Vivre avec un handicap psychique
Apparu dans le langage usuel au milieu des années 1950, le terme handicap vient de l’anglais hand in cap (la main dans le chapeau). Il fait référence à un jeu britannique d’échange d’objets personnels entre deux joueurs qui acceptaient de se soumettre à l’arbitrage d’un handicaper, chargé de fixer l’équivalent monétaire de la différence de valeur entre les deux objets.
Cette notion est complexe et fait appel à plusieurs critères, ainsi deux individus présentant le même problème de santé peuvent-ils connaître des types ou des degrés de handicaps différents selon le milieu dans lequel ils vivent et leurs caractéristiques personnelles en termes d’âge, de sexe, d’origine sociale, d’expérience de vie ?
Cette notion est complexe et fait appel à plusieurs critères, ainsi deux individus présentant le même problème de santé peuvent-ils connaître des types ou des degrés de handicaps différents selon le milieu dans lequel ils vivent et leurs caractéristiques personnelles en termes d’âge, de sexe, d’origine sociale, d’expérience de vie ?
Ma pratique professionnelle m’a montré que parmi toutes les personnes en difficulté, celles atteintes de troubles psychiatriques étaient les plus exclues de notre système de vie social, professionnel et même familial, ce handicap étant extrêmement difficile à vivre et à gérer au quotidien pour chacun.
Le handicap psychique a pour origine une maladie psychique
qui s’est développée généralement en cours de vie, chez une personne qui n’avait pas eu jusqu’alors de difficultés particulières. Ces maladies psychiques affectent partiellement le fonctionnement cérébral.
De types psychoses (perceptions fausses de la réalité) ou névroses (réalité bien perçue mais source d’anxiété), les plus connues sont : les schizophrénies, les maladies bipolaires ou PMD (psychose maniacodépressive), les névroses invalidantes, les dépressions graves, l’anorexie, la boulimie, la paranoïa, globalement les troubles de la personnalité…
Les capacités mentales, cognitives et intellectuelles de la personne restent intactes, mais se trouvent perturbées par les symptômes de ces maladies.
À la différence d’une personne atteinte d’un handicap mental qui est, elle, porteuse de manière permanente d’une déficience intellectuelle.
L’OMS considère que cinq des dix pathologies les plus préoccupantes au niveau mondial pour le xxie siècle sont des pathologies psychiatriques : schizophrénie, trouble bipolaire, addiction, dépression et trouble obsessionnel compulsif (TOC).
Selon une étude du ministère de la Santé : « Plus d’un million de patients ont été suivis en 2000 par les 830 secteurs de psychiatrie générale. Ce nombre est en augmentation régulière de 5 % par an. »
Les troubles psychiatriques sont non seulement associés à une très forte mortalité, mais également à l’origine de handicaps et d’incapacité lourds ainsi que d’une qualité de vie détériorée pour le sujet atteint comme pour ses proches.
Bien sûr les progrès de la pharmacopée ont considérablement amélioré la vie de nombreuses personnes atteintes de troubles psychiques, les traitements leur ont permis de se stabiliser et de mener une vie sociale et professionnelle sans être particulièrement en situation de handicap.
Pour d’autres, au contraire, la maladie est mal connue, mal stabilisée, voire pas soignée et même déniée. Les conséquences se traduisent alors par des comportements déroutants, inadaptés et souvent inattendus. L’incompréhension s’installe dans l’environnement familial, social et professionnel.
« Il fait des choses bizarres, son sourire est inquiétant… Il tient des propos incompréhensibles… Il se montre violent et agressif… »
Les représentations négatives liées à l’imaginaire de la folie entretiennent les mécanismes de l’appréhension et de la peur face à ce type de handicap non visible.
Malgré les efforts de compréhension, de tolérance et de solidarité de l’entourage, un sentiment d’impuissance s’instaure et s’ensuit, faute de solution, l’engagement dans la spirale du rejet. La maladie mentale est alors synonyme de grande souffrance et d’exclusion.
Qu’est-ce que vivre avec des troubles psychiques ?
Le Docteur Denis Leguay, chef de service au Centre de santé mentale angevin, CESAME, nous permet de mieux comprendre le quotidien de ces personnes handicapées psychiques :
• c’est d’abord une expérience subjective qui « absorbe » l’énergie du sujet, marquée par l’angoisse, le sentiment de ne pas appartenir à la société, de ne pas comprendre ses codes, la lutte contre la maladie, l’interrogation sur le sens de l’existence ;
• c’est aussi une situation objective marquée par les difficultés d’autonomie sociale, la pauvreté relationnelle, la marginalisation, la précarité sociale, la surmortalité.
« Mon visage se déforme », « On me suit partout où je vais », « ça parle dans ma tête », « On devine mes pensées », « J’entends une voix que les autres n’entendent pas »…
L’expérience délirante présente un caractère irrécusable et désorganisateur de la pensée, elle génère une angoisse par l’incompréhension du réel.
Le caractère impérieux du délire, son envahissement de la conscience par une thématique qu’il impose, son imprévisibilité et le cortège des phénomènes élémentaires qui s’ensuit (hallucinations, intuitions, interprétations, écho de la pensée…) déstabilisent profondément la personne qui oscille constamment entre adhésion et perplexité.
Le délire entraîne un « centrement » du sujet sur lui-même, qui l’empêche de considérer le monde et les autres.
« Mon fils passe son temps couché dans son lit dans le noir même en plein jour. Il ne se lève que la nuit. Il passe des heures à se regarder dans la glace en se palpant le visage. »
Quelle vie quotidienne ?
• Le temps qui passe
Le vide des journées, le refuge du repli sur soi, « naviguer » dans le monde est si difficile.
• La question du travail
Il y a si peu de personnes psychotiques au travail, alors que le monde du travail est le premier lieu de socialisation et il y a une carence inacceptable en structures de travail adapté.
• Le lien avec le soin
Quelle dépendance à l’égard des structures de soins ? Le passage au CMP (centre médico-psychologique) est souvent la seule démarche sociale des patients. Il n’y a pas suffisamment de lieux de convivialité.
• Quel sens à l’existence ?
Quand on a ni famille (8÷10 psychotiques sont célibataires, 40 % vivent seuls, les trois quarts n’ont pas d’enfants), ni travail ? Comment gérer les problèmes de logement, de ressources…
« Ma fille dit que la maison est hantée, que des scorpions l’envahissent, que c’est Satan qui les attire, elle fume de plus en plus de haschich, je ne sais plus quoi faire. »
La personne handicapée psychique doit se battre quotidiennement pour résister à la paranoïa : ne pas sombrer face à l’inexplicable, accepter le hasard, faire confiance à l’autre.
Elle doit sans cesse contourner ses déficits : trouble de l’attention, lenteur, troubles de la pensée et de la flexibilité mentale, difficultés à la résolution de problèmes.
Handicap psychique et grandes écoles ?
Dans leur livre : Classes préparatoires, Éditions Bayard, 1998, C. M. François Poncet et Alain Braconnier expliquent :
« Les formations de haut niveau ne sont pas incompatibles avec un niveau tout aussi élevé d’aliénation et les accidents psychiques graves sont un des écueils toujours possibles au long du trajet comme à l’arrivée de ce parcours du combattant.
Partis pour franchir la porte d’une grande école certains étudiants se retrouvent dans un cabinet de consultation suite à une rupture de développement qui peut prendre la forme d’un accès maniaque, d’une bouffée délirante, d’un raptus suicidaire, d’une apathie soudaine ou de tout autre trouble grave du comportement… Des aliénations graves du fonctionnement mental peuvent côtoyer chez certains étudiants des capacités et un fonctionnement intellectuel très supérieurs à la normale. »
« Faites-moi des Régents » disait Napoléon à propos de l’École normale, mais sortis du « cocon » maternel que peuvent représenter les grandes écoles, certains s’écroulent ou ont du mal à s’intégrer à un milieu professionnel.
Ne restez pas seul avec vos questions, il y a des solutions !
Que faire, à qui s’adresser ?
► Consulter votre médecin généraliste (ou votre médecin du travail), dans un premier temps, il vous connaît, parfois il a vu grandir votre famille.
► Dans un second temps, l’avis le plus sûr est celui du spécialiste, vous pouvez consulter un psychiatre libéral, conseillé par votre médecin, ou un psychiatre hospitalier. Le secteur public propose des lieux de consultation de proximité :
• le centre médico-psychologique (CMP) où des psychiatres consultent gratuitement, on y trouve aussi des psychologues qui ne prescrivent pas de médicaments mais sont formés à l’écoute et font des psychothérapies ;
• dans certains départements, il existe des centres d’accueil et de crise (CAC) dont la fonction est d’écouter les familles, les personnes en souffrance psychique et de mettre en place des traitements adéquats sans recourir forcément à l’hospitalisation.
Les adresses de ces structures sont disponibles auprès de la Caisse de secours.
► Pour les élèves en cours d’études mais aussi pour ceux qui ont quitté l’X, l’École met à leur disposition un service psychologique : Mme Anne Delaigue, psychologue clinicienne, en est la responsable, vous pouvez la joindre au tél. : 01 69 33 30 51, anne.delaigue@polytechnique.fr
► « Informer pour mieux soigner » tel est l’objectif de Psycom75, consulter son site www.psycom75.org
► L’Union nationale des amis et familles des malades psychiques UNAFAM : www.unafam.org
* La Caisse de secours de l’AX peut vous aider à évaluer votre problème et vous accompagner vers des partenaires spécialisés. N’hésitez pas à nous solliciter :
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Pourquoi n’y a t‑il jamais d’article sur les personnes qui vivent AVEC une personne handicapée mentale ? Même si la personne est handicapée, qu’on le sait, qu’on l’accepte, c’est très dur au quotidien de côtoyer une personne psychotique qui a de nombreux TOCs et qui est très très lente… Mon moral baisse souvent à cause de cette personne, même si je sais que c’est dû à son handicap.