Un stage de sapeur-pompier, face aux réalités
Les objectifs du stage de formation humaine étaient de découvrir un milieu jusqu’alors inconnu, de prendre des responsabilités, de renforcer des capacités de contact humain.
“ La qualité essentielle des pompiers est le contact humain ”
J’y ajoutais mes objectifs personnels : vivre une expérience de service, auprès des plus démunis, sur le plan matériel, social ou familial ; acquérir des connaissances, notamment en secourisme ; entretenir une condition sportive.
La prise de responsabilités
Il est tout à fait exceptionnel que la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ait proposé un stage qui réunisse toutes mes attentes. Ce stage a été une avancée réelle et importante dans ma vie d’adulte.
© RICHARD – FOTOLIA
La prise de responsabilité en est un facteur essentiel : sur intervention, la vie des victimes m’était confiée, ou au moins leur santé. J’étais également responsable de la sécurité des deux autres sapeurs-pompiers qui m’accompagnaient, ainsi que de l’intégrité du matériel, parfois très coûteux.
Passé l’excitation initiale d’avoir un casque de sapeur-pompier, de descendre au poste de veille opérationnel par la perche de feu, d’enfiler le pantalon sur les bottes d’incendie pour pouvoir s’habiller en moins d’une minute la nuit et d’actionner soi-même la sirène à deux tons de l’engin, être sapeur-pompier s’est révélé être bien davantage que les clichés que je pouvais inconsciemment en avoir.
La qualité essentielle est le contact humain, que ce soit avec les victimes, les témoins, les subordonnés ou les supérieurs.
J’ai également appris énormément sur moi-même, dans ma capacité à rester calme pour gérer l’urgence et à donner des consignes claires à mes équipiers.
La formation au secours
La formation au « secours à victime » s’est étalée sur sept semaines au cours desquelles il a fallu acquérir beaucoup de notions théoriques et de réflexes pratiques. L’objectif était de savoir reconnaître certaines pathologies pour lesquelles nous pouvions être appelés à intervenir afin d’avoir une conduite adaptée, ainsi que de connaître la gravité de certains traumatismes, parfois sous-estimée.
Toutes ces connaissances devaient ensuite être mises en pratique dans des situations de simulation, copiées sur de véritables interventions auxquelles les sapeurs-pompiers avaient été confrontés.
Alors qu’acquérir des connaissances théoriques ne m’avait pas posé trop de problème, grâce au côté très scolaire de la formation, gérer une intervention lors des cas concrets m’a mis en difficulté. Il fallait bien sûr penser à poser toutes les questions nécessaires, mais aussi donner des directives aux deux autres membres de l’équipe, et assurer la sécurité de chacun, y compris des témoins, parfois peu coopératifs.
Avec le temps, j’ai gagné de l’assurance, ainsi que la capacité d’estimer rapidement la situation en gardant mon sang-froid ; c’est le rôle du « chef d’agrès » que d’être calme pour rassurer son équipe, « absorbeur de stress, diffuseur de sérénité ».
Une présence rassurante
Lors de mes premières gardes, je ressentais un très fort contraste entre ce que nous avions appris et ce que nous étions amenés à faire sur le terrain.
“ Une intervention prompte et efficace ”
D’une manière générale, les interventions où il y a un danger immédiat sont rares. Ajoutée à cela, la très forte sollicitation opérationnelle engendre de la fatigue physique et mentale qui peut malheureusement être au détriment de la qualité de nos gestes et de notre empathie pour la victime.
Pour autant, l’intervention prompte et efficace des sapeurs-pompiers de Paris dans ces situations d’urgence modérée est la raison majeure de la popularité de la Brigade auprès de la population parisienne.
Dans ces interventions du quotidien où le sapeur-pompier est serviable auprès de ceux qui se trouvent dans le besoin, j’ai trouvé une autre satisfaction que celle de sauver des vies, la satisfaction d’être une présence rassurante.
Des détresses sociales
Les détresses auxquelles nous sommes confrontés ne sont pas que médicales. Nous sommes souvent placés en face de détresses psychologiques. Les qualités de communication sont alors rudement mises à l’épreuve.
GARDER SON SANG-FROID
Certaines interventions se détachent de l’ordinaire. La vie de la victime est réellement en danger.
J’ai appris dans de telles situations à garder mon sang-froid pour avoir la vue d’ensemble nécessaire au commandement. En effet, le risque est de se focaliser uniquement sur la victime. On peut alors oublier des facteurs de risques pour le personnel ou les témoins.
De même, en ne donnant pas assez d’ordres à ses équipiers, on n’exploite pas suffisamment les ressources humaines que l’on a à disposition. Si l’on demande des moyens en renfort, il faut anticiper sur leur engagement et la mission qui leur sera confiée. Le travail du « chef d’agrès » dans une situation de détresse vitale est donc paradoxalement moins médical que dans une situation d’urgence modérée.
Nous avons aussi beaucoup de détresses sociales. Nous sommes appelés régulièrement pour des sans domicile fixe, bien entendu, qui utilisent l’accueil des urgences des hôpitaux comme abri pour la nuit.
En revanche, je m’attendais moins à entrer dans des logements presque insalubres, où l’on n’ose rien poser ni toucher, compte tenu des exigences sanitaires dans les véhicules. Cela a été pour moi une prise de conscience de l’environnement social dans lequel nous évoluons quotidiennement.
Nous sommes même appelés pour des situations où la véritable détresse est un différend familial : des femmes battues, des difficultés à gérer un enfant, des personnes âgées que les enfants n’arrivent plus à gérer, etc.
En prise avec la réalité
Alors que le stage représentait un véritable défi personnel par ses exigences physiques et mentales, j’ai pu dépasser mes limites et gagner en charisme, adaptabilité et esprit d’initiative. Tout était réuni pour me faire développer des qualités d’intelligence relationnelle dans un milieu tout à fait nouveau.
Être en prise avec la réalité est le point le plus marquant de ce stage. Afin de conserver ce lien avec le concret, essentiel pour prendre des décisions de stratégie comme j’espère être amené à le faire dans ma carrière professionnelle future, je me suis porté volontaire pour continuer de prendre des astreintes à la Brigade.
Ainsi, j’ai continué de vivre les valeurs des sapeurs-pompiers que sont le service, le dévouement, la disponibilité, le courage, l’humilité et l’excellence, pendant encore quelques mois.
C’est le rôle du « chef d’agrès » que d’être calme pour rassurer son équipe.