VINCI Autoroutes : un modèle, des expertises et un engagement au service de la décarbonation de la mobilité
Acteur clé et incontournable de la mobilité routière, VINCI Autoroutes suit avec grand intérêt les évolutions technologiques et les nouveaux usages poussés par la course à la décarbonation et la lutte contre le réchauffement climatique. Mobilité électrique, mobilité lourde, adaptation des infrastructures… sont autant d’enjeux qui mobilisent VINCI Autoroutes. Le point avec Blaise Rapior (X99), Directeur général adjoint de VINCI Autoroutes et directeur général d’Escota.
Comment un acteur comme VINCI Autoroutes appréhende la question du changement climatique et de la décarbonation de la mobilité ?
Ces sujets qui mobilisent tout le secteur des transports sont bien évidemment au cœur de notre politique d’entreprise. Aujourd’hui, en France, le secteur des transports est responsable de près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990. Or l’objectif collectif à une échelle planétaire est d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.
Nous sommes donc face à l’urgente nécessité de trouver des solutions pour diminuer les émissions du monde de la mobilité.
En France, l’essentiel de la mobilité est routière (entre 85 et 90 % pour les personnes comme pour les marchandises) et sera durablement routière. Même si notre pays atteint son objectif de doublement de la part modale du ferroviaire, 80 % des déplacements seront encore routiers. Le secteur doit donc concentrer ses efforts sur la décarbonation des mobilités routières et faire preuve d’innovation et d’ingéniosité pour décarboner l’ensemble des mobilités routières.
Quels sont vos engagements en la matière ?
La particularité de notre activité est que nos émissions indirectes (scope 3) liées notamment à l’usage de nos infrastructures sont bien plus importantes que nos émissions directes liées à nos consommations d’énergie (scope 1 et 2).
Dans le cadre de la politique environnement du groupe VINCI, « Environnement 2030 », sur nos propres activités, d’ici 2030, nous nous sommes engagés à baisser de 50 % nos émissions de CO₂ et de 20 % notre consommation d’énergie. Nous visons aussi la valorisation de la totalité de nos déchets d’exploitation, dont 60 % sous forme de valorisation matière. Nous voulons aussi réduire de 10 % notre consommation d’eau d’ici 2030 et supprimer totalement le recours aux produits phytosanitaires sur nos réseaux.
En parallèle, sur le Scope 3, nous nous sommes fixés comme objectif de diminuer de 50 % les émissions de nos chantiers d’ici 2030 et de recycler 90 % des matériaux qui sont produits sur nos chantiers dans une logique d’économie circulaire. Enfin, nous voulons également réduire de 20 % les émissions de CO₂ des clients qui circulent sur nos réseaux.
Énergie renouvelable, mobilité électrique, hydrogène sont autant de pistes explorées pour décarboner la mobilité routière. Quel regard portez-vous sur ces différentes technologies ?
Pour les véhicules légers, le véhicule électrique à batterie s’est imposé comme la solution technique la plus pertinente pour réduire l’empreinte carbone. Aujourd’hui, 55 % de notre flotte de véhicules légers et de véhicules utilitaires légers sont électriques ce qui nous permet de faire baisser fortement notre empreinte carbone depuis 2018.
Aujourd’hui, en France, si les ventes de véhicules électriques neufs représente 15 % des ventes globales, seuls 2 % du parc national est électrique du fait du rythme de renouvellement des véhicules. C’est une nouvelle forme de mobilité que nos concitoyens doivent s’approprier. Alors que l’Europe a voté l’interdiction de la vente de véhicules thermiques à horizon 2035, on s’attend à un fort développement de la mobilité électrique entre 2030 et 2050. Nous avons donc un fort enjeu d’aménagement de notre réseau routier et autoroutier ainsi que de nos aires de service afin de les équiper avec les infrastructures de recharge requises. Cette évolution implique aussi une hausse de la fréquentation de ces aires et la nécessité de déployer des services complémentaires qui pourront être utilisés durant le temps de recharge. Se pose aussi la question de l’adaptation des réseaux électriques. Aux côtés des différentes parties prenantes, l’État, RTE et ENEDIS principalement, nous devons élaborer des schémas directeurs afin d’agir en bonne coordination.
Les technologies sont moins matures du côté de la mobilité lourde. Parmi les pistes explorées, il y a l’hydrogène. C’est un vecteur énergétique intéressant, notamment parce qu’il est fluide et qu’il peut donc se transvaser très facilement. Mais de nombreux freins persistent à son déploiement. D’abord le coût : à densité énergétique équivalente, l’hydrogène gris coûte plusieurs fois plus cher que du diesel, et l’hydrogène vert coûte, lui aussi plusieurs fois plus cher que l’hydrogène gris. Se pose aussi la question de la sécurité, car l’hydrogène est un gaz hautement inflammable et explosif. Toujours en matière de mobilité lourde, le développement des poids lourds à batterie est en cours. Ceux actuellement sur le marché ont une capacité de 12 à 14 tonnes, et ceux qui arrivent, de 40 tonnes. Ils sont équipés de batteries qui permettent déjà un usage sur des courtes et moyennes distances, notamment pour des usages de logistique urbaine, là où les zones à faibles émissions accélèrent la nécessité d’adopter des motorisations moins polluantes. Il n’existe pas encore de technologie leur permettant de parcourir de très longues distances, alors qu’il s’agit de l’usage le plus répandu en Europe. Pour lever ce frein, plusieurs développements sont en cours. Les constructeurs de poids lourds viennent de mettre au point un standard de prise de recharge permettant de faire transiter 1 MW. Si cette technologie a l’avantage d’être décentralisée, la taille de batterie et le déploiement d’une infrastructure de recharge adaptée restent de vrais défis. Des expérimentations sont aussi menées sur la recharge dynamique, qui est la capacité d’un véhicule à se recharger en roulant. Des tests sur route ouverte ont été réalisés en Allemagne avec un pantographe posé sur un véhicule et une caténaire au-dessus de l’autoroute, pour justement permettre cette recharge de la batterie en roulant. La Suède a également fait des tests sur des bus qui se rechargent par induction. Récemment, nous avons remporté un appel à projet pour expérimenter cette technologie sur l’A10 en Île-de-France sur un tronçon de deux kilomètres. Nous regardons aussi la technologie de recharge par rail qui est déjà largement utilisée dans l’univers du tramway. Toutefois transposée dans le secteur de la mobilité routière, cette technologie soulève des questions en matière de sécurité, car l’implantation de rails métalliques au milieu de la chaussée peut induire des pertes d’adhérence, notamment pour les deux roues.
D’un point de vue technique, notamment en termes de rendement, la recharge dynamique semble être la meilleure option, la plus collective aussi en termes d’usages futurs. Toutefois, son déploiement nécessitera une décision centralisée au niveau européen afin d’homogénéiser la démarche et de s’assurer que tous les pays se basent sur un cahier des charges commun.
Ces technologies répondent à des besoins et des usages différents (courte et moyenne distance/longue distance). Dans ce contexte, les transporteurs pourraient devoir segmenter leur flotte en fonction de ces contraintes.
Pour un acteur comme VINCI Autoroutes, quels sont les principaux enjeux ?
Nous avons également un enjeu autour du développement d’énergies renouvelables. Nous sommes un grand propriétaire foncier avec plus de 45 000 hectares de foncier (plus de 4 fois la superficie de Paris), dont plus de deux tiers sont non-revêtus. Il y a donc là un véritable potentiel de développement d’énergies renouvelables, notamment de centrales photovoltaïques au sol, avec une puissance à la clé que l’on estime à environ un gigawatt crête.
Nous devons aussi travailler sur l’adaptation des réseaux d’infrastructures à l’évolution du climat. En effet, nos infrastructures ont été conçues pour répondre à des contraintes qui, aujourd’hui, ne sont plus les mêmes. C’est notamment le cas pour le risque d’inondation ou de crues. À titre d’exemple, entre 2015 et 2019, nous avons ainsi connu trois crues plus que trentennales sur un petit fleuve côtier des Alpes-Maritimes que franchit l’autoroute A8 !
Ces évolutions s’inscrivent dans le temps long. Tout comme le modèle de la concession qui est au cœur de votre positionnement. En quoi est-ce un véritable avantage et un levier de différenciation ?
C’est, effectivement, un réel avantage, car nous avons l’habitude de penser le temps long, dans lequel la lutte contre le changement climatique et l’adaptation face au changement climatique s’inscrivent également, tout comme la transition énergétique, par ailleurs ! Dans ce contexte, la concession est un véhicule d’investissement qui permet un financement tout au long de la durée de vie d’une infrastructure et qui est donc parfaitement adapté aux transitions énergétiques et climatiques que nous vivons ! VINCI Autoroutes est donc en première ligne pour accompagner ces évolutions en capitalisant sur son expérience, son expertise et son modèle.