Une thérapie ciblée innovante pour mieux traiter le cancer
Mablink est une biotech lyonnaise spécialisée dans la lutte contre le cancer qui a développé une nouvelle solution thérapeutique qui s’appuie sur une technologie de masquage des molécules ADC. Cette innovation permet d’améliorer drastiquement l’efficacité des thérapies ADC et d’accélérer le développement de nouveaux traitements. Dans cet entretien, Jean-Guillaume Lafay, cofondateur et CEO de Mablink, nous en dit plus sur l’innovation portée par son entreprise, ses apports et bénéfices pour les patients ainsi que sur les prochaines étapes pour cette jeune pousse française en pleine croissance.
Depuis plus de trois ans, Mablink travaille sur le développement de thérapies ciblées. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre positionnement dans ce cadre ?
Mablink développe des anticorps conjugués aussi appelés ADC pour l’acronyme anglais « antibody-drug conjugates ». Ces ADC permettent de transporter directement dans les cellules cancéreuses des molécules cytotoxiques qui ont la capacité de tuer uniquement ces cellules, contrairement aux chimiothérapies classiques qui affectent généralement aussi les tissus sains. Notre approche permet donc de limiter fortement les effets secondaires des traitements contre le cancer sur les patients. En combinant la maîtrise de la chimie médicinale et celle de la biologie et des biotechnologies, nous poursuivons deux objectifs : créer ou choisir les molécules cytotoxiques les plus adaptées et développer les anticorps qui transporteront ces molécules cytotoxiques dans les cellules malades.
Dans ce cadre, quelles sont les innovations apportées par Mablink ?
Mablink a développé deux innovations majeures pour l’efficacité des ADC. La première concerne le lien, ou « linker » en anglais, qui attache la molécule cytotoxique à l’anticorps : nous en avons modifié la structure pour améliorer la stabilité et éviter un décrochage prématuré pendant la circulation de l’ADC dans le corps du patient.
Cette amélioration de la stabilité permet également de minimiser la toxicité sur les cellules non cancéreuses.
La seconde innovation, et qui est le coeur de notre développement, consiste à rendre les ADC « furtifs » en créant une nouvelle architecture de linker. Concrètement, ces ADC furtifs peuvent trouver plus facilement la tumeur et agir dessus avant que l’organisme les détecte et puis les élimine. Cette technologie développée par Mablink améliore significativement les caractéristiques pharmacologiques des ADC. Il suffit d’ailleurs de comparer ces ADC de nouvelle génération à la plupart des ADC déjà sur le marché ou qui devraient être approuvés sous peu pour apprécier cette amélioration. Nos deux innovations permettront non seulement d’accélérer la recherche contre le cancer mais aussi et surtout, d’améliorer l’efficacité de tous les traitements ADC. Elles peuvent en effet s’appliquer à toutes les molécules cytotoxiques choisies ou anticorps utilisés. Nous sommes en quelque sorte sur une technologie « plug and play » qui a la capacité de s’adapter à un très grand nombre d’ADC différents.
Quelles sont les retombées pour le monde de la santé ? Les patients ?
Grâce à la technologie de Mablink, les ADC devraient être à la fois plus efficaces pour détruire les tumeurs et mieux supportés par les patients car mieux tolérés par l’organisme.
À ce stade, c’est ce que les résultats précliniques obtenus nous permettent de conclure.
Par ailleurs, la versatilité de la technologie et son caractère universel permettent d’envisager le développement d’ADC contre toutes les tumeurs connues. Notre technologie laisse entrevoir un potentiel de transformation majeure des traitements de certains cancers pour lesquels, à l’heure actuelle, les médecins ont peu d’options thérapeutiques à leur disposition.
Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous finissons l’industrialisation de la fabrication ainsi que les expériences obligatoires afin d’obtenir l’autorisation nécessaire pour démarrer des essais cliniques de notre candidat médicament MBK-103 qui a un potentiel thérapeutique dans plusieurs cancers, notamment le cancer de l’ovaire.
Nous espérons obtenir cette autorisation dans les 12 prochains mois et ainsi commencer à évaluer MBK-103 chez des patients dès 2024. En parallèle, nous avons lancé les premières manipulations pour identifier les futurs ADC qui seront développés par Mablink, toujours en capitalisant sur notre technologie propriétaire qui permet de rendre les ADC furtifs. Au regard des nombreux traitements contre le cancer qui pourraient bénéficier de notre innovation et afin de maximiser l’impact de notre technologie sur les patients, nous cherchons à nouer des partenariats avec d’autres laboratoires pharmaceutiques afin qu’ils puissent bénéficier de notre technologie d’ADC furtifs. Ces collaborations permettraient de mettre les ressources de ces industriels et acteurs pharmaceutiques au service de la technologie de Mablink et du développement d’un plus grand nombre d’ADC. Notre ambition et objectif sont, in fine, de permettre à un maximum de patients de bénéficier des meilleurs traitements aussi vite que possible.
Dans cette démarche, quels sont vos enjeux ?
Nous sommes mobilisés sur plusieurs chantiers stratégiques pour relever le défi de notre croissance et de notre développement. Attirer les financements nécessaires pour aller aussi vite que la science nous le permet : à titre d’illustration, développer un ADC du stade de l’idée jusqu’à la fin des premiers essais cliniques coûte environ 35 millions d’euros. Structurer notre entreprise et recruter des compétences et des talents : en 2020, nous étions 5 personnes, nous devrions être une quarantaine d’ici la fin de l’année. Mais aussi trouver et équiper des bâtiments : nous avons pour projet de développer notre propre centre d’innovation à Lyon, dédié aux ADC et à notre technologie.
Nous avons à coeur de nous inscrire autant que possible dans le tissu économique français et de répondre aux objectifs stratégiques fixés dans le plan « France 2030 » par le Président Emmanuel Macron en termes de développement de biomédicaments.
Enfin, Mablink est aussi une aventure humaine. Pour la poursuivre, quelles sont les compétences que vous recherchez ?
Pour soutenir notre croissance, nous renforçons très régulièrement nos équipes et nous sommes même amenés à créer des nouveaux départements en interne. Actuellement, par exemple, nous faisons grandir notre équipe scientifi que pour développer nos futurs candidats médicaments en recrutant des docteurs en biologie, des ingénieurs en biotechnologie et des techniciens.
Pour gérer les nombreux partenaires industriels et consultants experts qui interviennent à différentes étapes du développement des médicaments, nous recrutons aussi des managers de projets.
Pour consolider cette montée en charge, nous recrutons aussi sur des fonctions plus classiques : finances, ressources humaines…
Enfin notre actualité en 2023 est marquée par la création de notre département clinique. La première étape sera de recruter notre directeur médical qui va jouer un rôle clé dans le succès de Mablink et des médicaments que nous portons.