Valoriser les richesses méconnues du sous-sol au service de la décarbonation et de la souveraineté énergétique
Production de chaleur bas carbone, approvisionnement en lithium, renforcement de la souveraineté économique et énergétique de la France, structuration d’une nouvelle filière et d’un écosystème à forte valeur ajoutée… sont autant d’enjeux et de projets qui mobilisent Lithium de France. Explications de Guillaume Borrel (X90), Directeur Général de l’entreprise.
Quels sont le cœur de métier ainsi que le positionnement de Lithium de France ?
Lithium de France développe des projets de valorisation de saumures géothermales, qui sont des eaux chaudes souterraines que l’on retrouve à une profondeur comprise entre 2 000 et 3 000 mètres, soit bien plus en profondeur que les nappes phréatiques que nous connaissons tous et que nous veillons à protéger. Ces saumures géothermales ont une double particularité : elles ont une température avoisinant 150 degrés et sont aussi très chargées en lithium.
À partir de ces saumures géothermales, nous extrayons des calories que nous redistribuons ensuite sous forme de chaleur directe à des industriels qui en ont besoin pour leurs procédés ; des collectivités locales pour chauffer leurs réseaux urbains ; des agriculteurs pour leurs serres maraîchères… Après avoir extrait les calories de ces saumures, nous filtrons le lithium qui est dissous dans la saumure afin de la réinjecter dans le réservoir naturel où nous avons réalisé le prélèvement. Il s’agit d’un système d’échange d’ions, un procédé respectueux de l’environnement qui permet de capter le lithium de manière sélective.
Lithium de France contribue ainsi non seulement au développement d’une énergie renouvelable non-intermittente bas carbone au travers des calories récupérées des saumures géothermales, mais aussi à développer une production locale de lithium, un composant central de la fabrication des batteries pour voiture électrique. Ce positionnement dual nous permet aujourd’hui d’être le premier opérateur indépendant français de chaleur et de lithium géothermal.
Avec ce positionnement dual, vous adressez aussi des enjeux stratégiques relatifs aux transitions environnementales et énergétiques. Qu’en est-il ?
En effet, nous apportons des solutions concrètes pour accélérer la décarbonation des usages. Aujourd’hui, une importante part de l’énergie consommée en France est utilisée sous forme de chaleur dans le mix énergétique. Cette chaleur provient essentiellement de l’électricité, qui est produite majoritairement à partir d’énergies fossiles. L’utilisation des calories des saumures géothermales s’impose donc comme une piste intéressante et pertinente pour décarboner le mix énergétique de notre pays, mais aussi pour renforcer notre souveraineté en matière d’approvisionnement énergétique.
En parallèle, nous apportons aussi une alternative plus respectueuse de l’environnement en matière d’approvisionnement en lithium, un minerai critique. En effet, les méthodes d’approvisionnement conventionnelles sont régulièrement pointées du doigt à cause de leur impact écologique et environnemental. Les principales sources de lithium sont localisées en Amérique du Sud et en Australie, alors que la transformation est majoritairement réalisée en Chine. Le lithium que l’on retrouve dans nos batteries fait ainsi une à deux fois le tour du monde avant d’être utilisé dans les procédés de fabrication des batteries, qui ont eux-mêmes un impact majeur sur l’environnement.
Notre méthode innovante permet donc d’accéder à des sources locales de lithium et de maîtriser ainsi cet impact environnemental. Au-delà, elle vient renforcer la souveraineté économique nationale et elle est aussi un vecteur de création d’emplois locaux non-délocalisables.
En outre, nous participons aussi à relever un enjeu géopolitique stratégique en réduisant notre dépendance à des pays comme la Chine en mettant en place notre propre chaîne de valeur autour du lithium et, in fine, des batteries de voitures électriques.
En quoi votre démarche est-elle innovante et à très forte valeur ajoutée dans ce contexte où les transitions s’accélèrent ?
À l’échelle mondiale, très peu d’acteurs ont ce positionnement double (production de chaleur et de lithium à partir de saumures géothermales) et ont franchi le cap de la R&D. Actuellement, nous sommes encore mobilisés sur les phases de développement en amont de l’exploitation industrielle et commerciale.
Nous menons encore un travail progressif de « dé-risquage » du processus. Si nous avons démontré la faisabilité de notre technologie et notre solution en laboratoire, il s’agit maintenant de passer à l’échelle industrielle. Dans cette continuité, nous avons un enjeu fort de maîtrise de toutes les étapes : l’identification de la ressource et du gisement, sa compréhension, sa caractérisation, l’accès et le forage des puits, la mise en place des installations et leur exploitation dans la durée. Cela implique des compétences et des expertises qu’on ne retrouve pas traditionnellement dans le secteur de la géothermie ou des mines de lithium. Pour relever ce défi, Lithium de France a la particularité de concentrer toutes les expertises nécessaires sur la partie chimie, le traitement du lithium, mais aussi sur le volet géothermie. Et on retrouve aussi dans nos équipes des compétences qui viennent de l’industrie pétrolière et qui ont une fine connaissance opérationnelle des sujets relatifs au sous-sol, au forage…
Actuellement, où en êtes-vous ?
Nous avons obtenu en 2022 un premier permis exclusif de recherche pour la géothermie. Nous avons aussi obtenu en 2023 un deuxième permis de recherche pour le lithium et un troisième pour la géothermie. Nous avons ainsi pu réaliser l’acquisition de données géophysiques pour caractériser et cartographier le sous-sol. Nous avons également réalisé une deuxième campagne d’acquisition de données sur un périmètre voisin.
Ces données ont vocation à nous permettre de préparer les premiers projets de forages profonds (2 500 mètres de profondeur). En parallèle, nous avons mis en place un laboratoire en partenariat avec Equinor, qui est non seulement un partenaire technique, mais aussi un actionnaire de Lithium de France.
vous avez réalisé une levée de fonds de 44 millions. Quelles sont vos ambitions ?
L’idée est de financer l’ensemble des projets que je viens de mentionner : finalisation du procédé, premier forage… Dans le cadre de cette levée de fonds, nous avons vu notre actionnaire majoritaire, le groupe Arverne, conserver la majorité du capital de Lithium de France. On retrouve aussi Equinor et un nouvel actionnaire stratégique, Hydro, le géant européen de l’aluminium et des métaux pour batteries. C’est d’ailleurs pour venir en appui de nos perspectives de développement que notre maison mère, Arverne Group, s’est introduite en bourse à Paris le 19 septembre dernier
Dans le cadre de votre développement, quels sont vos principaux enjeux ?
Tout d’abord, nous avons un enjeu d’acceptabilité sociale, même si je préfère le terme adhésion à acceptabilité ! Il s’agit, en effet, d’arriver à fédérer et à garantir l’adhésion de toutes les parties prenantes autour de ces projets extrêmement vertueux. En parallèle, nous sommes face à une filière émergente avec de forts enjeux de structuration. Nous avons la chance d’avoir sous nos pieds, en France, ces ressources, chaleur et lithium, et c’est une aventure technologique et humaine passionnante que de pouvoir contribuer à leur valorisation et leur développement dans un contexte marqué par l’urgence climatique. Plus que jamais, institutionnels et industriels doivent travailler ensemble pour créer un écosystème favorable au développement de ces ressources dans une logique de filière.
Et pour conclure, recherchez-vous des compétences et des talents pour vous aider à relever ces défis ?
Nous recherchons des experts en géosciences et dans toutes les sciences de la vie et de la terre de manière générales (géologie, hydro-géologie, géophysique…), ainsi que des énergéticiens ; des ingénieurs en génie chimique et en mécanique ; ainsi que des spécialistes des métiers de la mine.