Vivre aligné avec son temps
La promotion 74, dont vous êtes issu, se place sous le signe de la modernité et de la contribution des X aux évolutions de leur temps, était-ce pour vous un objectif ?
En tout cas c’est une réalité. D’abord par la stratégie de partenariat unique qui existe aujourd’hui entre Renault et Nissan et que, comme patron, j’ai porté.
Ces deux entreprises ont créé une Alliance unique et travaillent également avec d’autres partenaires tels qu’Avtovaz, Daimler, Dongfeng et Mitsubishi. Ce faisceau de partenariats permet au groupe de bénéficier d’un effet d’échelle bien plus grand que celui que sa propre taille lui autoriserait.
“Lorsque j’ai commencé à travailler, je voulais une carrière globale et un métier qui mêle relations humaines, technologie et industrie. Je pressentais que l’automobile serait la bonne voie de ce point de vue, et je suis très heureux de mon choix.”
C’est par ailleurs un dispositif qui, sur le plan du management, est très moderne et sur lequel nous sommes pionniers car bien peu d’entreprises dans le monde, et encore moins dans le secteur automobile, s’y sont engagées.
L’Alliance est la bonne réponse pour conserver son identité tout en cultivant un esprit de collaboration. L’autre option possible, celle des acquisitions et des fusions, se traduit trop souvent par un déni d’identité qui génère conflits et ruptures.
Deuxième point important, et que nous avons aussi fortement développé : le management de la diversité. Et j’entends par là aussi bien la mixité, que la dimension multiculturelle. C’est un atout majeur pour l’entreprise.
Troisième point, le développement du produit. Car nous sommes avant tout des constructeurs automobiles. Nous fabriquons des objets sur lesquels Renault et Nissan sont précurseurs, je pense notamment aux véhicules zéro émission. Nous avons su produire un véhicule propre et compatible avec une commercialisation de masse.
Ce n’est donc plus un segment de niche, ce qui est fondamental et correspond bien aux problématiques environnementales du XXIe siècle.
Enfin, le quatrième point, tout aussi moderne, concerne la qualité de notre dialogue social. En France, nous avons signé en 2013 des Accords de compétitivité particulièrement innovants, qui permettent à notre base industrielle française de redevenir attractive.
Être un grand patron est-ce précisément cela : savoir faire face aux défis du monde à venir et être une force de proposition dynamique face aux enjeux de société ?
Oui, je pense qu’il existe deux sortes de défis : certains sont immédiats, imposés par les circonstances (tremblement de terre au Japon, crise financière avec la disparition de Lehman Brothers, …), et requièrent une réaction très rapide. Il appartient au patron, d’en saisir très vite les enjeux pour être à même de prendre au plus tôt les bonnes décisions, de rassurer ses équipes et permettre ainsi à son entreprise de traverser la crise du mieux possible.
Mais il existe aussi des défis choisis, anticipés, auxquels on prépare l’entreprise pour qu’elle prospère sur le long terme. La voiture électrique est l’un d’eux.
Un patron est avant tout un décideur ; il est là pour transformer le réel. C’est pourquoi les grands penseurs ne font pas forcément des grands patrons. Nous sommes d’abord jugés sur notre capacité à réaliser, sur la croissance de l’entreprise, les résultats financiers et la création de valeur.
Il est toutefois impératif de bien comprendre le monde tel qu’il est pour analyser le plus finement possible les différentes voies qui s’offrent à vous et opter en pleine conscience pour la meilleure.
Il faut donc être à la fois réactif, prospectif, et bien entouré !
L’actuelle signature du Groupe Renault « Drive the change », qui incarne l’idée d’une dynamique et d’une mobilisation, résume-t-elle l’esprit de votre leadership ?
Il y a eu beaucoup d’évolutions importantes sous ma présidence, et cela est appelé à continuer, notamment en ce qui concerne notre Alliance avec Nissan. Le développement des deux entreprises se fait en grande harmonie, ce qui constitue une exception notable dans notre industrie où les rapprochements sont le plus souvent périlleux.
“L’alliance travaille par exemple sur les prochaines voitures autonomes, que vous verrez apparaître sur les routes d’ici 2020.”
Dans notre cas, la politique de partenariat, et la culture de collaboration qui l’accompagne, sont désormais clairement acquises. Renault est aujourd’hui une entreprise qui a su préserver ses racines françaises tout en se développant fortement à l’international.
Nous avons réussi cette mutation qui consiste à être fier de notre identité, et à ne pas s’embarrasser de complexes pour signer des partenariats et se lancer au Brésil, en Russie, en Inde, et maintenant en Chine. C’est le fruit d’un équilibre subtil entre préservation de notre identité et ouverture internationale.
Enfin, l’exigence de notre évolution technologique a permis à Renault de devenir un champion sur le plan environnemental, avec notre leadership sur les véhicules électriques et les niveaux d’émission très bas de nos véhicules.
Toutes ces transformations trouvent à s’exprimer dans la diversité de notre management dont le comité exécutif compte entre autre un allemand, deux espagnols, deux femmes… L’entreprise s’avère désormais bien plus multiculturelle, diverse et globale qu’elle ne l’a jamais été.
Aviez-vous, au terme de votre parcours académique, une vision claire de vos attentes professionnelles ?
Non, je n’avais pas vraiment de vision claire. Le seul objectif qui m’animait était de travailler à la fois au Brésil et dans l’industrie. J’aimais déjà la voiture. J’ai d’ailleurs commencé ma carrière en travaillant pour Michelin.
Avez-vous le sentiment d’une fraternité polytechnicienne ?
Oui, mais plutôt avec un petit « f », et c’est très bien ainsi. Je n’ai pas, de façon générale l’esprit de clan et je suis peu féru de sociétés fermées.
Cela étant, j’ai naturellement encore des contacts avec d’anciens camarades de promotion avec lesquels les liens sont toujours très amicaux.
Quelles seraient vos ambitions si vous sortiez de l’X aujourd’hui ?
Lorsque j’ai commencé à travailler, je voulais une carrière globale et un métier qui mêle relations humaines, technologie et industrie. Je pressentais que l’automobile serait la bonne voie de ce point de vue, et je suis très heureux de mon choix.
Aujourd’hui, j’aurais certainement une carrière différente si je sortais de l’X. Tout d’abord, je partage complètement l’envie actuelle des jeunes de devenir entrepreneur, et je me mettrais sans doute à mon compte. L’autre différence, c’est ce que je chercherais à travailler dans une start-up ou dans les technologies nouvelles. Les besoins dans ce domaine sont considérables, et de ce point de vue, le monde qui s’annonce est fascinant.
L’Alliance travaille par exemple sur les prochaines voitures autonomes, que vous verrez apparaître sur les routes d’ici 2020. Nous allons intégrer les technologies connectées les plus innovantes dans nos véhicules, avec à la clé des gains spectaculaires en termes de sécurité et de temps de loisir retrouvé pour les conducteurs.
C’est enthousiasmant !