Une entreprise dans l’aide à domicile, un vilain petit canard ?
Confronté aux problèmes de vieillissement de mes parents, j’ai découvert l’extraordinaire difficulté des gens ayant une activité professionnelle prenante à trouver les réponses adéquates. J’ai décidé de créer une entreprise exclusivement spécialisée dans l’aide à domicile pour personnes âgées. Voulant offrir le meilleur service, ma société passe des contrats sur mesure avec la famille, assure elle-même la responsabilité d’employeur, ne recrute que des professionnels et crée un cadre de nature à développer une fierté d’équipe.
Mes clients recommandent la formule autour d’eux, mais le bouche à oreille ne suffisant pas pour développer l’entreprise, je cherche à la faire connaître par le relais des acteurs traditionnels du secteur : administration, mairies, caisses de retraite… Je ressens en fait une sorte d’ostracisme, comme si l’aide aux personnes âgées était réservée aux associations, au bénévolat et à la réinsertion. Face aux besoins est-ce bien raisonnable ?
Un besoin d’assistance de plus en plus technique
Je voudrais rappeler plusieurs points. Le premier est que la population des personnes âgées va augmenter fortement dans les prochaines années. Le deuxième est que les personnes âgées préfèrent continuer à vivre à leur domicile. Le troisième est que les personnes âgées deviennent dépendantes de plus en plus tard. Ce dernier point est très important car il constitue un vrai défi de société. Comment répondre à cette situation soudaine ou progressive de dépendance importante qui nécessite une aide très spécialisée et technique (fracture du col du fémur, accident cérébral, maladie d’Alzheimer ou Parkinson…) ?
Auxiliaire de vie : un vrai métier et non un petit boulot
Le métier » d’auxiliaire de vie » est capable aujourd’hui d’apporter une partie des réponses. Il consiste à faire les gestes techniques permettant à une personne âgée dépendante de rester chez elle : aide à la toilette, aide à l’habillage, réalisation des courses, aide à la marche, surveillance de la prise de médicaments, stimulation, coordination avec le monde médical… À noter que les soins sont exclus de cette activité.
Ce métier, très peu connu et surtout reconnu, est un très beau métier. Les personnes qui l’exercent ont un vrai savoir-faire technique bien sûr mais aussi de très grandes qualités humaines. Ces personnes ont en effet la vraie motivation d’aider, de créer une relation de confiance, d’apporter une sécurité dans le maintien à domicile. Tous les proches des personnes âgées connaissent cette difficulté de faire accepter l’aide d’un tiers. Une auxiliaire de vie est capable par ses qualités de se faire accepter progressivement.
La satisfaction du client : une nécessité absolue
Tout d’abord, les auxiliaires de vie sont nos salariés. Ce fonctionnement ne présente que des avantages pour le client. Le premier avantage est la simplicité. La personne âgée n’est pas l’employeur et est donc déchargée de toute la gestion du personnel : sélection, encadrement, congés, maladie et surtout du licenciement. Le deuxième avantage est la qualité. Nous perdons le client si nos salariés ne donnent pas entière satisfaction.
Ensuite, la personne âgée ou sa famille passe un contrat avec notre société. Ce contrat fixe tous les éléments de l’intervention : contenu de l’aide et de ses modalités (choix des jours, des horaires et de la durée). Il prévoit également des clauses d’interruption pour cas de force majeure (hospitalisation) ou des clauses de suspension avec préavis (absence pour vacances). Le contrat peut être à durée indéterminée ou temporaire. Bref, il est totalement sur mesure.
Enfin, en plus de l’obligation de moyen nous sommes presque dans une obligation de résultat. Pour nos clients les plus dépendants, nous devons impérativement assurer notre mission.
L’alchimie d’une bonne gestion des ressources humaines
La réussite de la société repose sur le professionnalisme de chacune des salariées.
Nous ne sélectionnons que des femmes aux alentours de 40 ans ayant chacune plusieurs années d’expérience de ce métier. En contrepartie de nos exigences, nous fonctionnons dans un cadre sécurisé limitant la précarité. Au départ, toutes les salariées sont embauchées en CDI à temps partiel. Progressivement, la durée de leur contrat de travail augmente. Aujourd’hui, les trois quarts sont à temps plein. La rémunération est très supérieure au standard du marché avec un système motivant de primes. Le salaire de base est enfin garanti même si le client décède ou part en maison de retraite. Concrètement, plusieurs salariées sont en sous-activité rémunérée en attente de mission.
Mais l’aspect financier n’est pas tout. Nous valorisons nos salariées. Chaque mission est expliquée préalablement à l’auxiliaire de vie pressentie. Notre salariée est ensuite accompagnée et présentée au démarrage de l’intervention. Chaque semaine, elle doit passer au bureau nous tenir informer de ses missions. À chaque (éventuel) problème, les auxiliaires de vie savent que nous sommes joignables et réactifs pour les aider. Nous sommes en relation avec la famille. Nous faisons le maximum pour qu’elles ne se sentent pas isolées. Nous faisons un travail d’équipe. Elles doivent sentir qu’elles ont une structure organisée en soutien.
La situation archaïque de ce secteur
En caricaturant la situation, le discours de la part du monde médico-social est : » Les associations sont solidaires et les entreprises sont uniquement à but lucratif. Les personnes âgées sont toutes fragiles, isolées et incapables. L’économie sociale et solidaire doit permettre aux personnes en réinsertion de travailler. Le secteur associatif a seul la légitimité d’intervenir car c’est une question de solidarité nationale. »
Où est la vérité ? Est-il raisonnable de subventionner de manière très importante le secteur associatif ? Est-il raisonnable de ne penser qu’en termes de réinsertion et de bonne volonté ? Est-il raisonnable d’opposer le gentil monde associatif et le méchant monde commercial ? Est-il raisonnable que les lieux d’informations pour les familles (CLIC, PPE), certaines assistantes sociales, certains conseils généraux dans le cadre de l’APA boycottent les structures privées uniquement de par leur nature commerciale ?
Que veulent les familles aujourd’hui ? Elles recherchent une solution professionnelle, personnalisée et adaptée à leurs demandes.
Toutes les initiatives sont à encourager, sous réserve bien sûr d’obtenir les agréments administratifs obligatoires pour intervenir auprès d’un public âgé. Le Plan Borloo, sur le développement des services à la personne, insiste bien sur le libre choix des familles.
Quel est le vrai prix du service ?
La logique du low-cost ou de prestations presque gratuites car subventionnées a des limites. Le Rapport Délos rédigé par le Commissariat général au Plan en mai 2005 sur le développement de l’offre de services à la personne explique que seule une offre à valeur ajoutée supérieure à l’autoproduction familiale peut réussir véritablement à répondre aux besoins des familles. Elles accepteront de payer plus cette offre de services ce qui permettra de proposer des salaires plus élevés et attirera des personnes recherchant un métier reconnu et valorisé.
Quelle vision du futur ?
Notre stratégie d’être des spécialistes, de travailler dans la qualité, d’apporter de la valeur ajoutée et de valoriser nos salariées donne satisfaction à nos clients qui payent » comptant/contents » nos prestations et nous remercient.
L’ostracisme irraisonnable que subissent les entreprises doit évoluer pour laisser le libre choix aux familles. La défense exacerbée de situations de monopole d’intervention est au détriment du public. Une complémentarité entre les associations et les entreprises serait beaucoup plus intelligente.
Le site Internet de la société M&D : www.metd.fr