Navire hydrographe d’Entrecasteaux.

Une mission de service public pour la sécurité de la navigation : l’hydrographie

Dossier : Marine nationaleMagazine N°596 Juin/Juillet 2004
Par Yves DESNOËS (66)

L’hy­dro­gra­phie com­prend tout ce qui est néces­saire pour pro­duire les cartes et docu­ments indis­pen­sables à la sécu­ri­té de la navi­ga­tion, ain­si que les ser­vices d’in­for­ma­tion urgente et de mise à jour correspondants.
Elle est par nature duale, car tous les usa­gers de la mer ont besoin d’in­for­ma­tion nau­tique ; les mili­taires uti­lisent autant que pos­sible pour l’hy­dro­gra­phie et la navi­ga­tion les mêmes sys­tèmes que les civils.
C’est notam­ment pour ces rai­sons que cette mis­sion est confiée à la marine, au sein du SHOM (Ser­vice hydro­gra­phique et océa­no­gra­phique de la marine).

Très tôt dans son his­toire, le Ser­vice hydro­gra­phique fran­çais a été conçu comme un ins­tru­ment, à la fois mili­taire et civil1, de l’exer­cice de la sou­ve­rai­ne­té de l’É­tat en mer. Sou­cieux de déve­lop­per leurs marines mili­taires et mar­chandes pour défendre leurs inté­rêts éco­no­miques et stra­té­giques, beau­coup d’É­tats prirent conscience à la même époque de la néces­si­té de dis­po­ser libre­ment de docu­ments nau­tiques de qua­li­té, néces­si­tant des opé­ra­tions de levés hydro­gra­phiques sys­té­ma­tiques et des pro­ces­sus de pro­duc­tion de l’in­for­ma­tion nau­tique maî­tri­sés. Ces acti­vi­tés d’hy­dro­gra­phie et de car­to­gra­phie marine s’ins­crivent aujourd’­hui dans le cadre géné­ral de l’ac­tion de l’É­tat en mer et des obli­ga­tions inter­na­tio­nales de la France (Conven­tion inter­na­tio­nale Solas sur la sau­ve­garde de la vie humaine en mer, Conven­tion des Nations unies sur le droit de la mer).

Les cartes marines sont la pro­duc­tion la plus connue du SHOM, mais la sécu­ri­té de la navi­ga­tion requiert d’autres docu­ments, comme les ins­truc­tions nau­tiques ou l’an­nuaire des marées, ain­si qu’un ser­vice de tenue à jour conti­nue : le SHOM est coor­don­na­teur natio­nal de ce domaine qui est lui aus­si orga­ni­sé par une conven­tion inter­na­tio­nale de l’Or­ga­ni­sa­tion mari­time inter­na­tio­nale (OMI).

Les moyens du SHOM com­prennent envi­ron 700 per­sonnes, y com­pris les équi­pages des navires, et 5 navires (dont un en construc­tion en coopé­ra­tion avec l’I­fre­mer). La moi­tié envi­ron de ces moyens est consa­crée à l’hy­dro­gra­phie, l’autre étant consa­crée au sou­tien et aux déve­lop­pe­ments de la marine en hydro­gra­phie, océa­no­gra­phie et météo­ro­lo­gie. Le SHOM recueille à par­tir de ces navires l’in­for­ma­tion hau­tu­rière, côtière et lit­to­rale dans les zones sous sou­ve­rai­ne­té fran­çaise et dans cer­taines de celles où elle exerce la res­pon­sa­bi­li­té car­to­gra­phique de fait (ancienne Union fran­çaise) : l’É­ta­blis­se­ment prin­ci­pal du SHOM à Brest assure, outre ses fonc­tions de déve­lop­pe­ment tech­nique, l’ex­ploi­ta­tion de l’en­semble des don­nées recueillies.

On voit que l’ac­ti­vi­té du SHOM est étroi­te­ment imbri­quée dans un réseau de rela­tions inter­na­tio­nales. D’une part les tech­niques modernes requièrent de plus en plus de normes inter­na­tio­nales, aux­quelles il faut contri­buer si l’on veut res­ter influent et les maî­tri­ser, sujet trai­té par l’Or­ga­ni­sa­tion hydro­gra­phique inter­na­tio­nale (OHI). D’autre part l’o­bli­ga­tion d’ac­cords bila­té­raux2 ouvre un chan­tier consi­dé­rable, sur­tout avec les pays en voie de déve­lop­pe­ment avec les­quels la France entre­tient des rela­tions tra­di­tion­nelles, notam­ment en Afrique et à Mada­gas­car. Enfin l’hy­dro­gra­phie est par nature trans­na­tio­nale puisque les fron­tières mari­times ne sont pas phy­si­que­ment maté­ria­li­sées (si ce n’est au tra­vers des cartes marines…).

Par ailleurs l’un des défis majeurs de notre époque est le pas­sage au numé­rique, où l’hy­dro­gra­phie se situe réso­lu­ment en pointe, mal­gré les len­teurs inhé­rentes à la trans­for­ma­tion de l’in­for­ma­tion du papier à l’élec­tro­nique et à la néces­si­té de conser­ver les pro­duits » papier » tra­di­tion­nels pen­dant la période de tran­si­tion. La dis­po­ni­bi­li­té des cartes numé­riques offi­cielles (ENC) des prin­ci­paux ports fran­çais est désor­mais maî­tri­sée ; cette maî­trise est inti­me­ment liée à la mise au point de normes inter­na­tio­nales adap­tées, pour laquelle le SHOM a incon­tes­ta­ble­ment fait par­tie des ser­vices moteurs au plan mondial.

Pour opti­mi­ser la syner­gie entre mis­sions de l’É­tat, le SHOM cen­tra­lise au niveau natio­nal les infor­ma­tions de base décou­lant de sa mis­sion de ser­vice public, notam­ment l’in­for­ma­tion bathy­mé­trique. Cette res­pon­sa­bi­li­té l’a­mène, par exemple, à pro­po­ser des déve­lop­pe­ments inno­vants pour la des­crip­tion détaillée de la bathy­mé­trie et de la topo­gra­phie du lit­to­ral, néces­saires pour tout pro­jet de ges­tion de cette zone sen­sible ; le pro­jet conjoint » LITTO 3D « , en cours de défi­ni­tion en coopé­ra­tion étroite avec l’I­GN (Ins­ti­tut géo­gra­phique natio­nal), fédère les éner­gies dans ce domaine et per­met de satis­faire aux orien­ta­tions euro­péennes de ges­tion inté­grée des zones côtières tout en fai­sant pro­gres­ser les capa­ci­tés militaires.

Pour mieux maî­tri­ser ces pro­grès rapides, le SHOM est actuel­le­ment en train de pro­duire un effort sans pré­cé­dent pour son sys­tème de mana­ge­ment de la qua­li­té, en par­ti­cu­lier les méthodes et les pro­cé­dures. La meilleure manière d’as­su­rer que ce sys­tème est au bon niveau, et qu’il y reste, est de le faire cer­ti­fier, opé­ra­tion ache­vée début 2004, puis de main­te­nir cette cer­ti­fi­ca­tion. Pour sérier les pro­blèmes et évi­ter de trop sol­li­ci­ter une res­source humaine déjà proche de la satu­ra­tion, les pro­ces­sus tou­chant la sécu­ri­té de la navi­ga­tion, qui recouvrent l’en­semble de l’hy­dro­gra­phie, ont été trai­tés dans une pre­mière étape.

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1.
 » Pour sou­te­nir la gloire de ses armes ou pour étendre et amé­lio­rer le com­merce de la navi­ga­tion » – Arrê­té du Conseil du roi du 5 octobre 1773.
2. Cette obli­ga­tion découle de la nou­velle rédac­tion de la Conven­tion SOLAS (Safe­ty Of Life At Sea) de l’O­MI, qui sti­pule que chaque pays est res­pon­sable de l’hy­dro­gra­phie de sa zone de sou­ve­rai­ne­té, ce qui implique que la res­pon­sa­bi­li­té car­to­gra­phique, lors­qu’elle est confiée à un autre pays, doit faire l’ob­jet d’un accord formel.

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