Un vélo intelligent
Le vélo fait partie intégrante du paysage urbain. Ses utilisateurs, dont l’âge et le profil sportif varient largement d’un individu à l’autre, côtoient sur les voies de circulation aussi bien des piétons que des véhicules motorisés.
Garantir la sécurité des cyclistes (et des piétons) dans un tel milieu est un impératif auquel le modèle classique de vélo à changement de vitesse manuel répond mal. En effet, le changement de vitesse manuel mobilise l’attention des utilisateurs et est souvent mal utilisé, en particulier par les moins sportifs et par les plus jeunes.
“ Créer l’intelligence artificielle”
Cette difficulté d’usage nuit au confort d’utilisation et peut mettre le cycliste en danger : par exemple, s’il oublie de passer à un rapport plus petit en freinant à un feu rouge, il risque de faire une embardée dangereuse lorsque le feu passera au vert.
Une mauvaise gestion du changement de vitesse est aussi source de fatigue physique. L’ambition de notre projet, SAM, est d’offrir aux citadins un vélo intelligent qui remédierait aux défauts du vélo classique que nous venons de décrire.
Ce vélo intelligent devrait pouvoir choisir en permanence et de manière automatique le rapport de vitesse le plus adapté à chaque situation, à la fois au regard des propriétés du terrain et du profil du cycliste, que le vélo apprendrait au fil du parcours. Et tout cela ne devrait bien sûr exiger aucun réglage préalable de la part de l’utilisateur.
LE PROJET SCIENTIFIQUE COLLECTIF
Le projet scientifique collectif (PSC), auquel participent tous les élèves de deuxième année, consiste en un travail d’approfondissement scientifique piloté par les élèves eux mêmes, sur un sujet de leur choix, dans une démarche créative et collective. Ce travail en commun sur une durée longue permet d’acquérir des bases d’organisation et de découvrir l’importance des relations humaines.
Les groupes sont constitués de 5 à 7 élèves, dont au moins un étranger. Il apporte une première expérience de la réalisation de projet. Certains PSC donnent lieu à une création d’entreprise ou, comme dans le cas de SAM, à une collaboration avec un groupe industriel.
Passer les vitesses
Le projet SAM est issu d’un Projet scientifique collectif (voir encadré). Avec cinq camarades de promotion, nous avons eu l’idée de nous lancer dans la conception de ce vélo intelligent. Suite à nos discussions avec des chercheurs du département de mathématiques appliquées, nous avons choisi d’utiliser des méthodes d’apprentissage statistique pour créer l’intelligence artificielle.
Si je prends du recul sur le travail effectué en un an, je dirais que notre principal apport scientifique aura été là, dans le développement d’algorithmes qui permettent de passer automatiquement les vitesses de notre vélo.
Nous avons également développé un partenariat avec l’entreprise Décathlon, qui nous a enthousiasmés au début (quelle chance que notre projet intéresse une grande entreprise !) mais qui s’est vite révélé difficile à gérer, notamment parce que l’entreprise ne respectait pas nos exigences concernant la propriété intellectuelle.
Nos moyens furent donc limités et ne nous ont pas permis de mener à bien, comme nous l’espérions, le développement d’un prototype fonctionnel.
Du PSC à la start-up
Conscients et convaincus du potentiel du projet, trois d’entre nous ont décidé de prolonger l’aventure : du PSC à la start-up. Nous nous sommes d’abord renseignés sur les possibilités de déposer un brevet, idée que nous avons finalement décidé de reporter en raison du coût et de la lourdeur des formalités à effectuer.
C’est en discutant avec la DRIP (service de l’École qui gère les partenariats et la propriété intellectuelle) que nous avons appris l’existence du prix Gerondeau- Zodiac Aerospace.
Si notre PSC n’avait pas été aussi loin que nous le souhaitions, c’était principalement à cause d’un manque de fonds qui nous empêchait de développer notre prototype. Nous avons donc sauté sur l’occasion. Nous avons travaillé avec ardeur en mai et juin 2013 afin d’effectuer les démarches nécessaires pour concourir à ce prix.
Il s’agissait de constituer un dossier et passer deux soutenances devant un jury d’industriels de Zodiac et de membres de la Fondation de l’X. Notre travail a finalement porté ses fruits puisque, retenus parmi les trois projets finalistes du concours, nous avons remporté la somme de 10 000 euros.
Consolider nos intuitions
De nombreux passages automatiques de vitesse existent. Aucun n’a encore réussi à percer sur le marché. Nous pensons que la principale raison de cet échec est que les systèmes ne sont pas agréables pour l’utilisateur. En effet, tous les systèmes existants prennent uniquement en compte la cadence de pédalage.
SAM EN BREF
L’idée de SAM est une intelligence embarquée qui reçoit les données fournies par différents capteurs (vitesse du vélo, couple dans le pédalier, accélération, etc.). Elle les enregistre et choisit en temps réel en fonction de ces données la meilleure vitesse sur laquelle doit se régler le vélo. Enfin, s’il y a lieu d’effectuer un changement, elle envoie l’information au passage électrique de vitesse. Une fois notre vélo équipé de tous les capteurs nécessaires, il s’agit encore de lui « apprendre » à changer de vitesse tout seul.
Les méthodes d’apprentissage statistique que nous avons choisies utilisent une base de données pour définir le comportement idéal dont on veut doter le vélo. Afin de construire l’algorithme qui choisira la vitesse adaptée, nous utilisons des enregistrements de cyclistes confirmés ayant roulé sur notre vélo.
Nous connaissons les valeurs relevées par les différents capteurs à chaque instant, mais aussi la vitesse choisie par le cycliste en fonction de la situation. L’ensemble de ces données constitue une base d’apprentissage, qu’il va falloir utiliser au mieux pour déterminer ensuite « à la volée » la meilleure façon de changer de vitesse.
Le système change la vitesse si la cadence est supérieure (ou inférieure) à une certaine valeur arbitrairement définie. La cadence de référence est radicalement différente entre une personne âgée, qui a tendance à pédaler lentement, et un sportif, qui préfère pédaler rapidement.
Une des innovations majeures de notre projet est le fait que notre système soit capable de s’adapter à son utilisateur. Il prend en compte un grand nombre de paramètres et sait reconnaître sur cette base le profil du cycliste à partir de sa façon de pédaler.
Pour bien communiquer sur notre produit, il nous faut encore comprendre qui serait susceptible d’acheter un vélo équipé de ce système, et à quel prix. De premières discussions avec notre entourage semblent indiquer que les femmes de plus de quarante ans seraient nos principales clientes.
Fixer un prix attractif
Une étude de marché un peu plus poussée pourrait nous permettre de consolider cette intuition. Quoi qu’il en soit, il reste difficile aujourd’hui d’établir un business plan pour notre start-up, étant donné que nous ne savons pas encore quand nous réussirons à produire un prototype fonctionnel, ni combien coûteraient d’une part ce prototype et d’autre part le système vendu.
Nous avons mené ce projet sur notre temps libre, parallèlement à nos deux années d’études à l’École polytechnique. Nous avons bien avancé vers notre objectif : la conception d’un passage automatique de vitesse pour vélo qui s’adapte à tout utilisateur.
Ce projet est ambitieux, car il requiert de travailler conjointement sur de l’électronique, du prototypage, des mathématiques appliquées, ainsi que sur la création d’une start-up.
Face aux différentes possibilités de stages et de quatrième année à l’École, il nous faut aujourd’hui réfléchir en groupe à l’avenir de notre projet. Pour le stage de recherche, nous partons tous aux quatre coins du monde et nos sujets seront prenants, c’est pourquoi nous avons mis SAM en pause au printemps 2014.
En quatrième année, nous serons tous à Paris. Nous réfléchissons dès à présent à la façon dont nous pourrions reprendre le projet en l’intégrant à la suite de notre parcours.