Shanghai la nuit.

Une aventure industrielle en Chine : vision et pragmatisme

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Alain JOLY (58)

Si l’intérêt du mar­ché chi­nois est aujourd’hui la chose la mieux par­ta­gée du monde, il n’en était pas for­cé­ment de même au début du XXe siècle. Il fal­lait une part de rêve et beau­coup d’audace pour vou­loir s’y éta­blir et peu d’Européens ten­taient l’aventure.
Quelques entre­prises firent par­tie des pion­niers, dont le Groupe Air Liquide. Fon­dé en 1902, celui-ci anti­cipe vite le poten­tiel consi­dé­rable du conti­nent asia­tique et s’implante dès 1907 au Japon, 1910 à Hong-Kong et 1917 à Sin­ga­pour. D’autres implan­ta­tions suivent, en par­ti­cu­lier en Chine, sou­vent sous forme de joint ven­tures avec un ou plu­sieurs par­te­naires. À l’issue de la Seconde Guerre mon­diale, le chan­ge­ment de régime conduit le groupe à aban­don­ner son implan­ta­tion en Chine à l’exception de Hong-Kong.
L’entrée du groupe dans la Chine nou­velle se fera par étapes et appli­que­ra une triple maxime : patience, pru­dence, persévérance.
Après une pre­mière joint ven­ture dans la pro­vince de Can­ton, réa­li­sée en 1987 par le canal de sa filiale de Hong-Kong, c’est en 1990, à Shan­ghai, qu’il sera auto­ri­sé à consti­tuer sa pre­mière filiale à 100%, Air Liquide Shan­ghai Co Ltd, pour four­nir à l’industrie élec­tro­nique nais­sante de la région des gaz de haute pureté.

Une implantation progressive et ciblée

Les années quatre-vingt-dix voient la Chine assou­plir ses régle­men­ta­tions, accueillir favo­ra­ble­ment les inves­tis­se­ments étran­gers et, plus glo­ba­le­ment, s’ou­vrir au monde exté­rieur. Le groupe crée alors une dizaine de socié­tés lui per­met­tant de s’é­ta­blir dans les bas­sins indus­triels exis­tants ou émer­gents de manière à pou­voir répondre à la demande de la grande indus­trie. Les prin­ci­pales zones concer­nées par ce déve­lop­pe­ment sont celles de Can­ton au Sud, Shan­ghai, au milieu de la façade mari­time, et la région de Tian­jin-Bei­jing au Nord. Une filiale est éga­le­ment consti­tuée dans la pro­vince de Sichuan dont la socié­té se reti­re­ra par la suite.

Les gaz indus­triels voyagent mal. Grâce à son centre d’in­gé­nie­rie de Hangz­hou près de Shan­ghai, créé en 1995 et employant plus de 160 per­sonnes, le groupe se dote de la capa­ci­té de conce­voir, réa­li­ser et mettre en ser­vice des ins­tal­la­tions de pro­duc­tion de toutes tailles, aux meilleurs stan­dards inter­na­tio­naux, soit en ven­dant des usines de pro­duc­tion, soit en les inves­tis­sant pour four­nir les gaz de l’air néces­saires à la grande industrie.

Shanghai la nuit.
Shan­ghai la nuit. PHOTO CYRIL TIKHOMIROFF

Après plus de six ans de pro­po­si­tions et de négo­cia­tions, une nou­velle enti­té a été créée en 2002, la Shan­ghai Che­mi­cal Indus­try Park Indus­trial Gases Com­pa­ny Ltd, pour ser­vir la zone pétro­chi­mique en plein essor de Cao­jin, à côté de Shanghai.

Il s’a­git d’être à la fois mon­dial et local. Les équipes se mettent en place. La concur­rence aussi !

L’ac­ti­vi­té élec­tro­nique, point d’en­trée du groupe en Chine via Shan­ghai, se déve­loppe très rapi­de­ment et compte à pré­sent plu­sieurs socié­tés inter­na­tio­nales comme NEC, ASMC, GSMC, SMIC… L’élec­tro­nique repré­sente aujourd’­hui 30 % du chiffre d’af­faires réa­li­sé par celui-ci en Chine.

Pour ser­vir, en gaz liqué­fiés ou com­pri­més, les indus­tries de trans­for­ma­tion de moyenne et petite taille dans des domaines allant de l’a­li­men­taire à l’au­to­mo­bile en pas­sant par la phar­ma­cie, le verre ou la fabri­ca­tion métal­lique, notre groupe s’ap­puie sur ses usines de Tian­jin, de Shan­ghai, de Wuxi (près de Shan­ghai) et de la zone de Canton.

Il a éga­le­ment lar­ge­ment déve­lop­pé l’ins­tal­la­tion d’ap­pa­reils « sur le site » pro­dui­sant le gaz direc­te­ment chez le client, ce qui sup­prime les pro­blèmes d’a­che­mi­ne­ment encore dif­fi­ci­le­ment sur­mon­tables à l’é­chelle du pays.

L’ac­ti­vi­té San­té du groupe reste pour l’ins­tant prin­ci­pa­le­ment limi­tée à la vente de maté­riels médi­caux et à la four­ni­ture en oxy­gène de quelques éta­blis­se­ments hospitaliers.

Le formidable défi chinois, aujourd’hui et demain

Aujourd’­hui, la socié­té compte une quin­zaine de filiales ou de joint ven­tures répar­ties sur la façade de la Chine, là où le déve­lop­pe­ment éco­no­mique est plus rapide. Le chiffre d’af­faires réa­li­sé en Chine est voi­sin de 100 mil­lions d’eu­ros et connaît une crois­sance sou­te­nue. Les nou­veaux inves­tis­se­ments sont très impor­tants et per­met­tront de fran­chir une nou­velle étape. Le nombre total des sala­riés du groupe en Chine est actuel­le­ment d’en­vi­ron 800 personnes.

Comme à l’ha­bi­tude, il est fait appel essen­tiel­le­ment à des col­la­bo­ra­teurs locaux, le nombre d’ex­pa­triés tra­vaillant en Chine res­tant très limité.

L’at­trait de la Chine ne se dément pas : ce gigan­tesque pays recèle un mar­ché inté­rieur avide de consom­ma­tion, d’a­mé­lio­ra­tion de son niveau de vie. Il attire désor­mais les inves­tis­se­ments étran­gers par son taux de crois­sance éle­vé, par le coût attrayant de la main-d’œuvre mais aus­si par la pos­si­bi­li­té de recru­ter des cadres chi­nois bien for­més. Les contraintes ban­caires, admi­nis­tra­tives s’al­lègent au fur et à mesure que la Chine s’ouvre au monde.

La Chine est ain­si deve­nue le pre­mier pays au monde en termes de volume de nou­veaux inves­tis­se­ments en pro­ve­nance de l’é­tran­ger. Depuis trois ans, des pro­jets majeurs à l’é­chelle mon­diale ont été lan­cés dans le domaine de l’éner­gie, la pétro­chi­mie ou l’électronique.

Les atouts de la réussite

La réus­site en Chine passe sans doute par des choix : le pays est si vaste et contras­té que l’on doit défi­nir des points d’en­trée pou­vant consti­tuer des têtes de pont. On se doit éga­le­ment de choi­sir soi­gneu­se­ment les mar­chés, les clients et les partenaires.

Le fac­teur temps prend tout son sens en Asie et par­ti­cu­liè­re­ment en Chine. Une rela­tion de confiance dans la durée est un autre atout indis­pen­sable pour éta­blir des liens solides avec les clients, les four­nis­seurs et les autorités.

Le déve­lop­pe­ment rapide de la Chine voit l’é­mer­gence de grands groupes indus­triels chi­nois qu’il faut iden­ti­fier, connaître. Apprendre à tra­vailler avec ces nou­veaux acteurs, com­prendre et anti­ci­per leurs besoins pour leur pro­po­ser des solu­tions adap­tées, est l’un des enjeux qui nous attendent au cours des pro­chaines années. Recher­cher, trou­ver et conser­ver des col­la­bo­ra­teurs locaux de talent est aus­si l’un des défis majeurs que les entre­prises vou­lant s’im­plan­ter en Chine devront rele­ver : les viviers sont encore en nombre limi­té, les can­di­dats de qua­li­té sont très sol­li­ci­tés et la com­pé­ti­tion est âpre.
Sans rêver d’un mar­ché d’1,3 mil­liard d’ha­bi­tants – la popu­la­tion en Chine est essen­tiel­le­ment rurale -, les seules pro­vinces côtières repré­sentent à court terme un poten­tiel com­pa­rable à ce que sont les pre­mières éco­no­mies mon­diales des États-Unis ou du Japon. Fidèle à sa tra­di­tion de déve­lop­pe­ment à l’in­ter­na­tio­nal, Air Liquide s’at­tache à deve­nir un acteur de réfé­rence dans ses métiers au sein de ce grand pays en pleine évolution.

Promenade au centre de Shanghaï.
Pro­me­nade au centre de Shan­ghai, vue sur plu­sieurs gratte-ciels. PHOTO JEAN-MARC DUMAS

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