Viêtnam : carnet de route
Jean-Philippe Kalfon, consultant en stratégie, est passionné de photo et de voyages. Voici un extrait illustré de son carnet de route en Asie du Sud-Est…
Tiêng Viêt : télécharger la version vietnamienne
Des montagnes déchiquetées posées sur l’eau, des pitons rocheux émergeant des rizières, le silence pénétrant des hautes montagnes boisées, les méandres paresseux des eaux brunes du Mékong… Au Viêtnam, la nature est apaisante, majestueuse, surréaliste ! Elle est mère nourricière, éternel théâtre d’un temps qui passe au ralenti au rythme d’un labeur archaïque sous les chapeaux coniques (non la), le long des labours lentement creusés par un buffle ou sur les barques insolites des marchés flottants du Mékong…
Hanoi, la ville s’agite, fébrile, tel un dense tourbillon de motos klaxonnant sans cesse…
Dans les villes, c’est l’effervescence, le tourbillon anarchique et frénétique ! Comme pour chasser une misère encore présente… Droit devant, vite ! Le Viêtnam est en marche…
Il bruine sur le pont supérieur. Le ciel est bas. L’eau est d’huile et le navire chemine paisiblement dans le silence pénétrant d’une mer infinie saupoudrée d’étranges montagnes aux formes longilignes et déchiquetées. Nous croisons quelques pêcheurs parmi les pains de sucre émergeant de l’eau. Derrière les montagnes, le soleil levant baigne d’une lumière orangée les maisons de bois coloré posées sur des barges flottantes. Quelques lampes s’allument, les enfants jouent, des pêcheurs sillonnent déjà le village qui s’éveille, blotti quelque part, au creux de la baie… Dans la brume fine et silencieuse, la baie d’Along respire, terre et eau surréalistes, cachée derrière le monde…
Hanoi, la ville s’agite, fébrile, tel un dense tourbillon de motos klaxonnant sans cesse. Pourtant, on ne s’y sent pas oppressé. C’est peut-être le soleil, la pierre jaunie des façades coloniales délabrées, les rues étroites aux allures de province, le calme impassible des commerçants assis par terre de chaque côté de la rue, ou le visage serein des conducteurs de ces machines infernales qui défilent dans une anarchie organisée dont eux seuls connaissent les règles ? Bordé d’une promenade ombragée, le lac Hoan Kiem est un havre de calme, un lieu de vie, de balade et de causerie sur les bancs. Quelques vieillards y pratiquent une gymnastique relaxante, adossés aux branches d’un arbre qui surplombe l’eau. Nous y croisons M. Thinh, ancien professeur d’écologie. En riant très fort, il nous explique dans un français parfait qu’il aime les femmes, et nous montre fièrement une photo de lui auprès du général Giap, vainqueur de Diên Biên Phu…
Un marché du delta du Mékong.
Les yeux encore mi-clos, je pose un pied sur la petite barque de bois. La jeune Bui démarre le moteur sous l’œil attentif de son grand frère resté sur la berge. Nous nous faufilons lentement entre les canaux étroits bordés d’une dense forêt de cocotiers. Le soleil se lève sur les eaux brunes du Mékong. Sur la rive, les habitants des petites maisons de bois font leur toilette matinale. En quittant les canaux, nous retrouvons un large bras du fleuve où quatre rangées d’imposantes barques de bois brun à deux étages sont alignées sur quelques centaines de mètres. Sur chacune, une longue perche indique, par un échantillon accroché, la variété de fruits ou légumes que l’on y trouve.
Les femmes dans un marché.
Nous sommes arrivés au marché flottant de Cai Rang, le plus important du delta du Mékong. Autour, de petits bateaux en bois, à rames ou à moteur, accostent ou repartent. Chargements, discussions, échanges, c’est l’abondance ! Sur les berges, le marché s’agite dans les ruelles étroites. Derrière les canaux, les pêcheurs jettent leurs filets entre les barques des vendeurs et trient les quelques poissons attrapés parmi les nombreux détritus pris dans les mailles… Le Mékong est calme. Il respire la vie dans ses eaux boueuses. Une vie qui grouille, au ralenti !