Un transfert massif vers le rail s’impose !
La crise du coronavirus aura constitué un révélateur pour le monde du transport de fret : il est désormais primordial d’opérer un transfert massif vers le rail, seul mode de transport capable d’offrir un rendement économique et écologique croissant et rapide dans les prochaines années. Éclairage de Frédéric Delorme (82), président de Fret SNCF et PDG de TFMM.
Comment le secteur du fret ferroviaire a‑t-il évolué au cours de ces dernières années ?
En 30 ans, la part de marché de fret ferroviaire en France a été divisée par deux tandis que celle du transport routier a été multipliée par 2,5. Au cours de ces dernières années, le rail n’a cessé de s’éroder au profit du transport routier de marchandises. Aujourd’hui, avec une part moyenne annuelle de 9 %, le fret ferroviaire français stagne en milieu de tableau dans le classement européen du secteur, derrière l’Italie à 14 %, l’Allemagne à 20 % et loin derrière le duo de tête constitué par l’Autriche et la Suisse avec respectivement 32 % et 35 %. Cela s’explique par plusieurs raisons, dont la désindustrialisation du pays ou encore le coût de la route qui ne cesse de baisser du fait de l’ouverture des frontières.
Quel est le positionnement de Fret SNCF dans ce cadre ?
Premier transporteur ferroviaire de marchandises en France et deuxième en Europe avec le réseau Captrain, Fret SNCF conçoit des solutions de transport nationales et internationales adaptées à différentes activités et différents enjeux. Nous sommes présents en Allemagne, à travers notre marque Captrain, pour le transport de marchandises mais aussi via Forwardis, notre marque de commissionnaire de transport ferroviaire ce qui nous permet de couvrir une grande partie de l’Europe de l’Est. Nous sommes également présents en Italie à travers Captrain Italia, en Espagne, et en Belgique avec Railtraxx. Nous avons des filiales aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, et nous sommes actionnaire minoritaire (à 45 %) de BLS Cargo, l’un des grands opérateurs de transports de marchandises en Suisse. Nous sommes donc un acteur européen important !
Cependant, si la France n’est qu’au milieu du classement européen du secteur en matière de part modale, c’est parce que, contrairement aux autres pays, elle n’avait jusqu’à présent pas d’aides spécifiques à l’exploitation du transport de marchandises pour compenser le différentiel de compétitivité avec la route.
La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en lumière l’intérêt du fret ferroviaire…
En effet, durant le confinement, la filière a prouvé sa robustesse et son efficacité à fournir des services de transport essentiels au fonctionnement de la nation et à la vie quotidienne des citoyens.
Aussi, le fret ferroviaire est désormais appelé à jouer un rôle important dans la transition écologique, énergétique et le développement de nouvelles formes de mobilité. Le rendement énergétique et écologique du rail place également le fret ferroviaire parmi les solutions d’avenir pour décarboner le transport de marchandises.
Aujourd’hui, il est évident que le développement du fret est propice à la relocalisation de la création de valeur économique au bénéfice de tous les territoires. C’est en effet, une question de souveraineté à part entière, nationale et européenne.
Et pour développer le fret ferroviaire, il faut s’y prendre collectivement avec l’État, les régions, SNCF Réseau, les entreprises ferroviaires, les industriels, les citoyens… Nous devons prendre totalement notre part au « Green Deal » européen visant la neutralité carbone en 2050, objectif qui nous oblige à agir de façon claire, massive et collective dès maintenant.
Le plan de relance du fret ferroviaire prévoit de doubler la part de ce mode dans le transport de marchandises en France. Comment ?
Dans le plan de relance du gouvernement, il y a en effet un volet très important concernant le fret ferroviaire, et qui résulte notamment de la coalition 4F, « Fret Ferroviaire Français du Futur », qui est une alliance inédite entre tous les acteurs de la filière en France (les entreprises ferroviaires, les opérateurs ferroviaires de proximité, les autoroutes ferroviaires, l’association française du rail, les acteurs du combiné, du commissionnement…) afin de structurer un ensemble de mesures nécessaires à la sauvegarde et au développement du fret ferroviaire. La coalition propose une ambition forte aux pouvoirs publics : doubler la part des marchandises transportées par le rail en France d’ici à 2030, pour passer à 18 % en 2030.
L’objectif est de participer à un développement économique durable, respectueux du climat, de la mobilité, de la qualité de vie et de la santé des citoyens.
Ce rattrapage éviterait un écart trop important entre la France et les pays européens les plus avancés en la matière, et constituerait un progrès tangible pour mieux concilier économie et écologie dès maintenant. Cela nécessite une mobilisation sur trois niveaux d’intervention :
- les opérateurs de fret eux-mêmes, prêts à innover et à prendre le risque entrepreneurial de reconquête du fret en France ;
- le gestionnaire du réseau ferré national, SNCF Réseau, qui, en lien avec ces opérateurs, donne priorité à la qualité de service, et dispose des moyens d’investir dans la rénovation du réseau ;
- l’état qui, comme le font d’autres pays, doit accompagner la décarbonation du secteur des transports et, à ce titre, appuyer la compétitivité de la composante ferroviaire au sein d’une chaîne logistique plus durable.
De plus, le plan de relance du gouvernement prévoit 1 milliard d’euros pour les investissements sur les infrastructures nécessaires au fret ferroviaire et le projet de loi de finance 2021 prévoit 170 millions d’euros pour le secteur, qui comprend une aide sur les péages, sur le transport combiné, sur les autoroutes ferroviaires et sur le wagon isolé, activité clé pour tout une partie de l’industrie française (chimie, sidérurgie…).
La très grande majorité de ce service est offerte en France par Fret SNCF et notre outil de gestion capacitaire permet de prendre toutes tailles de lots de wagons pour de multiples origines-destinations pour des clients qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus en cette période de crise acheter un train complet.
Le développement du fret ferroviaire se fera également par la promotion du transport combiné…
En effet, selon 4F, il se fera par le triplement des offres de transport combinant plusieurs modes (la route, le rail, le maritime et le fluvial) avec des complémentarités plus fortes au service d’une chaîne logistique terrestre à la fois plus performante et plus verte. Ce modèle de transport multimodal a vocation à constituer un atout pour le développement et la relocalisation d’industries favorisant l’emploi local et l’économie territoriale. Nous avons l’avantage d’avoir déjà plusieurs sociétés spécialisées en la matière comme Naviland Cargo ou encore VIIA.
Aujourd’hui, le groupe SNCF représente 70 % de l’activité du transport ferroviaire en France. Nous souhaitons maintenir cette position, et en France comme en Europe, continuer d’offrir des solutions adaptées et diverses à nos clients. Pour cela, nous misons également sur la digitalisation. Le fret ferroviaire n’a pas encore effectué sa révolution digitale. Les enjeux opérationnels, qui concernent à la fois les opérateurs, les chargeurs et les détenteurs de wagons, sont majeurs : il s’agit de répondre aux pressions toujours plus importantes des clients finaux, tant en termes de services (notamment le track & trace des camions, conteneurs ou wagons) que de compétitivité tarifaire, en optimisant l’usage des flottes. Le fret ferroviaire de demain sera donc connecté, afin de devenir plus agile, plus performant, et de mieux s’adapter aux évolutions rapides du marché à un coût toujours compétitif.