usage d’IA géné­ra­tive. Les sala­riés d’entreprises uti­lisent ChatGPT en lui don­nant accès aux don­nées sen­sibles voire confi­den­tielles. Il est impé­ra­tif de for­mer l’ensemble des employés à uti­li­ser l’IA de manière sure et responsable.
2. L’enjeu d’autonomie stra­té­gique de nos entre­prises pri­vées et publiques.
Face à la puis­sance en capi­tal et en tech­no­lo­gie des acteurs amé­ri­cains, comme Ope­nAI, Micro­soft…, la France et l’Europe sont plus que jamais confron­tées aux enjeux de sou­ve­rai­ne­té technologique.

La vague d’IA géné­ra­tive montre une sous-repré­sen­ta­tion très inquié­tante des langues euro­péennes, y com­pris du fran­çais, dans les res­sources IA, les don­nées, les LLMs ou les modèles IA dans la chaîne de valeur. Si on envi­sage un futur où les citoyens et les col­la­bo­ra­teurs des entre­prises inter­agissent en per­ma­nence avec l’IA, se pose alors plu­sieurs ques­tions et plus par­ti­cu­liè­re­ment si cette IA par­tage nos valeurs, com­prend nos cultures et les spé­ci­fi­ci­tés de nos langues. Ain­si, alors que les outillages IA com­pa­tibles avec l’écosystème SaaS amé­ri­cain se sont for­te­ment démo­cra­ti­sés de l’autre côté de l’Atlantique, les outillages pour l’écosystème IT fran­çais sont inexis­tants. La Java­ness, PME fran­çaise auto-finan­cée, sou­haite contri­buer, à sa mesure,
à ces deux enjeux.

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