Projet ITER : Une coopération internationale unique
le projet ITER est l’un des projets les plus ambitieux au monde dans le domaine de l’énergie. Rencontre avec Sergio Orlandi, chief executive engineer et Bertrand Roques, head of field engineering installation division, qui nous en disent plus sur le contexte autour de ce projet et les ambitions de ce dernier.
Pouvez-vous nous rappeler le contexte autour du projet ITER ?
Le projet ITER est une coopération scientifique internationale unique qui engage 35 pays dans le domaine de la fusion nucléaire : les 28 pays de l’Union européenne et la Suisse, l’Inde, le Japon, la Corée, la Chine, la Sussie et les États-Unis. Ces 7 partenaires, ont mis en commun leurs ressources pour réaliser la construction d’un réacteur de recherche civil de fusion nucléaire à Cadarache, dans le département des Bouches-du-Rhône, en France. Les études de conception de cette installation ont démarré en 1988, suivies par des phases d’études techniques de plus en plus précises jusqu’à la validation de la conception définitive par les membres d’ITER en 2001.
L’accord ITER a été officiellement signé le 21 novembre 2006 par les sept membres d’ITER.
Quelles sont les ambitions du projet et quelles sont ces principales caractéristiques ?
L’objectif du projet est avant tout de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la production d’énergie par fusion nucléaire. Pour cela, environ 3 000 personnes se sont mobilisées pour construire la machine de fusion nucléaire par confinement magnétique la plus puissante et la plus performante jamais conçue : le tokamak ITER.
Nous souhaitons pouvoir produire 500 MW de puissance thermique pendant une dizaine de minutes pour une puissance injectée de 50 MW grâce à la fusion de noyaux de deutérium et de tritium.
Ainsi, la machine vise à démontrer le principe de produire dix fois plus de puissance thermique à partir du processus de fusion que celui utilisé pour chauffer le plasma, ce qui n’a pas encore été réalisé dans un réacteur de fusion. Dans ce cadre, pour mener à bien notre mission, des dispositifs de conception unique sont mis en place. En effet, le projet ITER se caractérise par des composants remarquables, notamment la chambre à vide, une structure toroïdale en acier, entièrement soudée dont la masse avoisine celle de la Tour Eiffel, et qui est l’un des éléments centraux.
La conception des composants d’ITER prend ainsi en compte des contraintes technologiques très fortes. Les bobines supraconductrices seront parcourues par des courants de 75 kA qui généreront des champs magnétiques pouvant atteindre 13 T, et l’énergie magnétique associée équivaudra à l’énergie cinétique d’un porte-avions lancé à 180 km/h.
En quoi le projet va-t-il révolutionner le domaine de l’énergie ?
ITER doit démontrer que la fusion deutérium-tritium peut être utilisée comme source d’énergie à grande échelle, sûre et non émettrice de CO2, pour produire de l’électricité.
Par ailleurs, cette source d’énergie pérenne permettra également de réduire considérablement la production de déchets radioactifs : contrairement à la fission nucléaire utilisée dans les centrales actuelles, la fusion deutérium-tritium limite la quantité et la durée de vie des déchets radioactifs.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous avons adopté une stratégie par étapes avec un calendrier établi en coordination avec les différents membres :
- Le premier plasma : nous souhaitons avoir des plasmas d’hydrogène à faible valeur de courant de plasma d’ici 2025 ;
- La pré-fusion : la production de plasmas d’hydrogène ou d’hélium avec des valeurs de courant de plasma jusqu’à 15 MA
- La fusion : il s’agit de l’objectif du projet, à savoir, obtenir des plasmas de deutérium et tritium qui auront la puissance de fusion maximale de 500 MW.
Le développement de cette technologie exceptionnelle trouve également des applications dans le domaine spatial ou la recherche médicale.
À lire aussi : Pas d’ITER sans numérique, par Bernard BIGOT, La Jaune et la Rouge N° 732.