Une invention polytechnicienne : le sous-marin militaire
Sur plusieurs générations, des ingénieurs du Génie maritime issus de Polytechnique ont posé les bases du sous-marin, puis l’ont développé dans une perspective militaire. Il s’agit de Dupuis de Lôme, Zédé, Romazzotti et Laubeuf qui mirent au point le Gymnote, la Sirène, puis le torpilleur sous-marin qui abordera la Première Guerre mondiale avec une avance technologique internationale.
La difficulté d’une propulsion en milieu anaérobie et celle d’une direction en trois dimensions retardèrent la mise au point d’engins aptes à des missions militaires en France à la fin du XIXe siècle. Cela fut rendu possible par la réflexion et les efforts conjugués des ingénieurs du corps du Génie maritime issus de Polytechnique, dont quatre méritent d’être chronologiquement cités et dont trois dirigèrent d’ailleurs leur direction centrale, dite alors « du matériel », au sommet de leur carrière. Nous commencerons par la première génération des concepteurs.
Henri Dupuy de Lôme (X1835)
Dupuy de Lôme (Stanislas, Charles, Henri, Laurent) né en 1816 au château de Ploemeur (Morbihan), fils d’un capitaine de frégate, entre à l’X en 1835 puis opte pour le corps militaire du Génie maritime. Après un séjour en Angleterre, il publie en 1844 un Mémoire sur la construction des bâtiments en fer, vrai manifeste qui enthousiasme le futur empereur. Il devient « l’ingénieur chargé » (directeur de projet) pour le premier navire de guerre « de ligne », le Napoléon, lancé en 1850 : 90 canons et plus de 5 000 t propulsés par une hélice, autre nouveauté, qui lui permet de dépasser les 13 nœuds.
Ce vaisseau s’illustrera lors de la guerre de Crimée, mais singulièrement comme… remorqueur de vaisseaux à voile pour traverser les Dardanelles et le Bosphore.
La frégate, Gloire, lancée à Toulon en 1852 sur ses plans, tête d’une série de quatre, est la première frégate cuirassée (820 t pour un blindage de 12 cm jusqu’à 2 mètres sous la coque, compensés par la suppression d’une batterie de canons ramenée à 36 pièces, avec une vitesse de 13,5 nd aux essais, mais les sabords devaient être fermés par mer formée ! Le Génie maritime français se hisse au niveau anglais.
Les prémices des sous-marins
Par-delà la légende des soldats d’Alexandre le Grand devant Tyr (332 av. J.-C.) et les dessins de Léonard de Vinci ou autres Italiens de la Renaissance, on trouve dans les prémices de l’histoire des sous-marins en 1624 la commande de Charles Ier Stuart au Hollandais Cornelius Drebbel, pour traverser… la Tamise, ou dès 1690–1692 les essais de Denis Papin à Marburg (en Hesse, première université protestante, fondée dès 1527).
L’idée d’un véritable submersible à visée militaire remonte raisonnablement à 1797, avec le Nautilus de Robert Fulton, mais il n’arrivera pas à vendre son concept, ni à l’Angleterre, ni à la France (cf. le roman d’Alexandra Rossi, Le sous-marin de Bonaparte). L’éperonnage, en 1864 au large de Charleston, d’un navire nordiste par le CSS (Confederate States Ship) H.L. Hunley, avant qu’il disparaisse corps et biens peu après, reste tout autant de l’ordre anecdotique.
Une fin de carrière politique
Dès 1857, à 41 ans, Dupuy de Lôme devient directeur des constructions navales. Quatre ans plus tard il est parallèlement nommé conseiller d’État hors section, puis il entre à l’Académie de marine en 1866. Il prend une retraite anticipée à 53 ans en 1869, après douze ans comme directeur central, pour devenir aussitôt député du Morbihan dans l’ultime chambre du Second Empire. Parallèlement, il anime jusqu’à sa mort à la fois les Messageries maritimes et les Forges et Chantiers de la Méditerranée avec ses sites de La Ciotat et de La Seyne-sur-Mer. Sénateur inamovible en 1875, en succession du général Changarnier, il meurt en 1885.
Un innovateur performant
Élargissant son domaine de compétence professionnelle, il est le premier à mettre au point un « train blindé » avec des canons de marine sur rails, avant d’être chargé, à l’automne 1870 par le gouvernement provisoire, de mettre au point un aérostat dirigeable : la propulsion-orientation d’une hélice mue par les bras de quatre marins se relayant toutes les demi-heures reste inaboutie en 1872. Mais cette expérience permet la publication, la même année, d’analyses scientifiques de qualité avec la collaboration de Gustave Zédé.
Elles le conduisent dans les dernières années de sa vie, par similitude de la physique du déplacement dans les trois dimensions, à concevoir l’idée d’un engin sous-marin, puis esquisse des planches de dessin, mais il décède avant la délicate mise au point qui sera effectuée par son successeur. Il est donc bien le grand-père des sous-marins français.
Gustave Zédé (X1843)
Zédé (Gustave, Alexandre) est né à Paris le 15 février 1825 et sera le père des sous-marins. Il entre en 2e rang à Polytechnique dès 1843, suivant les traces de son propre père (X1809) : valeureux combattant en 1813–1814 en Allemagne, Pierre-Amédée Zédé avait développé sous la Restauration une belle carrière d’ingénieur du génie maritime, avec une prédilection pour les aspects forestiers, alors matière première des navires. Maître des requêtes en 1834, il deviendra préfet de l’Eure, de l’Aube, puis de la Loire. Nommé directeur des ports en 1848, il doit vite renoncer à sa fonction car malade, mais il est élevé au rang de commandeur de la Légion d’honneur en décembre 1848. Il revient au Génie maritime et termine sa carrière comme directeur des constructions navales à Cherbourg.
Vers le sous-marin !
Au sortir de l’école d’application, Gustave Zédé sert avec distinction à Brest pendant une dizaine d’années, avant d’être appelé à la direction centrale comme chef du premier bureau et très vite adoubé, en raison de son intelligence aiguë, par le directeur central Dupuy de Lôme, qui rapidement en fait son second. Il devient officier de la Légion d’honneur en 1866 et passe ingénieur de première classe en 1869. Il collabore étroitement avec Dupuy de Lôme devenu civil, sur les aérostats, en 1870–1872.
Promu en 1877 directeur des constructions navales, il démissionne dès 1880 pour devenir administrateur des Forges et Chantiers de la Méditerranée, chantier naval méditerranéen dirigé par Dupuy de Lôme, comme on l’a vu plus haut. Il obtient en janvier 1888 du ministre de la Marine, l’amiral Hyacinthe Aube, zélateur de la Jeune École (favorable à la multiplicité de petites unités navales rapides), une dépêche ministérielle pour la réalisation à Toulon d’un « bateau sous-marin ».
Les concepteurs avaient en effet surmonté les problèmes de stabilité en cap (roulis et tangage dans le plan horizontal) comme en incidence (lacet et tangage dans le plan vertical), par extrapolation de leurs réflexions et calculs sur les aérostats, avec la mise en place d’empennage dans les deux plans.
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Enfin un vrai sous-marin
Le Gymnote (Q01 – numéro de la coque) reste néanmoins un engin d’études et d’essais, un tube de diamètre 1,8 m, de 17 mètres de long, armé par cinq hommes, mû par un moteur électrique – d’où son nom, à l’instar de l’espèce de poissons à défense par décharge électrique : puissance de 54 chevaux, alimentée par une batterie de 564 accumulateurs, selon les plans de Krebs, officier de sapeurs-pompiers parisien. Il est lancé au Mourillon le 17 novembre 1888 : les ingénieurs Zédé et Romazzotti avec le commandant Krebs le manœuvrent personnellement, gyroscope électrique à bord, en rade de Toulon lors des premiers essais.
Le Gymnote atteint presque 8 nœuds en surface et la moitié en plongée, avec un rayon d’action de 65 nautiques à 5 nd. Il servira ultérieurement aux premiers essais de lance-torpilles et effectuera jusqu’en 1908 un total de près de 2 000 plongées, sans incident majeur.
Un contemporain espagnol du Gymnote
À Carthagène, le L.V. Isaac Peral y Caballero enseigne les sciences physiques à l’Escuela de ampliación de estudios de la Armada. Dans un mémoire de 1885, il affirme avoir résolu les problèmes d’un sous-marin militaire et parvient à obtenir l’appui direct de la régente Marie-Christine, malgré des réticences chez les amiraux. Il peut ainsi lancer le 8 septembre 1888 un engin, le submarino Peral, coque en forme de cigare de 22 mètres de long, pesant 85 t, avec 12 membres d’équipage disposant d’un système d’air efficace, avec une propulsion électrique à deux hélices, muni de deux tubes lance-torpilles (une en réserve). Dépourvu de kiosque et de périscope, il atteint 10 nd et 8 en plongée.
Mais des essais nocturnes satisfaisants ne compensèrent pas aux yeux de l’état-major de l’Armada la faible autonomie de l’engin, qui en outre devait remonter en surface pour lancer sa torpille, ainsi rendu visible par l’ennemi. Écœuré, Peral démissionna. Une réplique du Peral grandeur nature orne le musée naval de Carthagène, qui reste le port militaire espagnol des sous-marins. Il est très étonnant de constater la parfaite concomitance à l’automne 1888 du lancement toulonnais du Gymnote, deux mois plus tard (8 septembre – 17 novembre), sans qu’on sache s’il y avait eu ou non des relations entre ces deux sites « d’invention pratique » du sous-marin à vocation militaire.
De légitimes hommages
Entretemps Gustave Zédé, remonté dans la capitale, est victime d’un grave accident de laboratoire lors d’une manipulation de poudre propulsive pour torpille, qui lui brise les jambes : il en meurt le 26 avril 1891 et est enterré au cimetière du Montparnasse. Il est très remarquable que, dès le 1er mai, son nom soit donné au deuxième (Q02) sous-marin français, initialement baptisé Sirène, alors en construction. Cette rapidité extrême semble compenser une cravate de commandeur de la Légion d’honneur qui ne lui avait pas encore été décernée pour la réussite du Gymnote, en raison d’une querelle entre ministères pour l’imputation sur leurs contingents annuels respectifs…
Pour la cinquième fois la Marine rend actuellement hommage à cet ingénieur exceptionnel, puisque la nouvelle série de quatre pétroliers ravitailleurs aura comme tête de série un Gustave Zédé, précédant trois autres noms d’ingénieurs du corps du Génie maritime : Émile Bertin (X1858), Jacques Stosskopf (X1920S) et Jacques Chevallier (X1940).
Gaston Romazzotti (X1874)
Gaston Romazzotti (neveu par alliance de Gustave Zédé !) est né en juillet 1855 à Molsheim (Bas-Rhin). Il entre à l’X à l’automne 1874 et prend la dernière des six places proposées pour l’école d’application du Génie maritime, étant 40e sur 252 au classement de sortie. Il est affecté en 1878 à Toulon, passe première classe en 1880, puis sert à Cherbourg cinq ans (1881−1886), avant de revenir à Toulon où il est chargé de la construction du premier sous-marin, le Gymnote, sur les plans de Gustave Zédé, oncle de son épouse, ce qui lui vaut la croix de la Légion d’honneur en mai 1890.
Romazzotti dirige à Cherbourg la construction de la Sirène (Q02), rebaptisée en 1891 Gustave Zédé, qui pèse 226 t car la coque est en bronze, plus rigide ; l’engin dispose d’un moteur électrique de 750 chevaux, atteint 12,7 nd à vitesse maximale (mais 15 étaient théoriquement prévus) et d’emblée comporte un tube lance-torpilles : le navire réussira en plongée périscopique à torpiller le cuirassé Magenta avançant à 10 nd, démontrant que le sous-marin était bien devenu une arme de guerre, même si la stabilité en mer et le faible rayon d’action le cantonnaient, à ce stade encore expérimental, à des tâches de défense côtière.
Une brillante carrière
Il développera ensuite au début du XXe siècle une série de vingt petits sous-marins à simple coque, au nom de poisson en général, donc surnommés… « les fritures » – tête de série : la Naïade. Ils sont tous retirés du service en 1914 en raison de leurs défauts et d’un manque de stabilité à la mer, en surface. Officier de la Légion d’honneur en 1899, promu ingénieur général en 1905 et directeur de la fonderie de Guérigny (dans la Nièvre, sur la Loire), il y met au point les chaînes d’ancre en acier.
Directeur des constructions navales à Brest en 1909, il devient directeur central en 1912, promu commandeur de la Légion d’honneur en décembre. Il meurt à son domicile parisien le 18 septembre 1915. Tout comme pour son oncle, un sous-marin de la classe Lagrange (Q114), en construction, porte son nom par décision quasi immédiate du ministre de la Marine ; ce bâtiment, le Romazzotti, sera en service de 1918 à 1937.
Maxime Laubeuf (X1883)
Maxime Laubeuf est né à Poissy le 23 novembre 1864. Il entre à Polytechnique dès 1883 et opte pour le Génie maritime, 8e sur une promotion de 10 ; « sous-ingénieur » (grade rebaptisé « ingénieur de deuxième classe ») à Brest, il est en disponibilité d’août 1893 à juillet 1895, puis revient à l’arsenal de Cherbourg. Il passe en 1900 au grade d’ingénieur en chef, assorti de la croix de chevalier de la Légion d’honneur en juillet. Affecté l’année suivante à Toulon, promu ingénieur en chef de première classe en 1905, de retour à Cherbourg début 1906, il démissionne le 27 octobre pour entrer chez Schneider où il a les coudées franches pour développer ses conceptions de submersibles. Il rejoindra ultérieurement les Ateliers et Chantiers de Bretagne.
Ses percées techniques puis le rôle des sous-marins durant le premier conflit mondial, qui tous, Allemands au premier chef, s’inspirent de ses grands choix techniques, lui valent une grande notoriété et un brillant cursus dans notre ordre national : officier en 1919, commandeur en 1923, puis grand officier en janvier 1936. Admis à l’Académie de marine, il deviendra membre de l’Académie des sciences. Il avait écrit en 1915, puis repris en l’élargissant en 1917, un ouvrage réputé Sous-Marins et Submersibles. Il meurt et est enterré à Cannes le 23 décembre 1939.
Deux idées fondamentales
Lors du concours du ministre de la Marine Lockroy (cf. encadré page 77) pour un « torpilleur sous-marin », Laubeuf retient dans son projet deux principes de base. D’une part une double coque, le cigare du sous-marin étant logé à l’intérieur de la coque d’un torpilleur.
L’espace entre les deux sert pour les ballasts, ainsi placés hors de la coque épaisse, ce qui accroît significativement l’espace intérieur disponible du sous-marin et permet une profondeur de plongée plus grande, avec des ballasts plus volumineux, tout en améliorant largement la tenue à la mer par la forme de la carène, plus appropriée, d’un navire de surface. A posteriori, on peut dire qu’il a été le seul à interpréter à la lettre le titre du concours !
D’autre part, une double propulsion, à vapeur pour la surface et électrique en plongée, permet de recharger les accumulateurs de la seconde par la première et donc d’allonger largement le rayon d’action du navire, plus la sécurité de ne pas dépendre exclusivement de moteurs électriques, encore fragiles à l’époque.
Le Narval, succès majeur
Cette vision féconde conduit à lui commander le Narval (Q04), « torpilleur submersible » d’environ 200 tonnes à plongée rapide. Les essais furent si satisfaisants que ce prototype participa à la revue navale de Cherbourg en juillet 1900, devant le président de la République (Émile Loubet – bien connu dans la Marine, puisque le portrait officiel du Président de la République en exercice sur un bâtiment de guerre, parcelle mobile du territoire national, s’appelle toujours un loubet, en mémoire de celui qui imposa cet usage).
Dès 1901 une première série s’ensuit dont la tête reprend le nom de Sirène (Q05), suivie du Triton (Q06), puis de l’Espadon (Q13) et de la Silure (Q14) qui serviront durant le premier conflit mondial. Tous seront ensuite désarmés en 1919. Il perfectionne le Narval – déjà muni d’un périscope – avec l’Aigrette (Q38) et la Cigogne (Q39), mais les onze suivants prévus dans la série seront annulés. Il avait pourtant remplacé la propulsion vapeur par le diesel, idée qui est ensuite universellement adoptée car elle résout le gros des problèmes induits par la chaleur : la corrosion des conduits et de la cheminée d’évacuation, de même que le niveau de la température ambiante à bord qui était à la limite du supportable pour l’équipage.
Une avance internationale
Laubeuf réussit ainsi à grandement améliorer le tonnage et le rayon d’action puisqu’en 1912 ses submersibles font les trajets directs Rochefort-Toulon (par le Faraday) et Brest-Bizerte (par le Papin).
La Marine française dispose, grâce à cet ingénieur de grand talent, d’une avance en matière de sous-marins, arme navale nouvelle qui serait susceptible par leurs torpilles de concurrencer les grands cuirassés issus du concept anglais du Dreadnought. Son nom a été légitimement donné dans la fin des années 1980 à la grande forme de construction à plat des sous-marins de l’arsenal de Cherbourg, dont le volume interne utile correspond à… onze fois les dimensions de l’Arc de Triomphe.
Dans sa version à propulsion nucléaire et lanceur de missiles chargés de bombes atomiques, le sous-marin mis au point par les ingénieurs du Génie maritime reste au xxie siècle, en logique de dissuasion, l’ultima ratio republicae.
Le « concours d’idées » du ministre Lockroy
Hiérarque du parti radical-socialiste venu de l’extrême gauche (ancien Chemise rouge de Garibaldi en 1860, puis secrétaire d’Ernest Renan en Syrie durant trois ans), Édouard Lockroy sera ministre de la Marine dans le dernier lustre du XIXe siècle, au sein de plusieurs gouvernements successifs.
Il se passionne pour la Marine, écrivant maints articles et six livres sur le sujet. Il met au concours en octobre 1896 le concept d’un « torpilleur sous-marin » répondant aux caractéristiques suivantes : déplacement de 200 t, vitesse opérationnelle de 12 nd, franchissement de 100 N à 8 nd, embarquement de deux torpilles prêtes à l’emploi. Bien qu’initialement écartés, les officiers d’active sont finalement autorisés à participer, le prix se transformant pour eux en médaille.
45 projets sont remis. Le jury décerne cinq médailles d’or ex aequo aux ingénieurs du Génie maritime Chéron, Laubeuf, Maugas, Romazzotti, ainsi qu’au L.V. Darrieus, alors commandant du Gymnote, futur amiral (à la réputation de technicien très affirmée).
« Le jury décerne cinq médailles d’or ex aequo aux ingénieurs du Génie maritime Chéron, Laubeuf, Maugas, Romazzotti, ainsi qu’au L.V. Darrieus, alors commandant du Gymnote. »
Un civil, Stefan Drzewiecki, ingénieur russo-polonais d’origine, fort connu car il avait vendu plusieurs sous-marins à propulsion humaine à divers États dont la Russie, avant de lancer le premier, en 1884, le concept d’une propulsion électrique pour les submersibles, se contente de remettre un projet d’appareil de lancement de torpilles, également primé, en 2e rang, mais sans premier prix attribué dans la catégorie !
Le ministre donne suite aux projets des lauréats : outre Laubeuf, Romazzotti peut poursuivre la mise au point du Morse (Q03) lancé en 1899, qui est une sorte d’intermédiaire entre le Gymnote et le Gustave Zédé avec ses 149 t pour 36,5 m de long.
Le Farfadet (Q07) est lui l’œuvre de Gabriel Maugat (X1884), tête d’une série de quatre bâtiments (Korrigan Q08, Gnôme QO9 et Lutin Q10). Malheureusement le Farfadet, stationné à Bizerte, disparaît par 10 mètres de fond, engloutissant le 6 juillet 1905 treize membres d’équipage (un survivant, l’autre succombant à ses blessures) : renfloué, le bâtiment sera rebaptisé le Follet. Ce premier drame sera suivi le 16 octobre 1906 par la perte du Lutin avec tout son équipage, presque au même endroit, par 36 mètres de fond.
Cette double tragédie de la Marine nationale n’est pas sans trouver écho avec les disparitions ultérieures de la Minerve et de l’Eurydice, au large de Toulon, en 1968 et janvier 1970. Ces catastrophes entraînèrent la condamnation de la classe. Maugas, entretemps, avait fortement contribué à améliorer le fonctionnement des diesels sous-marins et mis au point l’hélice à pas variable qui simplifie la mise en œuvre de la marche arrière. Collaborateur de Foch durant la guerre, ingénieur général, commandeur de la Légion d’honneur en 1921, il dirigera ensuite les Forges et Hauts-Fourneaux de Differdange, au Luxembourg.