Une fiscalité innovante pour mieux innover
Il fut un temps où des contribuables exigeaient d’acquitter plus d’impôt : le suffrage censitaire de Louis-Philippe et les us ministériels incitaient le percepteur à minorer le revenu des opposants politiques, pour leur dénier le droit de vote. Ce volontariat n’est plus, et l’heure est aux réformes pour payer moins ou payer mieux.
Ces innovations touchent l’impôt sur la fortune, la consommation – ou le gaspillage. La fiscalité est affaire de contraires, mais des pionniers, dont Maurice Allais et Maurice Lauré, ont su mettre de la logique dans un système dont l’opacité est calculée.
« L’ardente obligation » est de mettre notre appareil fiscal au service d’une sortie de crise par le haut, en favorisant les ruptures technologiques. La fiscalité des périodes d’après-guerre a soutenu l’investissement (dans l’appareil de production et le logement). Celle de l’après-crise soutiendra l’innovation, source de cet investissement. La France est bien placée avec le Crédit impôt recherche et pourrait pousser son avantage pour devenir un des laboratoires de la planète.
Nos inventeurs indépendants sont régulièrement loués. Or, même si le dépôt d’un brevet coûte peu en soi, le statut des inventeurs est un des moins enviables du Code des impôts, au point d’espérer l’apparition d’un statut de microentrepreneur innovant.
Nos jeunes pousses peinent souvent à trouver un second souffle, et sont achetées par des multinationales étrangères. Or notre fiscalité sur le capital-risque mène à cette issue : adoption d’horizons de court-moyen terme, inférieurs à une décennie, faveur donnée à la plus-value, donc au réflexe de revente. Pour forger une logique patrimoniale de durée et stabilité, que n’a‑t-on repris la loi sur les oeuvres d’art, exonérées d’ISF et progressivement sur la plus-value, et dont le mécanisme d’évaluation lors d’un héritage aboutit à une taxation minime ?
L’innovation fiscale ne peut rester un art du court terme, et doit « inventer » du temps et des ressources pour les créateurs.
Philippe LAURIER a tenu à faire paraître dans l’eJR l’encadré suivant de Jean CHARBONNIER
Intégrer l’inventeur dans le paysage fiscal français, pour mieux soutenir l’innovation
Ce sont les PME et les structures innovantes individuelles qui sont aujourd’hui la source de l’emploi. De telles innovations sont toutefois difficiles à commercialiser pour ces structures dont les moyens sont modestes, d’autant que la durée de vie des produits (leur cycle de vie) s’avère de plus en plus courte.
Pour un inventeur indépendant, espérer vendre à autrui une innovation qui soit simplement au stade du brevet est quasi utopique : il convient de l’aider en lui donnant par un moyen fiscal le temps nécessaire pour la tester et en prouver le potentiel aux yeux de partenaires futurs. Afin ensuite de la commercialiser dans de meilleures conditions entrepreneuriales, directement ou indirectement.
Pour cet inventeur individuel, créer d’emblée son entreprise est souvent rédhibitoire car compliqué, et surtout trop onéreux. En effet, on lui impose un doublement des charges sociales : sur son activité principale, et en tant qu’entrepreneur. Le point mort moyen d’une telle entreprise est de l’ordre de 30 000 €. Au-dessous elle perd de l’argent.
Pourquoi dès lors le taxer et le contrôler dès les phases amont de son action créatrice ? Une solution résiderait dans la création d’un statut de Micro Entrepreneur Innovant, dont les grandes lignes peuvent être ainsi résumées :
- Etre Inventeur Indépendant ;
- K bis gratuit ;
- Fiscalement : initialement aucune taxe de 0 à 37500 € de CA, puis 15% de taxe sur les 37 500 € suivants (soit de 37 500 à 75 000 € de Chiffre d’affaires) ;
- Comptabilité simplifiée déclarative, avec cahier recettes-dépenses.
Ce dispositif lui permettrait de tester son invention avant de s’engager plus lourdement dans la création par exemple d’une SARL. Elle permettrait également à cet innovateur de valider ses hypothèses technologiques ou commerciales avant de devoir impliquer son patrimoine personnel.
Jean CHARBONNIER, Vice Président de l’A.I.C.T.
(Association des Inventeurs et Créateurs de Touraine)