Voynarovsky de Kondraty Fyodorovich Ryleyev (édition bilingue)
Ouvrage original dans la production polytechnicienne. L’auteur a fait une carrière à Charbonnages de France, culminant à la direction générale de CdF Ingénierie. D’une famille polonaise d’origine, il a appris le russe à l’X. Il a publié toute une série de traductions d’auteurs polonais peu ou pas connus en France, mais aussi une traduction de L’Énéide et des commentaires sur le De rerum natura ; et encore un essai Du néant à la physique en 2014 (recension dans La Jaune et la Rouge n° 720).
Voilà qu’il publie en version bilingue, avec sa traduction et ses notes, un poème inconnu en France de l’un des chefs décabristes, Ryleyev, condamné à mort par le régime obtus de Nicolas Ier. On dit qu’il fut pendu à deux reprises, la corde ayant cassé, et aurait eu ce bon mot : « Malheureux pays, où l’on ne sait même pas comment vous pendre. » Mais il avait auparavant eu le temps de taquiner la muse.
La traduction de la poésie est un casse-tête redoutable et je me garderais bien d’émettre un avis sur l’exercice présenté par notre camarade. Le lecteur qui connaît un peu le russe aura au moins l’occasion de réfléchir sur ses règles de versification, proches et lointaines des nôtres.
Le texte a été publié en 1825, il témoigne des goûts de l’époque et de ses lieux communs. L’intérêt, pour les non-russophones, est dans le sujet. Il porte sur ledit Voynarovsky, homonyme de l’auteur de la traduction en version cyrillique, compagnon de lutte du fameux Mazeppa au début du XVIIIe siècle, lequel Mazeppa est connu chez nous par Hugo et Liszt pour une anecdote chevaline, mais là il s’agit du Mazeppa de l’opéra français de Tchaïkovski, hetman de la Petite Russie, manœuvrier finalement malheureux dans sa tentative de se créer un royaume ukrainien, pour les uns traître à la Russie éternelle et pour les autres héros national. Le texte se préoccupe fort peu de la réalité historique, au demeurant. On sent chez Ryleyev une sympathie pour l’Ukraine, peut-être parce qu’il y avait séjourné et qu’il y avait de la belle-famille.
Décidément, ce décabriste est plus sympa que Dostoïevski, il a plus d’humour, il n’a pas eu le temps de tourner sa veste, il mérite une lecture de curiosité.