Green-Acres : une plateforme pour les achats immobiliers lointains
Benoît Galy (97) a créé et dirige Green-Acres, un site d’annonces immobilières qui facilite l’achat d’un bien immobilier éloigné de son lieu de résidence principale.
Que permet Green-Acres ?
Green-Acres est un portail d’annonces immobilières permettant de trouver une maison à acheter loin de son lieu d’habitation habituelle. Vous cherchez une résidence secondaire en Dordogne ? Une maison pour prendre votre retraite en Algarve dans le sud du Portugal ? Green-Acres est le portail de référence.
Comment t’est venue l’idée ?
J’ai testé plusieurs idées, et notamment, j’ai pris une semaine de vacances pour vendre des annonces à des agents immobiliers, sur la base d’un petit site préexistant que j’ai ensuite racheté. Les premiers jours, ça ne marchait pas : « Je suis agent immobilier, je diffuse mes annonces sur SeLoger.com, sur mon site, je suis sur le site de la FNAIM, je suis agence Orpi et je diffuse sur Provence Cévennes immobilier. Je ne vois vraiment pas ce que je viendrais faire chez vous. » C’est alors que j’ai commencé à focaliser le discours sur la clientèle internationale. J’ai pris le site Ryanair et j’ai appelé les agences dans les villes desservies depuis Londres et les retours sont devenus intéressés : « Ah oui, les Anglais, je ne sais pas comment les toucher. »
Quel est le parcours des fondateurs ?
Après l’X et Télécom ParisTech, j’ai passé deux ans chez France Télécom R & D dans une start-up interne qui avait vocation à s’émanciper du groupe. La crise de l’an 2000 étant passée par là, l’inertie propre au grand groupe a pris le dessus sur l’esprit de commando et nous sommes redevenus un simple laboratoire de recherche. Aspirant à plus de créativité, j’ai décidé de me lancer à mon compte.
Qui sont les concurrents ?
SeLoger venait de lever 60 M€ ; j’ai lancé la société avec 22 000 € de capital social. Armé de mon téléphone et d’un portable, je passais cinq cents coups de fil par semaine, cinq coups de fil en moyenne pour passer la secrétaire et avoir une réponse, sur cent réponses quatre-vingt-dix non, huit peut-être rappelez, deux qui faisaient l’essai, un qui devenait client…, avec un client qui s’abonnait par semaine, j’avais calculé qu’au bout d’un an je gagnerais autant qu’en étant chercheur chez France Télécom.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Les appels la journée, la programmation le soir. Au bout de cinq ans, je faisais depuis ma chambre 1 M€ de chiffres d’affaires annuel.
À être très bon seul, j’ai mis du temps à recruter et à déléguer. Avec l’équipe technique, nous avons mis du management participatif en appliquant à la lettre les principes de développement Agile/Scrum, puis nous avons étendu ces processus décisionnaires à toute l’entreprise avec l’holacratie. Aujourd’hui, nous sommes quinze pour un chiffre d’affaires de 5 M€ et 35 % de croissance.
Comment devient-on leader européen ?
Il a fallu être forts sur nos points forts et focalisés sur notre niche de marché que nous avons étendue : au départ « Les Anglais en Dordogne », aujourd’hui vingt langues et seize pays. Notre maîtrise des enjeux techniques liés à l’international nous protège des gros acteurs du secteur. Faire un site qui s’affiche en hébreu ou en arabe nécessite dans la durée d’avoir une version qui s’affiche proprement de droite à gauche sur toutes les tailles d’écran. À chaque changement, il faut s’assurer que tout fonctionne en France en français, mais aussi pour des annonces au Portugal en hébreu ou en russe. Et il nous reste beaucoup à faire sur notre spécialité : ce n’est pas la même chose d’aller visiter un bien immobilier en rentrant du travail que d’acheter un bien à Lisbonne.
Qu’est-ce que le Brexit change dans ton activité ?
C’est pour nous un vrai sujet. Nous faisons 30 % de croissance annuelle au global alors que nous sommes à 0 % de croissance sur ce segment sur lequel nous sommes historiquement leaders : les Anglais compensent la baisse de la livre en achetant dans des pays peu chers. Je m’attends à un vrai faux Brexit. Mais comme le dit Yuval Noah Harari : « Il ne faut jamais sous-estimer la bêtise humaine. »
Comment les nouvelles technologies impactent ton métier ?
Le métier d’agent immobilier a encore peu été impacté par l’ubérisation. Je suis impressionné par le temps perdu en visites inutiles. Et pourtant, la société qui a levé le plus de fonds ces derniers temps est Meero, qui utilise l’intelligence artificielle pour automatiquement transformer les photos d’une maison triste, en coin de paradis. Cela génère certes des clics et des contacts, mais aussi beaucoup de visites inutiles.
Je pense que nous devons au contraire utiliser des technologies comme la vidéo 360 (à ne pas confondre avec la photo à 360 degrés) pour diviser par 3 ou 4 le nombre de visites. La visite terrain ne devrait à terme servir qu’à vérifier l’information en ligne avant de signer, pas à faire la présélection. Cela devrait impacter lourdement la profession en termes d’emploi. Un agent immobilier, c’est avant tout un commercial terrain qui fait des visites. Il faut se préparer à ce qu’en dix ou vingt ans le secteur passe de 20 000 agents immobiliers à 5 000… Il a fallu dix ans à la profession pour adopter l’appareil photo. La Ricoh Theta permet de faire des vidéos 360 pour 400 € sur Amazon.
En ces temps de montée des extrêmes droites européennes, comment réagit ton secteur ?
De manière plus globale, pour un site qui vit du dialogue des cultures et des échanges internationaux, la montée des nationalismes n’est pas une bonne nouvelle. Mais, il faut faire attention au bruit médiatique. Si l’Europe est attaquée de l’intérieur et de l’extérieur, c’est qu’elle commence vraiment à exister et à être forte. Ce n’est plus un petit projet idéaliste, fragile et sympathique, mais une entité capable de dicter sa loi aux GAFA. C’est l’ingénieur télécom qui reprend le dessus sur ces questions : quelle partie relève du bruit ? quelle partie relève du signal ? À court terme, le Brexit n’a eu aucun impact sur notre trafic. Le dumping du gouvernement britannique sur la livre sterling a stoppé net notre croissance sur ce segment.
Les X et l’immobilier, une histoire d’amour… ou non ?
Paradoxalement, mon métier n’est pas tant l’immobilier, qui est le métier de mes clients agents immobiliers. Le métier de Green-Acres, c’est celui dit de « l’économie de la plateforme », autrement dit, le développement d’outils permettant de moderniser la mise en relation. L’économie de la plateforme est propice à l’implication d’X : peu de capitaux sont nécessaires, les enjeux techniques sont nombreux et complexes, et les technologies changeant rapidement, le dernier arrivé bénéficie d’une prime d’agilité pour lutter contre les barrières à l’entrée. Avec quelques camarades entrepreneurs nous avons monté un groupe de travail pour nous soutenir les uns les autres et nous challenger dans nos idées autour de la disruption.
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[…] Pour lire l’interview de Benoît Galy dans sa globalité, c’est sur le site de la Jaune et la Rouge. […]