Une industrie des hautes technologies marquée par une forte empreinte militaire
L’économie israélienne est en plein essor, tirée par les hautes technologies. Cela provient d’un état d’esprit particulier, mélange d’audace et de culot où Tsahal y joue un rôle particulier, avec une formation au cours d’un service militaire long, avec ses unités de recherche recrutant les meilleurs éléments et un brassage des catégories sociales.
La réussite dans le développement et la création de technologies qu’a atteinte Israël, petit pays sans ressources naturelles, entouré de pays pour la plupart ennemis, est assez surprenante.
Les sources de cette réussite sont diverses. Qu’il s’agisse de la formation universitaire, qui met un point d’honneur à intégrer des étudiants très tôt dans des groupes de recherche et à créer de nombreux partenariats avec l’industrie, ou de la formation militaire où, à peine le bac en poche, certains jeunes sont intégrés dans des unités d’élite technologique spécialisées dans de nombreux domaines comme la cybersécurité, la computer vision, le traitement des signaux, ou encore le développement de drones, la volonté de créer, d’innover, et surtout d’oser, est une composante clef de la scène technologique israélienne.
REPÈRES
Israël, petit pays de 8,5 millions d’habitants, compte le nombre de start-up par habitant le plus élevé au monde.
Depuis sa création, les investissements dans le secteur de la high-tech ne cessent de croître, se manifestant sous la forme de centres de R & D avancés de grandes entreprises telles qu’Amazon, Google, Facebook, IBM, Yahoo, Samsung, Apple ou sous forme d’injections de capitaux et de rachats de start-up.
La Start-up Nation, telle qu’elle est souvent dénommée, fait d’ailleurs l’objet d’un livre de titre éponyme, coécrit par Dan Senor et Saul Singer.
L’ARMÉE EST UN PUISSANT MOTEUR D’INNOVATION
L’armée joue un rôle primordial dans le monde de l’entreprise israélien. La fameuse unité 8 200 de renseignement est aujourd’hui la plus grosse de Tsahal. L’impact de l’armée sur la création de start-up et sur l’innovation technologique tient à deux facteurs.
Le premier est le fait que certains jeunes, de 18 ans à peine, deviennent officiers et sont très tôt amenés à diriger et gérer des groupes d’hommes, ou des projets d’envergure dont, pour certains, des vies peuvent dépendre.
“ L’armée joue un rôle primordial dans le monde de l’entreprise ”
Cette formation produit une future génération d’entrepreneurs qui n’hésitent pas à prendre des risques ainsi que des responsabilités managériales dans des grandes entreprises. La gestion d’hommes n’est pas nouvelle pour eux, ni la prise de risque.
La seconde contribution de l’armée à l’effervescence de la high-tech et la création de start-up est l’avancée technologique de Tsahal. Tous les ans, des recruteurs de l’armée sillonnent les meilleurs lycées du pays pour recruter dans des programmes spéciaux (comme Talpiot) les meilleurs éléments pour les intégrer juste après le bac dans des unités de recherche.
Certaines entreprises comme Checkpoint (un des leaders mondiaux en matière de cybersécurité) ont même été créées par d’anciens collègues de ces unités de l’armée qui ne sont pas passés par la case université. Le nombre de start-up créées par des anciens du programme Talpiot est exceptionnellement élevé.
De nombreux domaines scientifiques sont couverts par ces unités, comme la cryptologie, le traitement de signal, l’analyse d’image, les systèmes de navigation, répondant à des besoins tactiques et stratégiques liés à la sécurité du pays, qui est mise à l’épreuve en permanence.
LA CULTURE DE L’AUDACE
La mentalité des Israéliens, et leur légendaire chutzpah (culot), y est aussi pour quelque chose.
Totalement libérées de formalisme et de codes sociaux conventionnels propres aux entreprises européennes, la communication et la prise de décision s’effectuent de façon beaucoup moins hiérarchique – et plus efficace.
LES PARCOURS SCIENTIFIQUES SONT VALORISÉS
Le concept d’over qualification pour des docteurs ayant obtenu leur thèse et en recherche d’emploi est quasi absent de la scène technologique israélienne.
Le ministre de l’Éducation, lui-même un ancien fondateur de start-up, a récemment lancé une campagne visant à inciter les jeunes bacheliers à choisir cinq crédits de mathématiques au baccalauréat (qui constituent le plus haut niveau de mathématiques au lycée) expliquant qu’un haut niveau en mathématiques est un bagage indispensable pour l’innovation dans le secteur technologique.
L’armée brassant une population de toutes les catégories sociales et de différentes générations, l’efficacité dans la communication y est primordiale, et les barrières hiérarchiques existent mais n’y sont pas des murs de béton.
L’approche israélienne du secteur de la high-tech est avant tout aventureuse. L’échec d’une start-up n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme une expérience. De nombreux entrepreneurs comme le fondateur de Waze n’ont pas percé dès la première aventure.
Dans certaines entreprises, le fait d’avoir échoué après avoir fondé une start-up est même perçu comme un atout lors de recrutements car c’est une preuve d’esprit aventureux et entreprenant.
Le climat de Start-up Nation encourage aussi beaucoup de jeunes à se lancer, ne se sentant pas seuls dans ce genre d’entreprise, car « monter sa boîte » est pratique assez courante.
L’UNIVERSITÉ, FERMENT DE L’INNOVATION
Les universités israéliennes, avec leurs nombreux incubateurs et toutes les aides qu’elles fournissent à leurs étudiants désireux de se lancer dans la création de start-up, ont aussi beaucoup d’impact sur ce secteur.
“ L’échec d’une start-up n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme une expérience ”
L’Université de Tel-Aviv a été classée en 2017 parmi les dix premières universités au monde pour son nombre de diplômés devenus entrepreneurs. Mais le rôle des universités ne se limite pas à encourager les étudiants à se lancer dans la création d’entreprise.
La plupart des institutions académiques scientifiques israéliennes mettent un point d’honneur à encourager leurs étudiants à faire de la recherche, et à ne pas se limiter à une simple licence ou à un master sans thèse.
Contrairement au système des grandes écoles, qui a pour but de former des cadres dirigeants et qui ne pousse pas toujours les étudiants à se diriger vers des doctorats, l’élite israélienne de la high-tech est constituée pour la plupart de docteurs.
Les drones d’Elbit sont à la pointe des technologies militaires.
L’innovation passe avant tout par la recherche, et non pas uniquement par les capacités managériales.
Néanmoins, si les Israéliens savent innover, la capacité de passer de petite et moyenne entreprise au stade de multinationale fait défaut, et limite la possibilité des entreprises de s’étendre et de s’ouvrir à de nouveaux marchés.
La plupart des start-up israéliennes se font racheter par des gros groupes (souvent américains).
Cela est dû à la fois à une mondialisation qui privilégie les très grandes entreprises et constitue un barrage difficilement franchissable pour des entreprises de taille moyenne, mais aussi à un manque de patience caractéristique des Israéliens, désireux de faire leur « exit », afin de disposer d’un coup d’un capital de plusieurs millions de dollars leur permettant de poursuivre leur aventure entrepreneuriale.