Vers une agriculture plus durable : L’agriculture biologique (AB)
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3.1.1.Développement de l’AB en France et en Europe
Trois courants principaux ont contribué à la naissance de l’AB en Europe : le mouvement anthroposophique de l’Autrichien Rudolf Steiner apparu dans les années 1920 ; celui en faveur de l’agriculture organo-biologique inspiré du courant de pensée du Suisse Hans Müller vers 1930 ; et celui, né après la seconde guerre mondiale, à partir des théories du Britannique Albert Howard, à l’origine de la Soil Association et de l’agriculture dite organique.
En France, l’AB émerge dans les années 1950 et, très rapidement, deux mouvements se dessinent : un courant agricole lié à la société commerciale Lemaire-Boucher approvisionnant les agriculteurs en semences et amendements calcaires ; et un mouvement associatif d’agriculteurs et de consommateurs, Nature et Progrès.
Dans les années 1970, l’émergence de nouveaux courants d’idées et des changements sociologiques importants (résistance au productivisme agricole et à la société de consommation, prise de conscience des limites des ressources de la planète et crise pétrolière) ont beaucoup influencé le développement de l’AB et provoqué des scissions multiples au sein des organisations professionnelles. En 1972, l’International Federation of Organic Movements (IFOAM) est créée à Versailles à l’initiative du président de Nature et Progrès. A partir des années 1990, des crises sanitaires imputées à des produits d’usage courant, des atteintes à la biosphère, des interdictions plus ou moins justifiées de nombreux produits entraînent des mouvements d’opinion en faveur de l’AB et un accroissement de la demande de produits qui en sont issus.
La normalisation de l’AB débute en France par l’adoption de la Loi d’orientation agricole de 1980 qui, bien que n’utilisant pas le vocable « agriculture biologique », précise dans son article 14 que « les cahiers des charges définissant les conditions de production de l’agriculture n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse peuvent être homologués par arrêté du ministre de l’Agriculture ». Le décret relatif à cette homologation est pris en 1981. Dès 1990 la France, pionnière en ce point, valide un cahier des charges public pour les productions animales. A partir de 1991, l’AB fait l’objet de cahiers des charges pour les productions végétales régis au niveau européen, et, en 2000 pour les productions animales.
Le cahier des charges du règlement (CE) n°834/2007, qui remplace celui de 1991 peut être résumé très schématiquement ainsi : l’utilisation de produits chimiques de synthèse est interdite tant pour la fertilisation que pour la défense des cultures et le traitement des animaux. Il peut y avoir des exceptions, en particulier en élevage, et il peut y avoir des dérogations au cas par cas. Des produits chimiques qui ne sont pas de synthèse, selon une liste établie par règlement, peuvent être utilisés. Les semences et plants utilisés doivent être issus de l’AB. La durabilité du système est fondée sur des rotations pluriannuelles. L’élevage hors sol est interdit ; les animaux doivent être nés sur l’exploitation ou provenir d’une exploitation en AB ; ils doivent être nourris avec au moins 50% d’aliments produits sur l’exploitation, ou en coopération avec des opérateurs de la même région selon le principe du lien au sol. La charge animale par unité de surface est limitée. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) tant en production végétale qu’animale sont interdits. Notons enfin que l’AB est soumise à une obligation de moyens et non à une obligation de résultats, que ce soit sur la qualité des produits ou sur l’environnement.
Ces contraintes réglementaires ont, dans les conditions actuelles de la technologie, un impact certain sur la productivité agricole, impact relativement bien évalué en grande culture et en arboriculture fruitière, mais plus difficile à appréhender en culture légumière ainsi qu’en élevage, du fait de la grande variabilité des systèmes de production. Par exemple, les diminutions de rendement en France sont en moyenne de l’ordre de 50% en blé et de 35% en maïs, l’écart étant plus grand lorsque les rendements en agriculture conventionnelle sont plus élevés. En arboriculture fruitière les diminutions de rendements sont en moyenne de 30%, mais la variabilité est très grande et, dans des conditions de pression parasitaire très forte, la récolte peut être compromise. De même la productivité est généralement plus faible en production animale, par exemple de l’ordre de 30% par vache laitière en Normandie si on la compare à un élevage laitier intensif.
Ce différentiel de productivité, joint à des réseaux de collecte et de distribution encore insuffisamment développés, contribue à un différentiel de prix moyen à la consommation, évalué à 20 à 70% selon les produits, les filières de distribution et les enquêtes.
Malgré son rôle pionnier dans le développement de l’AB dans les années 1980, la France n’a pas vu le pourcentage de ses surfaces en AB augmenter comme dans d’autres pays européens au cours des deux dernières décennies.
Le Grenelle de l’Environnement a envoyé un message très favorable à l’AB en préconisant « un repas bio par semaine dans la restauration collective » et en prévoyant d’augmenter les surfaces certifiées AB en France pour atteindre 6% de la surface agricole utile en 2012 et 20% en 2020. De plus, la consommation en produits « bio » augmentant, il est nécessaire de faire appel à des importations essentiellement en fruits et légumes et produits transformés. D’après l’Agence Bio, l’année 2008 a été une année charnière car, après quelques années de stagnation, les surfaces en AB ont recommencé à augmenter de façon significative (+ 4,8% par rapport à 2007) et la consommation a bondi de 25%. La demande des consommateurs est donc croissante. Le dernier baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France de l’Agence Bio donne les motivations d’achat suivantes : préserver la santé : 95%, préserver l’environnement : 94%, qualité et goût des produits : 87%, raisons éthiques : 72%.
3.1.2.Fertilisation en AB
A priori, les mécanismes de nutrition minérale des plantes sont les mêmes qu’en agriculture conventionnelle (AC), de même que les besoins quantitatifs en éléments nutritifs, sous réserve que les variétés choisies soient également les mêmes, ce qui n’est pas toujours le cas.
Cependant, alors qu’en AC, le raisonnement de la fertilisation est très lié à la culture à venir pour laquelle on calcule les apports suivant le principe : fumure = besoins – fourniture du sol, en AB en revanche, la fertilité du sol, et donc les prélèvements possibles des cultures, sont fortement déterminés par la succession culturale, en particulier par la présence de légumineuses et par le régime des résidus de culture. Dans ce cas, la nutrition minérale des plantes est plutôt une conséquence de l’état du milieu sol.
Dans les systèmes de polyculture avec élevage de bovins ou d’ovins, l’assolement fait en général la place à des légumineuses (luzerne, trèfle, sainfoin, pois fourrager) contribuant à la fourniture d’azote minéral aux cultures suivantes. L’emploi raisonné des engrais de ferme produits sur l’exploitation (fumier, fumier composté) complète le niveau d’azote organique du sol, dont la minéralisation augmente la fourniture d’azote minéral aux cultures. La difficulté de prévoir la dynamique de minéralisation des engrais de ferme devrait conduire à les réserver aux cultures autres que céréales, comme les plantes racines, ou les cultures fourragères. S’il s’agit d’un élevage de porcs, la présence de légumineuses dans la succession culturale est plus rare. Les seules ressources organiques sont alors le lisier ou un mélange lisier-paille produit sur l’exploitation ou importé des voisins pratiquant également l’AB. On est donc face au problème général de l’emploi des effluents d’élevage : évaluation de la valeur fertilisante, contrôle des doses épandues, techniques d’épandage.
L’importance du phosphore dans l’alimentation minérale de la plante n’est plus à démontrer. Le niveau phosphaté auquel sont parvenus la plupart des sols français à la fin du siècle dernier permet le plus souvent une fourniture correcte des cultures en cet élément, et ceci principalement en polyculture avec élevage, où les apports au sol par les fertilisants (scories, phosphates…) ont été complétés par le phosphore contenu dans les aliments du bétail, en grande partie importé sous forme de soja. Le phosphore apporté sous toutes ces formes a finalement été retourné en grande partie au sol. Cependant, ce « bruit de fond » phosphaté masque le risque d’épuisement à terme, si aucun retour suffisant de phosphore n’est prévu.
L’emploi régulier de fumier contribue à recycler une part importante du potassium contenu dans les récoltes. Cependant, le bilan peut ne pas être bouclé, et il conviendra d’apporter des sels de potassium, acceptés par le cahier des charges, tels que kaïnite (sulfate de magnésium et chlorure de potassium) ou patentkali, sulfate double de potassium et de magnésium.
Dans les systèmes de polyculture seule, la succession culturale prend ici toute son importance en ce qui concerne l’azote. La présence de légumineuses est souhaitable, mais, a priori, il ne peut s’agir que des cultures de vente : légumineuses à graines (pois, féveroles, lentilles), éventuellement luzerne pour la déshydratation, voire fourrage. Dans ce cas, il peut être possible d’organiser un échange avec des fumiers ou composts en retour. Plusieurs leviers sont envisageables pour améliorer la fourniture d’azote aux cultures les plus exigeantes :
- l’apport de compost réalisé à la ferme à partir des déchets végétaux récoltés sur place ou récupérés du voisinage : déchets verts, paille, etc. apportés avant céréales ou cultures légumières. L’évaluation de la richesse en azote organique du compost et la connaissance de la dynamique de minéralisation sont des conditions essentielles à la prise en compte de ce fertilisant ;
- l’introduction d’engrais verts dans la succession culturale, dont l’enfouissement contribue à stimuler la minéralisation. La faisabilité de cette pratique est à examiner cas par cas, car elle est souvent délicate techniquement, et coûteuse en temps et en carburant ;
- l’utilisation de sous-produits organiques acceptés par le cahier des charges AB tels que les vinasses de sucreries dans les régions de grande culture ;
- l’emploi éventuel d’engrais organiques naturels, tels que fientes de volailles de plein air, sang desséché, farine de viande, corne broyée, farine de plume hydrolysée, et autres sous-produits organiques autorisés. Le prix de ces fertilisants ne les autorise que sur des productions bien valorisées. On les trouvera surtout en production légumière et culture maraîchère.
Pour les cultures exigeantes en azote, comme les céréales, il ne sera pas possible de répondre correctement à leur besoins en début de cycle, ce qui induira une baisse des rendements.
Pour le phosphore, et contrairement aux exploitations de polyculture-élevage, qui peuvent recycler celui des aliments importés, la polyculture, dans la plupart des cas, vit sur les réserves du sol. Lorsque la reconversion à l’AB s’est faite récemment sur des sols cultivés en AC, ces réserves sont en général relativement importantes et le phosphore ne constitue pas un facteur limitant. Notons qu’en AC, les agriculteurs, qui, pour des raisons économiques, ont supprimé les apports d’engrais phosphatés et potassiques depuis quelques années, n’ont en général pas observé de baisse significative des rendements, malgré le maintien de fertilisation azotée élevée. On peut donc penser qu’avec le niveau d’intensité modéré qui caractérise l’AB les réserves du sol peuvent suffire pendant quelque temps, mais ne peuvent que baisser inéluctablement si des apports complémentaires en phosphates naturels ne sont pas réalisés.
Par ailleurs, il est possible que la « biodisponibilité » de phosphore du sol de parcelles AB, riches en azote organique, soit améliorée. La vie microbienne pourrait augmenter la part de phosphore organique dans le phosphore total. Une autre hypothèse, qui reste à vérifier, serait que les mycorhizes sont plus abondantes en conduite AB. Il a d’ailleurs été remarqué que les teneurs en phosphore mesurées dans les parcelles AB étaient souvent à des niveaux qui sont considérés comme très insuffisants en AC, sans que les cultures n’en paraissent affectées. Toutefois, il est clair qu’à terme, un apport de phosphore sera obligatoire.
Pour le potassium et le magnésium, le problème est le même qu’avec le phosphore. Les récoltes exportées contiennent des teneurs normales en ces éléments fournis par les réserves du sol. Sans restitution, celui-ci ne peut que s’appauvrir. Le retour des pailles peut limiter les sorties de ces éléments, mais les cultures de vente sont en général assez riches. Là encore, l’entretien des parcelles nécessitera l’apport raisonné de sels de potassium et/ou de magnésium tels que le sulfate de potassium, ou le patentkali cité plus haut. Ces produits acceptés par la charte AB contiennent du soufre, ce qui peut contribuer à entretenir la fertilité.
D’une manière générale, les situations fréquentes de bilan déficitaire en éléments fertilisants dans les systèmes de polyculture biologique peuvent ne pas se traduire par des pertes de rendement immédiates si les sols sont bien pourvus au départ. Mais cette situation n’est pas durable. Il convient de surveiller sérieusement le statut nutritif du sol par des analyses régulières. Se pose alors la question de l’interprétation des résultats dans ce type d’agriculture qui nécessite la mise en place d’expérimentations de longue durée.
La complexité de la succession culturale et l’importance des résidus dans les cultures légumières et le maraîchage contribuent naturellement à l’amélioration du taux humique du sol, et par conséquent du niveau de la minéralisation. La pratique des composts y est fréquente, lorsqu’une ressource cellulosique ou ligneuse se trouve disponible. Dans les régions où l’on pratique traditionnellement le maraîchage, l’emploi des engrais organo-minéraux s’est reporté souvent sur celui des engrais organiques classiques, sang, farine de viande, corne etc. Le niveau des rendements plus faible est en général compensé par une meilleure valorisation des produits, pour autant que leur présentation soit acceptée. Le niveau de richesse minérale de ces sols est en général très satisfaisant. Il convient cependant de le surveiller.
En arboriculture fruitière, s’il s’agit de plantation récente, on peut imaginer qu’elle aura fait l’objet, à la mise en place, d’un apport de fumier et éventuellement de phosphates naturels. Puis, en cours de développement et en phase de production, l’essentiel des apports sera constitué des résidus de plantes de couverture laissées sur place et enfouies. De même, le broyage et l’enfouissement des tailles sont possibles si la présence de parasites ne les contre-indique pas. Le compostage en interlignes est souvent pratiqué en utilisant des sous-produits végétaux disponibles sur l’exploitation ou son voisinage. Les sols et sous-sols de verger n’ayant pas la richesse des sols de cultures légumières, il est important de les suivre analytiquement ; et aussi de pratiquer des analyses foliaires répétées pour déceler en particulier d’éventuels déséquilibres en éléments traces. Par ailleurs, les sulfates de potassium et de magnésium utilisables en AB peuvent satisfaire l’exigence des cultures fruitières pour ces deux éléments.
La limitation des rendements recherchée en viticulture facilite quelque peu l’adaptation de la conduite du vignoble en AB, tout au moins en termes de fertilisation. Les apports sont souvent inexistants, à l’exception de compost si l’exploitant peut en faire ou en trouver. La prédominance des problèmes de protection contre les parasites, occulte souvent les préoccupations liées au sol.
Pour conclure sur la durabilité de l’AB en termes de fertilité des sols et de la part du rendement des cultures liée à celle-ci, on retiendra
- qu’elle dépend surtout de la succession culturale, de l’importance des résidus recyclés, y compris fumiers et composts, et de la place des légumineuses, les apports d’engrais organiques n’étant dans ce type d’agriculture que des compléments pour des productions bien valorisées ;
- que, cependant, les cultures exigeantes, comme les céréales, ont leurs rendements pénalisés par l’insuffisance de la nutrition azotée en début de cycle végétatif, et qu’elles se prêtent donc moins bien à l’AB ;
- que si les exploitations en AB bénéficient souvent des réserves du sol en phosphore, et aussi en d’autres éléments (potassium, magnésium, calcium et soufre), elles peuvent les épuiser plus ou moins rapidement ; et qu’il est donc indispensable pour le producteur de suivre l’évolution des teneurs en ces éléments de ses sols ;
- enfin, que des expérimentations de longue durée doivent être poursuivies afin de suivre comparativement les évolutions des sols et des compositions des cultures.
3.1.3.Protection des plantes en AB
Tous les végétaux sont soumis à des pressions antagonistes d’agents pathogènes (champignons, bactéries, virus, …), de ravageurs (insectes, nématodes, …) et de plantes adventices (dont les « mauvaises herbes ») en concurrence avec eux. De par leur concentration dans l’espace et dans le temps, et leur sélection progressive, les plantes cultivées subissent les pressions les plus fortes qui ont conduit à l’abandon de quelques unes d’entre elles, au moins dans certaines zones. Depuis la naissance de l’agriculture, les agriculteurs, constatant les dégâts induits, ont su à toute époque en tirer les conséquences, comme en attestent, par exemple, les nombreux écrits des agronomes latins d’il y a deux mille ans environ.
En agriculture conventionnelle, on est parvenu aujourd’hui à une bonne gestion des principaux champignons pathogènes, et de la plupart des insectes et des mauvaise herbes. Mais cela s’est fait au prix d’une réduction drastique du nombre d’espèces cultivées – les autres, mineures, ne représentant pas des marchés suffisants pour que la phytopharmacie s’y intéresse -, et de l’utilisation régulière, souvent systématique, de produits chimiques de synthèse dont les effets sur les auxiliaires4 et l’environnement sont loin d’être négligeables. Cette situation a connu un stade de développement particulièrement abouti à la fin du siècle dernier.
Il y a lieu de souligner toutefois que le recours aux pesticides s’inscrit dans un double cadre : celui de la protection raisonnée qui correspond à des interventions par voie chimique appliquées seulement dans les cas bien évalués de nécessité. Et celui de la « protection intégrée » – dans l’ensemble plus vaste du système dit de « production intégrée » -, judicieuse combinaison de :
- procédés culturaux : plants sains, cultivars5 résistants ou tolérants, techniques de faux-semis6, périodes de culture déplacées, … ;
- actions sur l’environnement des plantes cultivées : travail du sol, fumure équilibrée de façon à réduire leur sensibilité aux insectes et agents pathogènes et à minimiser les facteurs favorables au parasitisme ;
- interventions sur les ennemis des cultures : méthodes prophylactiques avec interventions sur les résidus, rotations suffisantes, facteurs favorisant les auxiliaires, … ;
- méthodes physiques : captures, façons culturales, utilisation de filets, … ;
- procédés biologiques pour favoriser les auxiliaires et les organismes antagonistes (« lutte biologique »), ou recourant aux OGM ;
- utilisation de produits chimiques comprenant notamment le soufre, des dérivés du cuivre, mais aussi des matières dites « naturelles » (pyrèthre, répulsifs, …), et, surtout, des matières de synthèse dont les plus dangereuses ne sont plus autorisées.
Cette combinaison d’interventions, aussi judicieuse et cohérente qu’elle puisse être, trouve cependant ses limites face à certains antagonistes, notamment parmi les bactéries, virus et nématodes. Elle doit aussi répondre à l” »apparition » de nouveaux parasites, ravageurs et adventices, ou à ceux dont l’agressivité ou la virulence se sont accrues : un exemple actuel de ce dernier cas est celui de la rouille noire des céréales due à un champignon connu de longue date, mais oublié suite aux sélections et à la lutte chimique.
En agriculture biologique, la situation se présente quelque peu différemment puisque les cahiers des charges ne permettent pas de faire appel à des molécules de synthèse. Il faut donc utiliser la palette des autres méthodes d’intervention indirecte (surtout) et directe. Le recours à celles-ci se heurte, d’une part, aux différentes sensibilités des divers acteurs concernés, et, d’autre part, aux difficultés réglementaires concernant certaines substances qui ne doivent être utilisées qu’en cas de menace grave et imminente. L’emploi des herbicides est généralement proscrit en AB, laquelle doit donc utiliser, préalablement à la culture, des procédés mécaniques adéquats, et, en culture, s’appuyer sur des sarclages, au moins lorsqu’ils sont physiquement possibles (plantes en ligne).
A la fin de l’année dernière, la France a pris un arrêté sur les « préparations naturelles peu préoccupantes à usage phyto-pharmaceutique » : il s’agit de simplifier la mise en marché de substances naturelles, sans OGM, et aisément obtenues par l’utilisateur final. On trouve là des compléments intéressants. D’une manière générale, cependant, les interdictions de certaines interventions qui sont imposées par les cahiers des charges de l’AB conduisent à freiner, si ce n’est à abandonner des productions comme celle du blé à cause de la résurgence de sa maladie de la « carie », ou celle du colza du fait de la pullulation d’insectes ravageurs de cette plante. Et encore, les parcelles en question sont-elles situées dans un environnement « traité ». Qu’en serait-il sinon ?
Au total, la, protection des plantes s’inscrit dans une évolution continue des différents facteurs en jeu : contraintes culturales et nécessités économiques, disponibilités et possibilités d’utilisation de certaines méthodes de lutte, surtout chimiques, progrès des connaissances en matière de biologie et de physiologie des végétaux cultivés et de leurs parasites, … . Les difficultés et les défis à surmonter à l’avenir par la recherche et le développement agricoles en manquent pas, d’autant que les besoins alimentaires et autres que l’agriculture doit satisfaire vont continuer à croître fortement.
3.1.4.Utilité de l’AB pour les progrès en agriculture durable
Parmi les systèmes de production orientés vers le développement d’une agriculture durable, l’AB est le seul qui soit labellisé, organisé, et valorisé depuis les années 1990. Ce modèle, qui peut être considéré comme pionnier et moteur de démarches en faveur de la durabilité, peut servir de laboratoire pour la recherche agronomique et l’innovation en agriculture. Il faut donc profiter de la demande sociétale et du soutien des gouvernements pour intensifier la recherche sur la diminution d’intrants, le développement de variétés encore mieux adaptées aux stress biotiques et abiotiques, le maintien de la fertilité des sols et le respect de la biodiversité tant au niveau de la parcelle que du territoire. Cette recherche devrait permettre d’améliorer les performances de l’AB et surtout de développer une « agriculture intégrée de bonne productivité et durable, agriculture intégrée qui a déjà fait ses preuves dans certaines situations et apporte les principaux avantages de l’AB sans ses trop fortes contraintes.
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4 En agriculture, on désigne par « auxiliaires » les ennemis naturels des ravageurs des cultures et les insectes pollinisateurs.
5 Variétés obtenues en culture, généralement par sélection
6 Le faux-semis consiste à préparer le sol, mécaniquement ou chimiquement, pour faire germer les mauvaises herbes et les détruire dès qu’elles ont germé.