Vers une troisième révolution énergétique

Dossier : L'électricité nucléaireMagazine N°643 Mars 2009
Par Luc OURSEL

On ne peut plus réflé­chir au déve­lop­pe­ment et à la crois­sance éco­no­miques sans se pré­oc­cu­per conjoin­te­ment des enjeux éco­no­miques et humains et de la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Alors que 2 mil­liards d’hommes n’ont tou­jours pas accès à l’élec­tri­ci­té, et que la popu­la­tion ter­restre pas­se­ra de 6 à 9 mil­liards d’êtres humains d’i­ci à 2050, un dou­ble­ment de la consom­ma­tion d’éner­gie inter­vien­dra dans le même temps. Dans ce contexte, l’éner­gie nucléaire pré­sente l’a­van­tage cru­cial de per­mettre une pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té en base, de façon per­ma­nente et sans émis­sion de CO2.

REPÈRES
La plu­part des cen­trales nucléaires actuel­le­ment en fonc­tion­ne­ment ont été construites dans les années 1970–1980. Mal­gré l’allongement de la durée de vie des cen­trales, les États-Unis, la France, le Japon, la Rus­sie et même l’Allemagne qui repré­sentent plus des deux tiers de la puis­sance ins­tal­lée dans le monde voient se poser la ques­tion du renou­vel­le­ment de la majeure par­tie de leur parc au cours des vingt pro­chaines années. Compte tenu des délais d’obtention des auto­ri­sa­tions admi­nis­tra­tives et de construc­tion des cen­trales, les déci­sions d’investissement devront être prises rapidement

Depuis la fin du second choc pétro­lier, le contexte n’a jamais été aus­si favo­rable à une relance du nucléaire. La crois­sance de la demande d’énergie néces­site de lourds inves­tis­se­ments dans de nou­velles capa­ci­tés de pro­duc­tion d’électricité.

Les pro­duc­teurs d’électricité veulent dis­po­ser d’une éner­gie com­pé­ti­tive à long terme

Si le déve­lop­pe­ment des sources renou­ve­lables est néces­saire comme éner­gie d’appoint, nombre de rai­sons concourent au renou­veau du nucléaire dont l’envolée des prix des com­bus­tibles fos­siles et même si la crise éco­no­mique a fait chu­ter les cours du pétrole, il n’en demeure pas moins qu’ils s’établissent en moyenne entre le 1er jan­vier et le 1er novembre 2008 à 103,40 dol­lars le baril de Brent contre 72,40 dol­lars en 2007 et 65,1 en 2006.

Le repli pré­sent ne peut être que cir­cons­tan­ciel, les pers­pec­tives à moyen terme étant struc­tu­rel­le­ment haus­sières en rai­son de l’épuisement pro­gres­sif des res­sources. Autre fac­teur impor­tant : face à la vola­ti­li­té des cours des com­bus­tibles fos­siles, les pro­duc­teurs d’électricité veulent dis­po­ser d’une éner­gie com­pé­ti­tive à un coût pré­vi­sible à long terme. C’est un autre atout de l’électronucléaire dont la matière pre­mière, l’uranium, ne repré­sente qu’environ 5 % du prix de pro­duc­tion du kilowatt/heure. Ajou­tons que le coût attri­bué au CO2 joue aus­si en faveur de la com­pé­ti­ti­vi­té de l’énergie nucléaire qui apporte en outre des garan­ties en matière de sécu­ri­té d’approvisionnement et d’indépendance énergétique.

Une demande considérable

Quatre réac­teurs en construction
Après le pre­mier réac­teur EPR™ com­man­dé en 2003 par l’élec­tri­cien fin­lan­dais TVO après un appel d’offres très dis­pu­té, 2007 a été une année faste avec la com­mande d’EDF au mois de jan­vier pour la cen­trale de Fla­man­ville et la signa­ture en novembre du contrat de four­ni­ture de deux réac­teurs EPRTM en Chine dans le cadre d’un contrat d’un mon­tant his­to­rique de 8 mil­liards d’euros.
En Fin­lande, la durée de construc­tion sera équi­va­lente à celle de la géné­ra­tion anté­rieure, alors qu’il s’a­git d’une tête de série et que le chan­tier est exé­cu­té dans des condi­tions par­ti­cu­liè­re­ment ardues compte tenu, notam­ment, du pro­ces­sus de tra­vail du client TVO.

Selon l’Agence inter­na­tio­nale de l’énergie (AIE), la demande en élec­tri­ci­té va dou­bler d’ici à 2030. Plus de 5000 giga­watts sup­plé­men­taires seront néces­saires pour pour­voir à l’accroissement de la demande et rem­pla­cer les infra­struc­tures par­ve­nues en fin de vie. Le nucléaire s’impose aujourd’hui comme l’une des meilleures solu­tions pour répondre à cette crois­sance de la demande sans émettre de gaz à effet de serre.

Les quatre réac­teurs EPR™ d’Areva, d’une puis­sance de 1 600 méga­watts, en Fin­lande, en Chine et en France, sont les seuls dits de « troi­sième géné­ra­tion plus » (3G +) actuel­le­ment en construc­tion dans le monde. Les condi­tions dif­fi­ciles dans les­quelles s’effectue la construc­tion de l’EPR fin­lan­dais pour l’électricien TVO apportent un retour d’expérience sans égal. Are­va nour­rit l’ambition de construire le tiers des nou­velles capa­ci­tés mon­diales à l’horizon 2030.

Un marché mondial

Aux États-Unis, où le plus grand parc nucléaire mon­dial devra être renou­ve­lé, pro­ba­ble­ment éten­du, le groupe a créé, avec l’électricien Constel­la­tion Ener­gy, une joint-ven­ture, UniS­tar Nuclear, afin de pro­mou­voir, faire cer­ti­fier et construire des réac­teurs EPRTM aux États- Unis. D’ores et déjà, cinq grands élec­tri­ciens amé­ri­cains ont mani­fes­té leur intérêt.

Chan­tier sur le site d’Olkiluoto en Finlande.

En Europe, la Grande-Bre­tagne s’est lan­cée dans un pro­gramme de relance du nucléaire de grande ampleur. Rete­nu comme tech­no­lo­gie exclu­sive par EDF et E.ON, sou­te­nu par une dizaine d’autres grands élec­tri­ciens pour leurs pro­jets bri­tan­niques, le réac­teur EPRTM est en phase de pré­cer­ti­fi­ca­tion dans ce pays.
Par­te­naire de longue date de la Chine, où il a récem­ment créé une nou­velle joint-ven­ture dans le domaine de l’ingénierie, l’industriel fran­çais se trouve bien pla­cé pour accom­pa­gner le pays dans son objec­tif de tri­pler sa capa­ci­té de pro­duc­tion nucléaire d’ici à 2020 et de la mul­ti­plier par dix d’ici à 2030.

En Inde, le gou­ver­ne­ment veut doter le pays de 40000 méga­watts de capa­ci­té ins­tal­lée sup­plé­men­taire au cours de la pro­chaine décen­nie, soit l’équivalent de 25 à 30 nou­veaux réac­teurs. Mais, la renais­sance du nucléaire ne touche pas que les pays rom­pus à cette tech­no­lo­gie. Par­mi les pré­ten­dants inédits, de plus en plus nom­breux et d’horizons les plus divers, les Émi­rats arabes unis s’apprêtent à lan­cer un appel d’offres. Are­va s’est asso­cié à Total et à Suez pour pré­sen­ter une solu­tion inté­grée com­pre­nant la four­ni­ture de deux réac­teurs EPRTM assor­tie des pro­duits, ser­vices et savoir­faire néces­saires à leur fonctionnement

La Chine veut tri­pler sa capa­ci­té de pro­duc­tion nucléaire

Des partenariats

Aux États-Unis, pour ser­vir le mar­ché amé­ri­cain, Are­va et Nor­throp Grum­man ont annon­cé en octobre der­nier la construc­tion d’une usine de com­po­sants nucléaires lourds de près de 28000 mètres car­rés à New­port News (Vir­gi­nie) avec la créa­tion de plus de 500 emplois qua­li­fiés à la clé. Au Royaume-Uni, la même démarche s’est tra­duite par la conclu­sion en décembre 2008 d’un accord de par­te­na­riat avec les groupes bri­tan­niques Bal­four-Beat­ty et Rolls- Royce por­tant sur l’ingénierie, la pro­duc­tion et la construc­tion des centrales.

Une offre diversifiée
Les besoins des pays can­di­dats à l’éner­gie nucléaire ne sont pas homo­gènes. Are­va et Mit­su­bi­shi Hea­vy Indus­tries (MHI) ont ain­si créé, fin 2007, Atmea, une joint-ven­ture pour la concep­tion d’un réac­teur à eau pres­su­ri­sée de » géné­ra­tion 3 + » d’une puis­sance de 1 100 méga­watts. Ce réac­teur pré­sen­te­ra des sys­tèmes de sûre­té et de sécu­ri­té avan­cés, un ren­de­ment ther­mique éle­vé et un cycle de fonc­tion­ne­ment flexible. Éco­no­mique, il per­met­tra une dimi­nu­tion des coûts et de l’im­pact sur l’en­vi­ron­ne­ment par la réduc­tion du volume des déchets. Paral­lè­le­ment est pour­sui­vi le déve­lop­pe­ment du SWR 1000, un réac­teur à eau bouillante d’une puis­sance de l’ordre de 1 200 méga­watts avec l’élec­tri­cien alle­mand E.ON.

Poster un commentaire