Une refondation de l’enseignement professionnel
L’enseignement technique et professionnel souffre en France d’un problème d’image, résultant notamment du fait qu’en fin de collège, l’orientation vers ses filières se décide trop souvent par défaut. Cela pénalise l’industrie qui a du mal à recruter des personnels techniques de tous les niveaux, ouvriers, techniciens supérieurs ou même ingénieurs.
Pour rapprocher l’école et le monde économique, l’Éducation Nationale a créé en 2013 les Campus des métiers regroupant des établissements d’enseignement secondaire et d’enseignement supérieur, de formation initiale ou continue. Ces Campus sont construits autour d’un secteur d’activité d’excellence correspondant à un enjeu économique national ou régional soutenu par la collectivité et les entreprises.
C’est pour revaloriser l’enseignement professionnel en France que le ministère de l’Éducation nationale a lancé en 2013 une vaste réorganisation consistant à regrouper des établissements de tous les niveaux au sein des « Campus des métiers et des qualifications ».
MIEUX RÉPONDRE À L’OFFRE DE L’EMPLOI ET AUX ASPIRATIONS DES DEMANDEURS
Les campus ont été institués par la loi du 8 juillet 2013 dite de « Refondation de l’École » :
« Il conviendra de faire émerger des campus des métiers, pôles d’excellence offrant une gamme de formations professionnelles, technologiques et générales dans un champ professionnel spécifique. Ces campus pourront accueillir différentes modalités de formations (statut scolaire, apprentissage, formation continue, validation des acquis de l’expérience) et organiser des poursuites d’études supérieures. »
Un objectif majeur de cette refondation est de mieux répondre à l’offre d’emplois tout en réduisant les fins de scolarité sans qualification et aussi de relancer l’ascenseur social en facilitant l’accès des adultes à des formations qualifiantes.
FORMER LES JEUNES MAIS AUSSI LES ADULTES
Bien au-delà d’un aménagement des dispositifs existants, l’institution des campus traduit la volonté d’une refondation de l’enseignement et de la formation professionnelle. Sous l’impulsion des recteurs et des présidents de région, chaque campus associe, sur un site territorial et autour d’un champ professionnel, des établissements d’enseignement secondaire et supérieur, de statuts publics et privés, avec l’objectif de former des élèves et des apprentis, mais également des adultes.
Un Guide des Campus énumère les relations qu’ils doivent établir avec les entreprises du périmètre du campus :
- concertation sur les contenus et les calendriers des alternances, sur les concordances entre référentiels et stages, sur la co-utilisation des équipements techniques ;
- possibilité de construire des parcours de formation adaptés à tous les profils en utilisant la diversité des établissements ;
- organisation du droit au retour en formation des adultes salariés en vue d’accroître leur qualification ;
- appel à contribution de formateurs d’horizons divers ; transferts de technologie et veille technologique.
ALLIER LE RECTORAT ET LA RÉGION
Le label « Campus des métiers et des qualifications » est national et interministériel. Il est attribué, pour quatre années, par les ministres en charge de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, de l’Économie et de l’Emploi.
Carte des 13 campus en région Auvergne-Rhône-Alpes et projets 2017.
Un groupe interministériel d’expertise des campus – avec un président nommé par arrêté ministériel – en liaison avec le Conseil national éducation économie anime la procédure d’appels à projets.
Il analyse les projets présentés, il apporte une assistance aux maîtres d’ouvrage dans la construction de ces dispositifs et il contribue à évaluer en temps réel leur fonctionnement.
Les campus fonctionnent sous la double responsabilité du recteur et du président de région qui en ont proposé la création. Une fois labellisés, ce sont eux qui en assurent la maîtrise d’ouvrage.
Chaque campus se constitue autour d’un ou quelquefois deux établissements choisis comme pilotes. Ils sont pourvus d’une direction opérationnelle qui prend appui sur la structure d’un de ces établissements pilotes ou éventuellement sur un groupe d’intérêt public (GIP) spécifique recouvrant l’ensemble des campus de l’académie et de la région.
Au niveau régional, chaque administration concernée (région, rectorat, Onisep, Direccte, agriculture…) désigne désormais le plus souvent en son sein un « référent campus ».
DES PARCOURS DE RÉUSSITE DE BAC ‑3 À BAC +5
Chaque campus accueille les apprenants sous différents statuts : élèves, apprentis, stagiaires de la formation professionnelle, salariés en contrat de qualification. Il s’occupe de résoudre les problèmes d’hébergement et d’accès aux ressources culturelles en s’appuyant sur les régions.
“ Le campus donne à chacun les moyens de la construction progressive d’un projet professionnel ”
En formation initiale, la scolarité peut s’arrêter au bac professionnel mais aussi se poursuivre jusqu’au BTS et au-delà, au niveau mastère ou diplôme d’ingénieur.
À ceux qu’il accueille, le campus donne les moyens d’une construction progressive d’un projet professionnel qui peut aller du niveau bac ‑3 jusqu’au niveau bac +5, en intervenant en amont, dès le collège, pour contribuer à l’orientation des collégiens, et en s’efforçant de réduire les « décrochages » en cours de chemin.
Il met à la portée de chacun la poursuite d’un parcours de réussite avec une orientation active tout au long de la formation, avec une ouverture à la culture et à l’international et la construction de communautés d’appartenance.
DES CAMPUS EN PRISE DIRECTE AVEC LES TERRITOIRES
Le rôle du directeur opérationnel est essentiel. La plupart d’entre eux possèdent des compétences acquises à la fois dans le monde académique et dans le monde professionnel. Compte tenu de l’ancrage des campus, à la fois sectoriel et territorial, ils ont pour mission, en prise directe avec les réalités opérationnelles, de créer une dynamique en fédérant les établissements du campus.
Ces derniers ont le plus souvent un caractère « localisé » afin de faciliter la mise en place de plateformes techniques communes et la construction de parcours de formations croisés entre les divers établissements du campus, quels qu’en soient les statuts, tout en donnant corps à une politique d’aménagement des territoires. Ces directeurs opérationnels peuvent intervenir, en tant que conseils, dans l’élaboration de la carte des formations académiques et régionales.
Tête de pont de la révolution numérique en Drôme-Ardèche, le Campus des métiers et qualifications image numérique et industrie créative met en réseau lycéens, étudiants, ingénieurs, chercheurs et entreprises. © ROMASET
L’EXEMPLE DE LA RÉGION AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
Un livret des bonnes pratiques rend compte des conditions dans lesquelles le réseau de campus se met en place. Chaque région possède un schéma de développement de ses campus.
À titre d’exemple, voici celui de la région Auvergne- Rhône-Alpes avec ses trois académies et ses douze départements. Treize campus sont déjà lancés et trois autres sont en projet. Il y a des référents campus territoriaux et un coordonnateur pour chaque académie et pour la région académique.
Outre son référent régional, la Direccte a désigné un correspondant pour chacun des treize campus. Ces campus contribuent à la cohérence des formations professionnelles de la nouvelle région, par exemple pour le tourisme ou encore pour la construction durable.
UNE VOLONTÉ POLITIQUE À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE NATIONAL
78 campus déjà sont labellisés en France métropolitaine et dans les Dom-Tom. Leur nombre devrait atteindre la centaine en 2018.
Cette démultiplication traduit une volonté politique à l’échelle du territoire national ; en formation initiale, les campus sont au cœur des discussions sur l’apprentissage, et leur vocation à accueillir les adultes les constitue en acteurs de premier rang dans la formation continue.
RÉFÉRENCE :
-
Réconcilier les Français avec leur industrie pour lutter contre son déclin, Forum social, JR n° 731, janvier 2018.
-
Le guide des Campus des métiers et des qualifications, sous la direction de Daniel Bloch, février 2017, consultable sur le site du ministère de l’Éducation nationale
-
Onisep : Office national d’information sur les enseignements et les professions.
-
Direccte : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
-
Les bonnes pratiques des Campus des métiers et des qualifications, sous la direction de Daniel Bloch, février 2017, consultable sur le site du ministère de l’Éducation nationale