Voyage à travers une vie
Il n’est pas si fréquent de nos jours que l’on ose parler de l’Afrique sans se croire obligé d’évoquer la malfaisance de la colonisation. C’est pourtant bien en échappant à cet impératif du politiquement correct que notre camarade Paul Bourrières a publié son Voyage à travers une vie dans la collection “ Graveurs de mémoire ” des éditions de L’Harmattan.
On ne saurait trop recommander aux amis de l’Afrique, passée et présente, la lecture de ces souvenirs. Ils découvriront, sauf certains des plus vieux d’entre eux qui auraient pu la connaître, ce que fut la vie, difficile, d’un ingénieur chargé de famille dans cette Afrique subsaharienne des années quarante et cinquante. Bourrières, ingénieur des Ponts et Chaussées, y fut successivement adjoint au directeur des Travaux publics et du Chemin de fer de Côted’Ivoire, de 1942 à 1945, directeur des Travaux publics du Dahomey et du Chemin de fer Bénin-Niger de 1945 à 1947, enfin directeur du Port de Dakar de 1947 à 1952. Revenu en France, notre camarade, après un temps de paperasseries au ministère de la France d’Outre-mer, se vit confier la direction générale du BCEOM, alors réceptacle de Gouverneurs en panne de gouvernance. En quelques années, il en fit un bureau de conseil en développement, couvrant aussi bien les aspects infrastructures qu’économie et finances, de renommée internationale, fort apprécié de la Banque Mondiale entre autres, toujours florissant aujourd’hui, tant sur le plan humain que financier.
Les fonctions de Bourrières au BCEOM et sa renommée d’expert lui valurent en outre bien des missions dans des contrées lointaines et pittoresques, mais parfois dangereuses, dont le lecteur trouvera de savoureuses évocations.
Il apprendra aussi des choses que l’on a peine à imaginer, si l’on n’a pas connu les vicissitudes inattendues de la guerre et de l’occupation germano-nazie. Il saura, par exemple, comment deux jeunes ingénieurs des Ponts, dont notre camarade, alors fonctionnaires du gouvernement de Vichy, furent, en octobre 1941, et comme si de rien n’était, envoyés en mission d’études aux États-Unis, dûment munis de tous les passeports, visas et ausweis requis, et Dieu sait s’il en fallait, ainsi que d’un solide viatique en dollars américains, comment ils voyagèrent à bord d’un paquebot de l’American Export Line assurant la liaison Lisbonne-New York, comment ils furent placés deux mois en résidence surveillée, mais débonnaire, aux Bermudes par les autorités de sa Gracieuse Majesté britannique, comment ils accomplirent néanmoins leur mission aux USA, alors dans toute l’effervescence de Pearl Harbor, comment ils revinrent en France, derechef par voie maritime, toujours comme si de rien n’était, porteurs, entre autres, d’un lexique américain-français des termes de génie civil qu’ils avaient rédigés et qui, publié à leur retour, fit longtemps autorité. Ainsi allaient les choses en pleine guerre !
Voilà donc un livre qu’il faut avoir dans sa bibliothèque, riche aussi de bien des réflexions infiniment touchantes, que l’on découvrira au fil des pages !