Une diversité de réacteurs modernes sur un marché mondial en renaissance
Où se situe aujourd’hui le marché ? Quelle est sa taille ? Il faut distinguer deux cas principaux. Ou bien l’électricien, client final de la centrale, dispose de ses propres compétences d’ingénierie nucléaire et d’intégration, et passe des commandes en lots séparés, de plus ou moins grande taille. Ou bien il commande une centrale « clé en main » à un consortium dont le chef de file est, le plus souvent, le vendeur du réacteur nucléaire.
REPÈRES
L’année 2013 est considérée comme l’année de la « renaissance » du marché des centrales nucléaires. L’essentiel de ces nouvelles centrales, environ les deux tiers en termes de puissance, sera commandé par la Chine, l’Inde et la Russie. En Europe, des développements sont en cours au Royaume-Uni, en Finlande, en République tchèque et en Pologne. L’Afrique du Sud et le Brésil, qui exploitent déjà deux réacteurs nucléaires chacun, devraient lancer de nouveaux programmes au cours des prochaines années.
Les routes d’accès
Le premier cas est illustré par l’approche historique d’EDF pour le développement du parc électronucléaire français. Il s’agit également de l’approche retenue par l’électricien chinois CGNPC (China Guangdong Nuclear Power Corporation).
Commander une centrale « clé en main » à un consortium
Fondée en 2004, première du genre en Chine, CNPEC (China Nuclear Power Engineering Company) est la branche d’ingénierie nucléaire de CGNPC. Cette société est aujourd’hui impliquée dans la construction de nombreuses centrales nucléaires en Chine. Le second cas est illustré par l’électricien finlandais TVO.
Plusieurs appels d’offres en cours sont fondés sur une telle approche : extension de la centrale existante de Temelin en République tchèque, projetée par l’électricien national CEZ ; nouvelles centrales en Finlande sur le site de Pyhäjoki par l’électricien Fennovoima et sur le site d’Olkiluoto par l’électricien TVO.
Des partenaires locaux
Acheter le courant
Dans une approche originale, l’électricien, client final, n’achète pas la centrale proprement dite, mais simplement le courant qui y est produit dans le cadre d’un PPA (power purchase agreement). Il le revend ensuite dans le cadre de son propre réseau de distribution. Dans ce cas, le groupement qui construit la centrale va aussi en être le propriétaire et l’exploitant, ce qui implique la charge de financement du projet. Ce modèle a été retenu par l’électricien turc TEAS pour la première centrale nucléaire du pays sur le site d’Akkuyu.
Dans les pays qui se sont lancés dans un programme électronucléaire avec l’ambition de faire des séries de centrales identiques, il est nécessaire d’être associé à des partenaires locaux. Par exemple, pour couvrir les trois plus importants marchés (la Chine, l’Inde et la Russie), Alstom a signé des accords de coopération ou de licence.
En Chine, un accord de licence et de coopération a été signé avec l’un des trois grands constructeurs chinois, DEC (Dongfang Electric Company). En Inde, un consortium a été constitué avec le constructeur indien BHEL (Bharat Heavy Electricals Ltd.). En Russie, Alstom a créé une société commune avec Atomenergomash, une filiale de Rosatom (le conglomérat russe du nucléaire).
Eau légère ou eau lourde
Les réacteurs récents, dont le caloporteur est de l’eau légère ou de l’eau lourde, fournissent à la turbine une vapeur humide (titre en eau inférieur à 0,5 %), à des pressions s’échelonnant de 42 à 75 bars et à des températures comprises entre 250 et 290 °C, valeurs très basses par rapport aux cycles fossiles. Les réacteurs à eau lourde, installés principalement au Canada, en Argentine et en Inde, sont ceux dont la pression de vapeur vive est la plus basse.
Dans les réacteurs à eau pressurisée (eau légère ou eau lourde), la présence de générateurs de vapeur et d’un circuit secondaire séparé du primaire assure la livraison d’une vapeur non contaminée.
Dix constructeurs mondiaux
Dix constructeurs commercialisent aujourd’hui plus de 18 modèles de réacteurs.
Parmi eux, cinq sont des sociétés internationales : Areva, MHI (Mitsubishi Heavy Industries), Westinghouse- Toshiba, GE-Hitachi, et SNC-Lavalin qui a récemment acquis la division réacteur d’AECL (Atomic Energy of Canada Ltd.).
Les cinq autres sont des organisations étatiques construisant et exploitant des réacteurs : Rosatom en Russie, CGNPC et CNNC en Chine, Kepco en Corée du Sud et NPCIL en Inde.
Eau bouillante
Dans les réacteurs à eau bouillante, c’est l’eau même du circuit primaire qui entre en ébullition dans la cuve du réacteur, et la vapeur ainsi générée alimente directement la turbine.
Assurer la livraison d’une vapeur non contaminée
Des études de radioprotection sont menées pour installer des protections adaptées : contrôle d’accès, murs de béton démontables et coffrages pour limiter les radiations, téléopération et télésurveillance accrues des matériels pour éviter les expositions du personnel d’exploitation et de maintenance.
Le maître-mot en matière de radioprotection est ALARA (As low as reasonably achievable).
Un grand soin est apporté à la sélection des matériaux utilisés dans ce type de centrale : cobalt prohibé pour éviter son entraînement dans la cuve du réacteur, emploi accru d’aciers inoxydables à haute teneur en chrome et traitements de surface spécifiques par dépôts à l’arc pour éviter les phénomènes de dégradation liés au pH plus faible et à la teneur en oxygène dissous plus élevée de la vapeur de ces centrales.
Une télésurveillance accrue évite l’exposition des personnels
Enfin, des étanchéités particulières sont mises en œuvre pour éviter les risques de fuite de vapeur dans la salle des machines, notamment aux traversées des corps de turbines par les rotors, aux plans de joints des corps et au niveau des tiges des organes d’admission de la vapeur dans la turbine.
Neutrons rapides
Les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium fournissent une vapeur sèche, très surchauffée, dont les caractéristiques sont proches d’un cycle thermique fossile « classique » avec des pressions de l’ordre de 180 bars et des températures voisines de 500 °C, ce qui permet l’utilisation de turbines à vapeur issues de la gamme pour centrales fossiles.
De la Baltique à l’océan Indien
Machine thermique, la turbine à vapeur nucléaire travaille entre une source chaude (le réacteur) et une source froide (mer, lac, fleuve atmosphère). Le rendement du cycle dépend en bonne partie des températures respectives de ces deux sources. Tributaire de la température de la source chaude, le concepteur de la partie conventionnelle doit chercher à tirer le maximum de profit de la source froide mise à sa disposition : eau ou atmosphère, via des réfrigérants atmosphériques.
En Scandinavie, avec une excellente source froide telle que la mer Baltique, on justifiera facilement des vides dans le condenseur de l’ordre de 20 à 30 mbars, alors qu’en Inde on obtiendra plutôt 70 à 80 mbars avec une circulation d’eau de mer et 90 à 100 mbars, avec des tours de réfrigération atmosphérique.
© ALSTOM
Un rythme soutenu
Malgré l’impact de Fukushima et la révolution des gaz de schiste, l’énergie nucléaire continue donc à se développer dans le monde à un rythme soutenu, notamment dans les pays émergents (Chine, Inde, Russie, Corée) mais aussi en Europe (Finlande, France, Royaume- Uni, République tchèque, etc.), ou en Amérique du Nord (États-Unis, Canada).
L’énergie nucléaire reste la principale source permettant de fournir au monde un approvisionnement en énergie électrique de base compétitive sans émettre de gaz à effet de serre.
Des pays déjà équipés comme la Hongrie, la Slovaquie ou l’Afrique du Sud ont annoncé la relance prochaine de leur programme.
De nouveaux pays, comme les Émirats arabes unis ou la Turquie, ont déjà pris la décision de déployer un programme nucléaire, ou ont annoncé leur intention d’accéder prochainement à l’énergie nucléaire (Arabie Saoudite ou Pologne).
Le développement annoncé dans de nombreux pays des SMR (small modular reactors) devrait à l’avenir encore renforcer la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial.