Vers des autoroutes bas-carbone
Les autoroutes concédées représentent actuellement 7 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour réduire leur empreinte carbone et environnementale, contribuer à la décarbonation et lutter contre le réchauffement climatique, les entreprises qui opèrent dans ce secteur se mobilisent de plus en plus. Dans ce cadre, APRR et AREA ont pris des engagements ambitieux et déploient de nombreuses actions en ce sens. Ghislaine Baillemont, directrice générale adjointe d’APRR et AREA en charge de l’infrastructure, de l’innovation, de la transition écologique et des concessions, nous en dit plus dans cet entretien.
Comment abordez-vous la question de la mobilité décarbonée et des autoroutes bas carbone ?
Nous travaillons sur ce sujet depuis déjà plusieurs années. Filiale d’Eiffage, nous nous alignons sur ses engagements et objectifs pris en matière de réduction de gaz à effet serre. Nous ambitionnons ainsi de réduire nos émissions sur le scope 1 et 2 de 46 % d’ici 2025 et de 30 % à horizon 2030 sur le scope 3 amont, c’est-à-dire nos achats. Dans cette démarche, nous renforçons également les ressources allouées. Dès 2019, nous avons mis en place une gouvernance dédiée avec une instance majeure, le Comité Bas Carbone, qui regroupe les directions et les forces vives engagées de l’entreprise afin de piloter l’atteinte des objectifs fixés. Plus récemment, notre Plan Stratégique 2025, qui s’articule autour de six axes, prévoit un axe entièrement dédié à la Transition Écologique. Enfin, ce sont l’ensemble de nos équipes qui sont mobilisées au quotidien sur l’ensemble de ces thématiques et enjeux.
Dans ce cadre, autour de quels axes vous mobilisez-vous ?
Dans le cadre du Plan Stratégique et de son axe « Réussir notre Transition Écologique », trois priorités ont été identifiées : accélérer la promotion d’une autoroute bas carbone ; éviter, réduire et compenser notre empreinte écologique et participer activement à la lutte contre le changement climatique. L’ensemble des actions déployées s’inscrivent dans cette triple logique.
En termes d’autoroute bas carbone, nous travaillons sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et sur la captation du CO2. En effet, de par notre activité, nous disposons d’espaces naturels qui nous permettent de développer ce volet. Pour ce faire, nous avons établi un état des lieux de ces espaces qui va nous permettre d’évaluer le potentiel de captation des végétaux présents afin de l’améliorer. La mise en place de plusieurs zones expérimentales est d’ailleurs prévue dès l’année prochaine.
Pour favoriser l’essor et le développement de la mobilité décarbonée de nos clients, nous installons des bornes de recharge électrique pour les véhicules légers sur toutes nos aires de service : 100 % de nos aires seront équipées à fin 2022 avec, sur la majorité, l’installation de bornes à très haute puissance qui permettent un rechargement à hauteur de 80 % en une vingtaine de minutes. Au-delà, nous participons aux études et prospectives en cours pour décarboner le fret poids lourds. Et en interne, nous électrifions notre flotte avec un objectif de 75 % de véhicules légers et de fourgons électriques à l’horizon 2025.
En parallèle, nous développons les services de mobilité partagée. En septembre 2020, nous avons ouvert la première voie réservée au covoiturage. Dès 2007, nous avions déployé une voie réservée aux transports collectifs à l’entrée de Grenoble. Le succès fut immédiat grâce aux plus de vingt minutes gagnées sur le trajet. L’idée est de continuer à en créer de nouvelles. Nous travaillons aussi sur la création de pôles d’échanges multimodaux à l’entrée des grandes agglomérations équipés entre autres de parkings de covoiturage. Aujourd’hui, 5 000 places sont disponibles aux entrées et aux sorties de notre réseau et nous visons les 7 000 places à la fin 2025. Mais de plus en plus, il s’agit de mettre en place des démarches globales qui vont combiner tous ces éléments : parkings de covoiturage, pôles d’échanges multimodaux, voies réservées… Dans cette logique, le lancement de projets à Lyon, Dijon, Annecy et aussi à l’entrée de la région parisienne sont prévus prochainement.
Au-delà, l’optimisation de la gestion du trafic autoroutier peut également contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous développons ainsi le péage en flux libre, une innovation déjà déployée dans plusieurs pays en Europe, qui permet de détecter les plaques d’immatriculation à l’entrée et la sortie du péage. Concrètement, les voitures et les poids lourds n’ont plus besoin de freiner ou de s’arrêter pour être détectés, ce qui réduit considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre.
Nous développons également notre capacité de production et d’autoconsommation électrique. Concrètement, nous avons opté pour le déploiement de solutions photovoltaïques. Nous allons ainsi installer des panneaux solaires ainsi que des ombrières photovoltaïques sur les aires d’autoroute. Depuis décembre 2020, trois fermes solaires sont en service sur des délaissés fonciers, quatre sont en travaux et dix autres sont prévues.
Au niveau de la réduction de notre empreinte écologique, nous avons une politique de recyclage des matériaux dans le cadre des travaux que nous menons sur le réseau. Nous privilégions des liants végétaux pour les travaux de chaussées. Nous optimisons notre utilisation de l’eau et recyclons les déchets.
Dans cette démarche, quels sont les enjeux qui persistent ? Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?
La promotion, la transformation et la mutation d’une autoroute doivent combiner plusieurs actions et initiatives pour être efficientes : réduire les émissions de gaz à effet de serre, produire des énergies renouvelables, capter le CO2, diminuer l’empreinte écologique et s’inscrire dans une logique de compensation… En parallèle, il est impératif de poursuivre la décarbonation de nos moyens de transports et plus particulièrement des poids lourds. Actuellement, plusieurs pistes sont explorées dont le changement de motorisation, les nouveaux carburants, ou encore l’hydrogène… Enfin, cela implique aussi de valoriser les déchets en matière première et de travailler avec nos partenaires sur les autoroutes (restaurants, stations-services…) pour réduire les déchets à la source. On ne le dira jamais assez mais le meilleur déchet c’est celui qui n’est pas produit.