Un tour du monde et quelques milles de plus
La Marine à tout prix
Je suis entrée à l’X avec une forte motivation pour m’engager dans la Marine. J’avais soif de découvertes et un profond désir de voyages. Je tenais à ce que ces courts mois de formation humaine constituent une réelle rupture, géographique et sociale, avec mon univers d’origine.
S’est ensuite imposée ma fascination pour la mer, les voyages : la Marine me permettrait d’allier ces deux fascinations.
“ Une réelle rupture, géographique et sociale ”
Après quelques semaines de formation à l’École navale à l’issue de notre formation militaire initiale, j’ai embarqué sur le Mistral. Porte-hélicoptères, bâtiment amphibie, bâtiment de commandement et bâtiment hôpital, c’est le premier des trois bâtiments de projection et de commandement (BPC) de la Marine française.
Son spectre de missions est très large : opérations aéromobiles, opérations amphibies, conduite d’opérations ou soutien santé, mais aussi missions de gestion des crises et transport opérationnel ou de fret.
Deux tableaux, Deux vécus
UNE PERMANENCE FRANÇAISE
Le Mistral était prévu pour assurer le 119e mandat de la mission Corymbe – mission de permanence française dans le golfe de Guinée. Nommée officier chargé de l’action civilo-militaire (ACM) du bâtiment, j’étais responsable de l’organisation des actions menées pendant les escales au profit de l’environnement civil et des actions humanitaires.
Ces actions s’inscrivent dans le cadre de la politique d’influence de la France, qui se traduit par la présence quasi permanente d’un bâtiment de la flotte dans cette région-clé du monde. Elle est généralement conduite en parallèle d’un soutien sanitaire aux populations.
Dans le cas du BPC dont l’équipage compte systématiquement une équipe médicale, cette assistance médicale est bien entendu toujours proposée.
Au large de Dakar, notre première escale, nous avons toutefois mis cap au nord. De nouvelles contraintes opérationnelles avaient changé la donne et commandaient au Mistral de faire demi-tour.
Laissés par le commandement dans une ignorance savamment orchestrée de la nature de notre nouvelle mission, nous étions quelques semaines plus tard au cœur de l’actualité, de l’autre côté du continent africain pour la « Mission noire ». Jusqu’au matin de l’opération, nous n’avons pas soupçonné la gravité de notre implication.
Le Mistral était bien impliqué dans cette opération de contre-terrorisme en Somalie, premier tableau de mon stage. La mission achevée, notre périple était en effet loin d’être terminé.
Une fois franchi le cap de Bonne-Espérance et rejoint le familier Atlantique, le Mistral a ainsi relevé un nouveau défi de permanence française.
Ce passage sur le Mistral aura été particulièrement riche de découvertes et d’apprentissages. Ces deux missions vécues dans leur intégralité m’en ont présenté les deux faces : outil militaire déployé dans des conflits de haute intensité, mais aussi instrument d’influence au service de la diplomatie nationale.
“ Un outil militaire et un instrument d’influence ”
J’ai ainsi eu la chance d’approcher ce monde inconnu sous deux angles radicalement différents mais complémentaires, puisqu’ils reflètent l’essentiel de l’activité de la Marine aujourd’hui : de la conduite d’opérations à la poursuite d’activités de rayonnement.
Des leçons de vie
Membre d’un équipage déployé dans le cadre d’une opération exigeant la fermeture totale des tuyaux de communication pendant soixante-deux jours, j’ai vécu les contraintes de l’embarquement à leur plus haute intensité : les leçons de vie qui en découlent se sont imposées d’elles-mêmes.
Confrontée à l’incertitude, je pense avoir beaucoup progressé en maîtrise de moi-même. Radicalement coupée de mon univers habituel, propulsée au sein d’un environnement duquel je ne pouvais attendre aucun conseil, j’ai dû apprendre à trouver seule une ligne de conduite que j’avais coutume de peser, questionner, discuter avec mes proches. J’en sors aussi grandie.
“ Des leçons de vie d’une valeur rare ”
L’armée est là pour nous défendre contre des menaces réelles, contre de « vrais méchants ». Cela peut faire sourire – j’ai enfin appris la gravité.
L’expérience des ACM dans le deuxième volet s’est, quant à elle, révélée source d’un savoir-faire précieux dans les domaines de la conduite de projets et de la direction d’équipes.
J’ai été amenée à formuler des recommandations concrètes qui puissent être mises en œuvre de façon simple et efficace. J’ai pris conscience de la valeur du travail manuel et des connaissances techniques, trop souvent diminuées par le système éducatif français.
Des orphelins du Congo aux pêcheurs des îles de Loos, j’ai approché un certain sens des réalités.
Une expérience inestimable
Le 15 avril 2013 à 15 heures, le Mistral accoste au quai d’honneur de l’arsenal de Toulon, de retour de cent trente-deux jours d’absence.
Le chef d’état-major de la Marine est à bord pour accueillir les familles. Il a remis le matin même à l’équipage une citation pour son action de janvier. Le 14 Juillet, les marins du Mistral défileront sur les Champs-Élysées. Le rideau peut tomber sur ces quatre mois et demi.
L’argument fut complexe, les personnages nombreux. Je garde le souvenir d’une expérience unique, pleine de découvertes et d’apprentissages.
Le Bâtiment de projection et de commandement Mistral, au large de Cape Town.
L’ACM restera le point d’orgue de mon stage de formation humaine : source de compétences essentielles mais aussi d’un précieux savoir-être.
Mon regard sur l’Afrique et le monde en a été bouleversé en profondeur. Je sors aussi grandie du premier tableau. Les leçons de vie qui en découlent sont d’une valeur rare.
Le parcours polytechnicien est un chemin aux nombreux détours. Quoiqu’il soit pour moi très loin d’être terminé, je suis d’ores et déjà profondément reconnaissante à l’École du précieux cadeau de vie qu’a représenté pour moi cette première année.
Nettoyage d’un dépotoir sauvage dans la cour du lycée Adidogomé 2 à Lomé.