Une mission de service public pour la sécurité de la navigation : l’hydrographie
L’hydrographie comprend tout ce qui est nécessaire pour produire les cartes et documents indispensables à la sécurité de la navigation, ainsi que les services d’information urgente et de mise à jour correspondants.
Elle est par nature duale, car tous les usagers de la mer ont besoin d’information nautique ; les militaires utilisent autant que possible pour l’hydrographie et la navigation les mêmes systèmes que les civils.
C’est notamment pour ces raisons que cette mission est confiée à la marine, au sein du SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine).
Très tôt dans son histoire, le Service hydrographique français a été conçu comme un instrument, à la fois militaire et civil1, de l’exercice de la souveraineté de l’État en mer. Soucieux de développer leurs marines militaires et marchandes pour défendre leurs intérêts économiques et stratégiques, beaucoup d’États prirent conscience à la même époque de la nécessité de disposer librement de documents nautiques de qualité, nécessitant des opérations de levés hydrographiques systématiques et des processus de production de l’information nautique maîtrisés. Ces activités d’hydrographie et de cartographie marine s’inscrivent aujourd’hui dans le cadre général de l’action de l’État en mer et des obligations internationales de la France (Convention internationale Solas sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, Convention des Nations unies sur le droit de la mer).
Les cartes marines sont la production la plus connue du SHOM, mais la sécurité de la navigation requiert d’autres documents, comme les instructions nautiques ou l’annuaire des marées, ainsi qu’un service de tenue à jour continue : le SHOM est coordonnateur national de ce domaine qui est lui aussi organisé par une convention internationale de l’Organisation maritime internationale (OMI).
Les moyens du SHOM comprennent environ 700 personnes, y compris les équipages des navires, et 5 navires (dont un en construction en coopération avec l’Ifremer). La moitié environ de ces moyens est consacrée à l’hydrographie, l’autre étant consacrée au soutien et aux développements de la marine en hydrographie, océanographie et météorologie. Le SHOM recueille à partir de ces navires l’information hauturière, côtière et littorale dans les zones sous souveraineté française et dans certaines de celles où elle exerce la responsabilité cartographique de fait (ancienne Union française) : l’Établissement principal du SHOM à Brest assure, outre ses fonctions de développement technique, l’exploitation de l’ensemble des données recueillies.
On voit que l’activité du SHOM est étroitement imbriquée dans un réseau de relations internationales. D’une part les techniques modernes requièrent de plus en plus de normes internationales, auxquelles il faut contribuer si l’on veut rester influent et les maîtriser, sujet traité par l’Organisation hydrographique internationale (OHI). D’autre part l’obligation d’accords bilatéraux2 ouvre un chantier considérable, surtout avec les pays en voie de développement avec lesquels la France entretient des relations traditionnelles, notamment en Afrique et à Madagascar. Enfin l’hydrographie est par nature transnationale puisque les frontières maritimes ne sont pas physiquement matérialisées (si ce n’est au travers des cartes marines…).
Par ailleurs l’un des défis majeurs de notre époque est le passage au numérique, où l’hydrographie se situe résolument en pointe, malgré les lenteurs inhérentes à la transformation de l’information du papier à l’électronique et à la nécessité de conserver les produits » papier » traditionnels pendant la période de transition. La disponibilité des cartes numériques officielles (ENC) des principaux ports français est désormais maîtrisée ; cette maîtrise est intimement liée à la mise au point de normes internationales adaptées, pour laquelle le SHOM a incontestablement fait partie des services moteurs au plan mondial.
Pour optimiser la synergie entre missions de l’État, le SHOM centralise au niveau national les informations de base découlant de sa mission de service public, notamment l’information bathymétrique. Cette responsabilité l’amène, par exemple, à proposer des développements innovants pour la description détaillée de la bathymétrie et de la topographie du littoral, nécessaires pour tout projet de gestion de cette zone sensible ; le projet conjoint » LITTO 3D « , en cours de définition en coopération étroite avec l’IGN (Institut géographique national), fédère les énergies dans ce domaine et permet de satisfaire aux orientations européennes de gestion intégrée des zones côtières tout en faisant progresser les capacités militaires.
Pour mieux maîtriser ces progrès rapides, le SHOM est actuellement en train de produire un effort sans précédent pour son système de management de la qualité, en particulier les méthodes et les procédures. La meilleure manière d’assurer que ce système est au bon niveau, et qu’il y reste, est de le faire certifier, opération achevée début 2004, puis de maintenir cette certification. Pour sérier les problèmes et éviter de trop solliciter une ressource humaine déjà proche de la saturation, les processus touchant la sécurité de la navigation, qui recouvrent l’ensemble de l’hydrographie, ont été traités dans une première étape.
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1. » Pour soutenir la gloire de ses armes ou pour étendre et améliorer le commerce de la navigation » – Arrêté du Conseil du roi du 5 octobre 1773.
2. Cette obligation découle de la nouvelle rédaction de la Convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) de l’OMI, qui stipule que chaque pays est responsable de l’hydrographie de sa zone de souveraineté, ce qui implique que la responsabilité cartographique, lorsqu’elle est confiée à un autre pays, doit faire l’objet d’un accord formel.