Vins du Domaine de la Romanée-Conti
La vigne de la Romanée-Conti s’est d’abord appelée Cloux (ou Clos) des Cinq Journaux, puis Cros des Cloux (ou Creux des Clos), avant de prendre le nom de Romanée à la fin du XVIIe, et enfin de Romanée-Conti, à la fin du XVIIIe siècle. Ses limites sont connues depuis 1512 : c’était un des Clos que possédait sur Vosne le monastère de Saint-Vivant. Le vin de la Romanée est vraiment entré dans la légende le 18 juillet 1760, lors de son rachat par Louis-François de Bourbon, Prince de Conti (1717−1776), mari de Louise-Diane d’Orléans, fille cadette du Régent.
Le terroir était déjà considéré comme le plus grand de Bourgogne, puisque les meilleures vignes valaient à l’époque 250 livres l’ouvrée, alors que l’ouvrée de la Romanée- Conti atteignit, lors de la transaction, le prix record de 2 310 livres.
La Romanée-Conti connaîtra des fortunes diverses sous la Révolution et au cours du dix-neuvième siècle, avant d’être acquise en 1869 par Jacques-Marie Duvault-Blochet, dont descend Aubert de Villaine, le plus ancien des actuels cogérants du Domaine. La vigne de La Tâche a rejoint le Domaine dans l’entre-deux guerres, avant que Henri Leroy, négociant bourguignon, ne rachète 50 % de la propriété en 1942.
Depuis cette date, deux familles se partagent, chacune pour moitié, la propriété et la gestion du Domaine de la Romanée-Conti : la famille de Villaine et les héritiers d’Henri Leroy. Les gérants actuels sont Aubert de Villaine (depuis 1974) et Henry-Frédéric Roch (depuis 1992), ce dernier a succédé à Lalou Bize-Leroy, cogérante de 1974 à 1992.
La vigne de la Romanée-Conti s’étend sur 1 hectare, 80 ares et 50 centiares. Elle a été maintenue en vigne française “ franche de pied ”, c’est-à-dire non greffée, jusqu’en 1945, date à laquelle elle fut arrachée, pour être replantée sur porte-greffes (il n’y a pas eu de millésime de Romanée-Conti de 1946 à 1951 inclus). La production moyenne est de l’ordre de 6 000 bouteilles par an, toutes signées et numérotées (à titre de comparaison, la production de Petrus est de 60 000 bouteilles).
Depuis des lustres, ce vin mythique est le vin rouge le plus cher du monde. Au Domaine, il n’est pas vendu à l’unité. Pour avoir une bouteille de Romanée- Conti, il faut acheter une caisse de douze bouteilles qui contient des Échézeaux, des Grands-Échézeaux, des La Tâche, des Romanée-Saint-Vivant, des Richebourg et… une Romanée-Conti. Cette forme de commercialisation a pour but de décourager la spéculation et de permettre au plus grand nombre possible d’amateurs d’accéder à la Romanée-Conti.
À la différence d’autres grands domaines de Bourgogne, la stratégie de la Romanée-Conti a toujours été de se concentrer sur un petit nombre de grands crus, tous situés sur le territoire de la commune de Vosne-Romanée. L’exception qui confirme cette règle a été l’acquisition, au début des années soixante, d’une petite parcelle (67 ares) de Montrachet (3 000 bouteilles environ).
Le Domaine possède en monopole deux grands crus : la Romanée- Conti (1,8 ha) et La Tâche (plus de 6 ha, 20 000 bouteilles environ), près de la moitié de deux autres grands crus Richebourg (3 ha 51 a 10 ca, 11 000 bouteilles environ) et Grands Échézeaux (3 ha 52 a 63 ca, 11 500 bouteilles environ), ainsi que les deux tiers de la Romanée-Saint- Vivant dont la Romanée-Saint-Vivant Marey-Monge (5 ha 28 a 58 ca, 17 000 bouteilles environ) et une partie du grand cru Échézeaux (4 ha 67 a 3 ca, 15 000 bouteilles environ).
Par ailleurs, le Domaine possède et exploite 17 a 46 ca en Bâtard-Montrachet, 1 ha 1 a 90 ca en Vosne- Romanée premier cru Les Suchots, 40 a 50 ca dans les Petits Monts et quelques parcelles comme une ouvrée en Gaudichot et une autre dans les Reignots ; tous ces vins sont vinifiés au Domaine mais ne sont pas commercialisés par lui, ils sont vendus au négoce.
La philosophie des actuels gérants du Domaine est de respecter le terroir et son équilibre, le rôle du vinificateur se bornant à en traduire fidèlement les incomparables qualités. Un grand soin est donc apporté à la culture de la vigne (d’un âge moyen de quarante ans). Les rendements comptent parmi les plus bas de Bourgogne (20 à 30 hectolitres maximum à l’hectare, quand la réglementation permet la production de 42 hectolitres pour les grands crus).
Le matériel végétal (clones de pinot noir, le “cépage traducteur” de ce terroir) est d’une grande finesse grâce à des sélections massales et clonales très rigoureuses. La tradition veut qu’on ne vendange au Domaine que le plus tard possible, avec tous les risques que cela comporte, pour obtenir des raisins parfaitement mûrs. La vinification est traditionnelle et s’effectue dans des cuves en bois ou en inox.
La cuve dans laquelle est vinifiée la Romanée-Conti a été fabriquée en 1862… Tous les vins du Domaine sont ensuite élevés dans des fûts neufs, renouvelés chaque année.
Voici nos commentaires sur quelques crus du Domaine, récemment dégustés.
• Échézeaux 1989
Rouge légèrement patiné. Nez d’églantine avec des arômes de fraise et de pruneau. Début d’évolution. Notes de havane. Déjà agréable en bouche, grâce à une trame tannique fine et veloutée.
• Richebourg 1991
Robe grenat avec des nuances d’évolution. Le premier nez révèle des arômes intenses de gibier auxquels succèdent des notes fines de cuir, de moka, d’épices et de réglisse. En bouche, les fruits rouges sont très présents. Vin riche, presque charnel, mais subtil. Élégance et vigueur.
• Romanée-Saint-Vivant 1988
Robe rubis assez claire. Nez de musc, de civette accompagnés de notes florales. En bouche, la structure est complexe, les tannins sont présents ainsi que l’acidité, typique du millésime. Fin de bouche très fraîche, caractéristique d’un grand vin. Une bouteille qui sera grandiose dans vingt ans, comme les 1966 le sont aujourd’hui…
• La Tâche 1988
Robe d’un beau rubis profond. Nez discret mais complexe de framboise et de tabac blond avec des notes florales de violette. Superbes tannins bien ronds, très présents en milieu de bouche. Son acidité lui apporte beaucoup de fraîcheur et soutient un fruité d’une grande pureté aromatique. Belle finale très longue.