Vers la neutralité carbone dès 2045
Engagé depuis plusieurs années dans la décarbonation et le développement des énergies renouvelables, Engie renforce son engagement dans un contexte énergétique tendu depuis le début de la guerre en Ukraine. Dans cet entretien, Didier Holleaux (X79), Directeur Général Adjoint d’Engie, revient sur la stratégie d’Engie et les principaux enjeux que le groupe s’est fixé, notamment en matière d’énergies renouvelables. Il nous en dit également plus sur les freins qui persistent dans le cadre de la décarbonation de l’énergie.
La décarbonation est un enjeu qui mobilise tous les secteurs, dont celui de l’énergie. Dans ce cadre, l’objectif d’Engie est d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2045. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est, en effet, un engagement fort qu’Engie a pris. Dans cette démarche, nous nous appuyons sur la méthodologie intitulée « Science Based Targets ». Notre objectif est ainsi d’atteindre la neutralité carbone sur les scopes 1 et 2 qui recouvrent les consommations directes et indirectes de l’entreprise, mais aussi sur le scope 3, qui concerne les opérations dans lesquelles nous sommes minoritaires, les produits que nous vendons à des tiers, soit un volet très important pour Engie dont un des métiers est de vendre du gaz aux particuliers… Étant producteur d’énergie, cela implique aussi que nous sortions de la production d’électricité à partir du charbon. Ce sera le cas en Europe dès 2025 et à partir de 2027 pour le reste du monde. D’ici 2045, le contenu énergétique des kilowattheures électriques que nous produisons devra être neutre en carbone. Pour les produits que nous commercialisons, nous visons le net zéro à horizon 2045. À partir de cette date, nous ne vendrons, en pratique, que du gaz renouvelable (biométhane produit par méthanisation des déchets agricoles, biogaz produit par pyrogazéification des déchets de bois ou plastiques, hydrogène renouvelable…) ou, dans certains cas, du gaz avec capture et stockage du CO2 ou du carbone noir.
Cet engagement implique des investissements et des actions ambitieuses. Qu’en est il ?
En tant que producteur d’électricité, nous avons donc l’ambition de sortir de la production d’électricité à partir des ressources fossiles (gaz, charbon). En contrepartie, nous allons augmenter considérablement notre production d’électricité renouvelable. Concrètement, nous allons passer d’un rythme actuel d’installation de production renouvelable de 3 gigawatts par an à 4 par an sur les années 2022 à 2025, puis à 6 par an à partir de 2025. En quatre ans, nous allons ainsi doubler notre capacité d’investissement dans les moyens de production d’électricité renouvelable. S’agissant des gaz renouvelables, nous visons une production de 4 térawattheures de biométhane en France en 2030, ce qui représentera près de 10 % de part de marché de la production du biométhane à cet horizon. Dans le domaine de l’hydrogène, notre objectif est d’avoir à horizon 2030 4 gigawatts de capacités d’électrolyse pour produire de l’hydrogène à partir d’une électricité renouvelable.
Enfin, à horizon 2025, nous visons une capacité de production décentralisée de 8 gigawatts supplémentaires à destination de nos clients (grands industriels, collectivités locales, universités, hôpitaux…). Il s’agit, par exemple, de déployer des panneaux solaires sur les toits des hôpitaux ou des établissements industriels, d’installer des capacités de géothermie pour les réseaux de chaleur des collectivités locales… Nous mobilisons toutes les technologies disponibles pour apporter à nos clients ces 8 gigawatts supplémentaires qui viendront s’ajouter aux 32 déjà existants.
Dans cette démarche, quelles sont les énergies qui vous intéressent plus particulièrement ?
Nous nous intéressons à toutes les énergies bas carbone. Très souvent, on constate que quand on parle d’énergies ou d’électricité bas carbone, nos interlocuteurs pensent uniquement au solaire et à l’éolien. Nous nous intéressons bien évidemment à l’éolien onshore et offshore, et au solaire, mais il ne faut pas oublier que nous sommes également un opérateur important de l’hydraulique notamment en France, au Portugal, et au Brésil. Il ne faut pas oublier la géothermie qui est une énergie extrêmement importante pour décarboner le chauffage en France, étant donné qu’il est possible de faire de la géothermie à moyenne ou basse température dans la plupart des bassins sédimentaires. À cela s’ajoutent les gaz renouvelables qui ont un rôle très important à jouer : biométhane, biogaz, hydrogène renouvelable… On peut aussi citer la récupération de la chaleur fatale, un procédé assez méconnu du grand public, qui, dans le domaine de l’industrie, permet de réutiliser cette chaleur pour d’autres applications. Par exemple, pour un de nos clients qui a une usine agro-alimentaire, nous récupérons cette chaleur fatale pour chauffer, via un réseau de chaleur, les HLM voisins. Engie a, en effet, fait le choix fort de mobiliser toute la gamme des énergies renouvelables disponibles localement afin de minimiser les coûts de transport et optimiser leur utilisation ou récupération. Enfin, Engie est aussi l’opérateur des centrales nucléaire belges. Nous considérons, d’ailleurs, que le nucléaire existant, est un vecteur de la transition énergétique.
Qu’en est-il de la question de la décarbonation de l’industrie ?
Comme précédemment mentionné, il y a le processus de récupération de chaleur fatale qui va jouer un rôle très important dans la décarbonation de l’industrie, car une part significative de l’énergie est consommée par des process industriels thermiques qui requièrent de la chaleur à des températures moyennes. Il est possible de produire de la chaleur à partir d’électricité, mais ce n’est pas toujours le moyen le plus efficace. Prenons un exemple, si un industriel a besoin de chaleur haute température, il peut utiliser du biométhane avec une température de flamme à environ 1850° ou de l’hydrogène qui a une température de flamme supérieure. Et si, en plus, le méthane ou l’hydrogène utilisés sont renouvelables, l’industriel va avoir de la chaleur à haute température sans émettre de CO2. Pour des températures plus basses, l’industriel peut avoir recours à une source géothermique combinée à une pompe à chaleur.
Pour les processus électriques, l’idée est plutôt d’avoir recours à des systèmes éoliens ou solaires en installant, par exemple, des panneaux photovoltaïques sur le toit d’une usine et en complétant cette installation avec une batterie et une cogénération à biogaz pour palier intermittence.
Se pose aussi la question des réseaux de froid dans le tertiaire et occasionnellement dans l’industrie.. Engie est convaincu de la pertinence du développement de ces réseaux de froid qui sont un moyen beaucoup plus efficace qu’un climatiseur individuel pour fournir du froid.
En effet, au-delà de la capacité de produire massivement du froid, un réseau favorise son stockage sous forme d’eau froide, ce qui permet non seulement de produire le froid quand l’électricité ou l’énergie est disponible, mais aussi d’en disposer plus tard et indépendamment de la production. Le réseau de froid a vocation à s’imposer comme une solution efficace pour des usages tertiaires ainsi que pour les réseaux de froid urbain.
Engie est notamment actionnaire de Fraîcheur de Paris, le réseau de froid urbain de la ville. Et nous opérons et développons d’autres réseaux de ce genre à Singapour, mais aussi au Moyen-Orient.
Qu’en est il des principaux freins et enjeux qui persistent actuellement ?
Actuellement, le principal frein à l’efficacité énergétique est que, si les industriels et les entreprises tertiaires souhaitent faire des économies d’énergie, ils sont souvent freinés dans cette démarche par leur capacité d’investissement. À partir de là, notre rôle est de pouvoir leur proposer des solutions clé-en-main et d’investir chez notre client à sa demande. Pour de grandes universités américaines, nous prenons en charge la totalité de leurs réseaux d’énergie (froid, chaud, air comprimé…). Nous réalisons les investissements pour les moderniser, les rendre plus efficaces et répondre aux nouveaux besoins, puis nous leur vendons l’énergie comme un service dans le cadre d’un accord contractuel sur une durée de 50 ans. Concrètement, ils n’ont pas eu à mobiliser leurs capitaux et ils payent uniquement pour le service dont ils ont besoin. C’est un moyen qui permet de contourner les difficultés relatives à l’investissement initial. C’est aussi la possibilité pour nos clients de se concentrer sur leur cœur de métier et de déléguer la gestion des questions énergétiques et de la décarbonation de leurs réseaux et usages à un acteur expert et spécialisé comme Engie.
Quel regard portez-vous sur le contexte énergétique actuel et la question de la décarbonation ? Comment vous projetez vous ?
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation assez paradoxale. Dans le contexte de crise actuelle, qui est le fruit de la guerre en Ukraine, afin de sécuriser l’approvisionnement en électricité pour cet hiver, la France a été amenée à retarder la fermeture de ses centrales à charbon. Si aujourd’hui, on peut avoir l’impression que la crise ralentit la transition énergétique, au sein d’Engie, nous sommes au contraire convaincus qu’elle va contribuer à son accélération. En effet, le moyen le plus efficace pour contrer les prix élevés du gaz, du pétrole et de l’électricité est de développer encore plus les renouvelables.
Globalement, les énergies renouvelables sont produites à prix fixe. De manière schématique, une fois l’investissement initial dans l’éolienne réalisé, le vent, ensuite, est quant à lui gratuit ! Il en est même pour une installation de méthanisation qui va produire du biogaz à partir de déchets agricoles et alimentaires. Ce sont des productions à coûts fixes sur le long terme qui ne sont pas soumises à la volatilité des prix.
La décarbonation et la transition énergétique sont aussi des enjeux humains. Quels sont les talents que vous recherchez pour relever ce défi ?
Au sein d’Engie, il y a une grande variété et diversité de métiers autour des énergies renouvelables : l’installation de champs éoliens et solaires ; l’exploitation des barrages hydrauliques ; les biogaz et le développement des méthaniseurs ; la production d’hydrogène…
Avant tout, nous recherchons des femmes et des hommes motivés qui veulent avoir un impact positif sur leur environnement et sur la planète et qui souhaitent s’investir dans l’accélération de la transition énergétique de nos clients. Nous avons pour objectif de faire progresser le Groupe dans la diversification de certaines populations et de faire de tous les environnements de travail des lieux inclusifs en agissant sur la diversité, la parité, l’équité et l’inclusion. Engie est un lieu où chaque individu peut se sentir libre d’être soi-même pour déployer son plein potentiel et ainsi contribuer au mieux à l’ambition collective du Groupe et de sa performance. Une politique gobale D&II « BeU@ENGIE » est déployée pour aller à la conquête de ses talents. Et d’un point de vue opérationnel, nous recherchons une majorité de techniciens, des ingénieurs et des business développeurs pour répondre au besoin business, mais aussi des fonctions supports (finance, marketing, communication, juridiques…).