Vinci concessions : « Le modèle de la concession est particulièrement pertinent pour accompagner la décarbonation »
Acteur clé de la mobilité de demain, VINCI Concessions s’engage fortement en faveur de la décarbonation des usages et de la mobilité. Nicolas Notebaert (X89), Directeur Général de VINCI Concessions et Président de VINCI Airports et Éric Delobel, Directeur technique de VINCI Airports et référent du pôle de compétence Hydrogène de VINCI Concessions, nous en disent plus sur les objectifs ambitieux que le groupe s’est fixé et sur la place accordée à l’hydrogène dans leur stratégie de décarbonation. Entretien.
Comment VINCI Concessions et VINCI Airports appréhendent la question de la décarbonation ? Dans ce cadre, quels sont vos objectifs et engagements ?
Partout sur la planète, nous constatons les effets du changement climatique. Les rapports du GIEC sont clairs : nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des infrastructures et des transports représente 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et même 23 % des émissions mondiales de carbone (la route essentiellement, le maritime, l’aérien, et dans une moindre mesure le ferroviaire). VINCI Concessions a choisi d’être un leader de cette transition. En 2016, nous avons été le premier acteur du secteur à s’engager dans une démarche de décarbonation de nos activités. Ce plan s’articule autour de plusieurs axes :
Réduire les émissions des bâtiments avec un focus sur l’éclairage, le chauffage et la climatisation ; la révision de l’isolation, des chaudières ; le recours aux LED dans les bâtiments, les tunnels et les pistes et les parkings des aéroports ;
Adopter progressivement un mix d’énergie plus décarboné et produire localement une énergie verte. Nous avons ainsi lancé un plan de centrales photovoltaïques sur toutes nos concessions nous permettant de développer l’auto-consommation d’électricité verte sur l’ensemble de nos infrastructures ;
Le changement des sources d’énergies pour nos véhicules, engins et équipements. Pour les véhicules du siège, nous avons basculé sur des véhicules hybrides ou électriques.
Pour la période 2018 à 2030, nous nous sommes fixés l’objectif de réduire de 51 % nos émissions de carbone. En 2022, nous enregistrions déjà une baisse supérieure à 40 % de nos émissions.
L’enjeu est bien évidemment de dépasser le cadre des infrastructures, car l’essentiel des émissions sont celles des voyages et des transports associés. En parallèle, nous avons donc mis en place une politique incitative pour travailler sur la réduction des émissions de nos clients. C’est l’enjeu du scope 3 où nous souhaitons être particulièrement volontaires. Dans le domaine aéroportuaire, nous avons, par exemple, initié la modulation carbone des redevances que les compagnies nous paient pour utiliser nos aéroports. Plus l’avion est moderne et moins il consomme de CO2 dans son cycle de rotation (de l’atterrissage au décollage), moins la redevance est élevée. Inversement, nous attribuons un malus aux avions les plus consommateurs de carbone et les plus polluants. C’est une initiative qui vise à encourager le renouvellement des flottes avec des avions moins consommateurs de carbone et qui incite aussi à utiliser des biocarburants durables. Ainsi, Clermont-Ferrand est le premier aéroport français à avoir accueilli cette typologie de carburant. Après avoir réduit au maximum nos émissions, nous avons mis en place un programme de reforestation pour atteindre notre objectif zéro émission nette de carbone le plus tôt possible. À Lyon Saint Exupéry, qui est le grand aéroport régional le plus en avance, nous nous sommes associés à l’ONF pour initier ce programme certifié « label bas carbone », dans la forêt du Beaujolais. Nous invitons, d’ailleurs, les compagnies aériennes qui n’auraient pas leur propre programme à s’engager, à nos côtés, dans nos programmes locaux de reforestation et de régénération des forêts françaises ou à l’étranger. Lyon Saint Exupéry sera ainsi Zéro Emission Nette dès 2026. Pour résumer, c’est un plan complet et ambitieux. Et pour des ingénieurs, c’est un incroyable défi à relever que de trouver les solutions de mobilité qui nous permettront de continuer à nous déplacer tout en préservant la planète. Plus que jamais, nous avons besoin des talents et compétences pour réussir notre décarbonation et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique dans le secteur de la mobilité.
Dans le domaine de la mobilité, on retrouve l’hydrogène. Quelles sont les perspectives qu’il peut offrir ?
Depuis la sécurisation de sa production, de son stockage et de sa distribution, l’hydrogène s’impose comme un vecteur énergétique très prometteur au service de la mobilité et de sa décarbonisation, à condition qu’il soit produit à partir d’une source d’énergie verte comme le photovoltaïque, l’éolien ou l’hydraulique. Que ce soit pour la mobilité terrestre, aérienne et ferroviaire, quand l’électrique est difficilement envisageable, l’hydrogène est une solution d’avenir. Aujourd’hui, nous voulons accélérer cette logique de bascule de la motorisation vers l’hydrogène, même s’il est important de bien conserver à l’esprit que l’hydrogène n’est pas en compétition avec l’électrique. Dans les aéroports du Kansai au Japon, nous disposons, par exemple, de trois stations hydrogène pour des véhicules et engins de piste (chariots élévateurs servant nos activités Cargo). Nous venons aussi d’inaugurer un service d’autobus à hydrogène en partenariat avec les autorités locales. Dans le domaine de l’aviation, Airbus s’est fixé un objectif ambitieux qui lui permettra d’asseoir son leadership : avoir un avion à hydrogène à horizon 2035. Pour que cette ambition devienne réalité, outre les briques techniques et technologiques nécessaires au développement de cet avion, il faut également des infrastructures aéroportuaires en capacité d’accueillir ces avions. Avec Airbus et Air Liquide, nous avons décidé d’être pilote sur ce sujet en développant ces infrastructures en trois temps sur un site pionnier, l’aéroport de Lyon Saint Exupery : une petite station à hydrogène pour la mobilité légère (véhicules particuliers, véhicules utilitaires, taxis…) à horizon 2023 ; une station à hydrogène gazeux pour la mobilité lourde (poids lourds servant les activités de transport/fret/logistique, bus, engins des piste, chariots élévateurs ) qui sera prête d’ici 2025 ; des installations in situ dédiées à l’hydrogène liquide vert devant servir les besoins des futurs aéronefs. Nous allons donc produire sur site de l’hydrogène gazeux pour les usages de mobilité terrestre (au sein et autour de l’aéroport) et de l’hydrogène liquide pour alimenter les avions, dès 2035.
Et dans ce cadre, quelle est votre stratégie ?
Pour lutter contre le changement climatique et réduire les émissions de carbone, notre groupe a fait le choix de privilégier une approche partenariale en facilitant les collaborations entre des acteurs qui ont des forces complémentaires. Concernant les partenaires externes, nous concluons des accords de partenariat stratégiques comme celui signé avec Airbus et Air Liquide en septembre 2021 pour développer sur nos aéroports des installations hydrogène. Concernant les partenaires internes, nous nous appuyons sur les expertises et les savoir-faire de VINCI Construction et VINCI Énergies pour développer des projets de production et de stockage de l’hydrogène. Nous avons également rejoint l’Alliance pour l’Aviation à Emissions Nulles (AZEA), lancée par l’Union Européenne et réunissant les principaux acteurs qui s’engagent à préparer une aviation à émissions nulles, grâce notamment à l’hydrogène. Il y a sur ce sujet de l’hydrogène une opportunité pour développer un leadership français. Dans le Plan d’Investissement d’Avenir, l’hydrogène occupe une place centrale avec plus de 1,5 milliards de capitaux engagés, qui peuvent aller jusque 2 milliards. Avec l’ensemble des financements à l’échelle mondiale, cela représente plus de 15 milliards d’euros de projets. Dans ce cadre, nous nous rapprochons d’acteurs nationaux et internationaux pour mutualiser ces fonds et avancer ensemble. VINCI Concessions, aux côtés de TotalEnergies et Air Liquide, a ainsi été à l’initiative du plus grand fonds mondial pour l’hydrogène décarboné dans les infrastructures, HY24. A ce titre et en tant qu’investisseur de référence dans ce fonds, nous avons co-investi dans H2 Mobility, une entreprise qui exploite et développe en Allemagne (où VINCI Concessions est le 1er concessionnaire autoroutier) le plus grand réseau de stations de distribution d’hydrogène décarboné en Europe. Nous sommes aussi ouverts à des opportunités aux États-Unis ou au Japon où nous avons déjà une première expérience dans l’utilisation de l’hydrogène au sein d’un aéroport.
Comment contribuez-vous, à votre niveau, au développement de ce leadership français en matière d’hydrogène ?
Notre positionnement de leader en matière de concessions d’infrastructures de mobilité est une fierté, mais il implique aussi une responsabilité en termes de sécurité, d’innovation et aujourd’hui de décarbonation et de souveraineté. Pour relever ce défi et assumer cette responsabilité, nous ne sommes bien évidemment pas seuls. Nous nous appuyons sur d’autres leaders français dans leurs domaines. Notre partenariat avec Airbus, né à Lyon, s’est déployé ces derniers mois dans de nouvelles géographies : nos aéroports en partenariat au Chili (Santiago) et au Japon (Kansai) viennent de rejoindre le projet. Plus récemment encore, c’est au Portugal que nous avons tissé un nouveau partenariat entre nos aéroports (ANA) et Caetano et Galp pour développer les bus et engins de piste à hydrogène. Notre mission est donc de travailler ensemble pour créer les synergies et les opportunités qui permettront à la France de se distinguer à une échelle internationale. Dans cette démarche, nous capitalisons aussi sur les acteurs de la recherche et les universités pour renforcer notre capacité d’innovation, de R&D et de recherche appliquée.
En quoi le modèle de la concession est-il pertinent pour relever l’ensemble de ces défis ?
Parce que nous sommes concessionnaires d’infrastructures de mobilité, nous sommes au cœur des parties prenantes qui sont concernées par le développement et l’adoption de l’hydrogène comme énergie du futur. Au-delà, comme précédemment mentionné, nous nous dirigeons progressivement vers un modèle où l’hydrogène vert sera produit et distribué au sein des infrastructures de mobilité pour répondre aux besoins en énergie, mais aussi pour décarboner les usages. Le modèle de la concession est particulièrement pertinent pour accompagner cette évolution sur le long terme, les contrats de concession ayant, en effet, une durée moyenne de plusieurs décennies. La force de ce modèle réside ainsi dans sa capacité d’investissement qui va au-delà des considérations budgétaires annuelles. En effet, nous disposons d’un rapport au temps qui nous permet de remodeler les plans d’infrastructures et de pouvoir amortir ces évolutions par la suite.
Et pour conclure ?
C’est aujourd’hui que nous posons les bases de la mobilité positive de demain. La mobilité est un bien essentiel de l’humanité. Nous devons continuer à nous déplacer tout en préservant la planète. Nous sommes fortement engagés pour apporter notre contribution à cet enjeu sociétal et environnemental crucial.