Une brève histoire de la gouvernance du développement durable
La Déclaration de Rio de juin 1992 a mis en place une gouvernance mondiale du développement durable via la création d’instances de pilotage et la réalisation d’objectifs dans la durée.
La Commission CDD/CSD des Nations unies
Cette commission, qui a fonctionné pendant vingt ans, jusqu’au 20 septembre 2013, était en relation avec des commissions nationales du développement durable créées dans chaque pays membre, soit en France la Commission française du DD (CFDD). La Commission CDD/CSD a ainsi aidé les pays à partager leurs meilleures idées, expériences et pratiques, et elle a permis de formuler des recommandations traduites en Conventions (comme Rotterdam, Stockholm), et en particulier de promouvoir le développement durable dans les petits États insulaires en développement. Ses travaux ont aussi conduit à la création du Forum des Nations unies sur les forêts qui a été à l’origine d’un instrument juridique contraignant sur la foresterie durable, en 2007.
Cependant, l’impact de cette Commission s’est révélé faible, en particulier sur la mise en œuvre du développement durable, sans doute en raison de la nouveauté de ce concept.
Dans le document final « L’Avenir que nous voulons » de RIO + 20 en 2012, les États membres ont demandé la création d’un Forum politique de haut niveau – High-level Political Forum on Sustainable Development (HLPF) –, pour s’assurer que les gouvernements placent le développement durable au plus haut niveau de leurs priorités, et ils ont préconisé que cette question soit le cheval de bataille de tous les acteurs concernés.
REPÈRES
Après le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, et au sein du Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc) qui réunit 55 pays membres élus par tiers chaque année, a été créée la Commission du développement durable (CDD) – The United Nations Commission on Sustainable Development (CSD) – dans le but de promouvoir le développement durable tout autour de la planète, et en ouvrant la porte à la participation de toute une gamme de participants de la société civile à ses travaux.
Le Forum politique de haut niveau des Nations unies
Ce Forum – le HLPF – a été chargé de mettre en œuvre et d’intégrer le développement durable dans le programme de développement de l’après-2015, soit au terme des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) – The Millennium Development Goals (MDGs) – déterminés en 2000 pour les pays en développement. Ces OMD avaient été adoptés en 2000 par les 189 États membres de l’ONU, au sommet du millénaire à New York, sommet voulu par l’ONU pour « présenter une stratégie nouvelle adaptée aux réalités et aux besoins changeants du monde du xxie siècle », pour consolider l’engagement de la communauté internationale et le renforcement des partenariats avec les gouvernements et la société civile, en vue de « bâtir un monde sans laissés-pour-compte ». Ces OMD ont donc été transformés et approfondis en 2015 en Objectifs de développement durable (ODD) – Sustainable Development Goals (SDGs) – pour tous les pays de la planète : ces « ODD » sont présentés dans l’article de Jurgis Sapijanskas et Martin Bortzmeyer.
La Commission française, la CFDD
La Commission française pour le développement durable (CFDD) a été créée en mars 1993 et a fonctionné jusqu’en mai 2003, après la démission de son président. Organisme indépendant consultatif placé auprès du Premier ministre, elle avait pour mission de définir les orientations d’une politique de développement durable française ; de soumettre au gouvernement des recommandations ayant pour objet de promouvoir ces orientations ; et de contribuer à l’élaboration du programme de la France en matière de développement durable. Bénéficiant d’un statut de commission indépendante, elle pouvait se saisir de tous les sujets en rapport avec le développement durable.
“La CFDD pouvait se saisir
de tous les sujets en rapport
avec le développement durable”
Ne pas confondre CFDD, CGDD, CEDD et CGEDD
Le CGDD, Commissariat général au développement durable, est l’entité du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) qui est chargée de l’élaboration, de l’animation et du suivi de la stratégie nationale de développement durable, qui doit être mise en œuvre au travers de l’ensemble des politiques publiques ainsi qu’au travers des actions de tous les acteurs socio-économiques.
Mis en place en 2008, dans la suite du Grenelle de l’Environnement et de la constitution du « grand ministère » souhaité par Jean-Louis Borloo, le CGDD éclaire et alimente, par la production de données et de connaissances, l’action du MTES sur l’ensemble de ses champs de compétences.
Il comprend cinq structures, dont la délégation au DD par laquelle est assuré le pilotage du travail interministériel sur le développement durable, et en particulier la mise en œuvre des objectifs du développement durable, ainsi qu’un laboratoire d’idées, le CEDD, conseil économique pour le développement durable, qui est une commission consultative auprès du MTES, et qui mobilise les références économiques utiles pour éclairer l’action du ministère.
Quant au CGEDD, Conseil général de l’environnement et du développement durable, il est chargé de conseiller le gouvernement dans les domaines de l’environnement, des transports, du bâtiment et des travaux publics, de la mer, de l’aménagement et du développement durables des territoires, du logement, de l’urbanisme, de la politique de la ville et du changement climatique.
Dans ce cadre, il mène des missions d’expertise, d’audit, d’étude, d’évaluation, d’appui et de coopération internationale.
Il est également chargé d’une mission d’inspection générale portant sur la régularité, la qualité et l’efficacité de l’action des services de l’État placés sous l’autorité du MTES, ainsi que des établissements publics placés sous sa tutelle.
Il siège aussi en formation d’autorité environnementale pour émettre des avis et rendre des décisions en tant qu’autorité environnementale sur la qualité des évaluations environnementales et la prise en compte de l’environnement par les projets et les plans-programmes qui sont soumis à son examen. Il dispose également de missions régionales d’autorité environnementale (MRAe).
À noter que le CGDD, dont l’une des fonctions est de veiller à l’intégration de l’environnement dans les plans, programmes et projets, apporte à ce titre son soutien au CGEDD dans ses fonctions d’autorité environnementale.
Les cahiers du développement durable
Bernard Esambert (54) a été le premier président de la CFDD. Il a lancé la revue Les Cahiers du développement durable par un « N° 1 » intitulé « Les conditions et les moyens du DD », publié en janvier 1995, sous l’égide de la CFDD et du Commissariat général du Plan – un numéro qui a été traduit en plusieurs langues, parce que les pays membres de la CDD/CSD le lui réclamaient. Après une proposition de grille d’examen du développement durable, et une réflexion sur les moyens de sa mise en œuvre, en donnant « une place importante aux sciences sociales, à la psychologie, à la sociologie, aux sciences naturelles… », ce document « N° 1 » proposait à la CFDD d’approfondir 9 thèmes : l’énergie, l’effet de serre, le développement urbain, le développement rural, la forêt, le développement du Nord, celui du Sud, le commerce international, la démographie. Ce document n’a pas perdu de son actualité, en voici la conclusion :
« Le DD est un concept transversal et flou, en formation, qui laisse ainsi la porte ouverte au pragmatisme et à la mobilisation. Un concept achevé serait-il encore capable de mobiliser ? Sa force est de comprendre des certitudes, des interrogations et des contradictions… En réalité, le développement durable appelle une nouvelle culture économique qui devra être dotée d’instruments originaux… Malgré son caractère hétérogène, le DD est une dynamique qui intègre et réconcilie… La qualité de vie et la durabilité du développement ne vont pas forcément de pair avec le partage de la pénurie… le développement durable peut permettre une exceptionnelle mobilisation des énergies en réponse aux défis qui menacent la planète. À condition qu’il ne conduise pas à une pause intellectuelle, mais qu’il exalte le besoin d’agir. »